San Francisco
Sarah
Cinq heures tapantes, je me réveille en pleine forme, mais très agitée après cette deuxième nuit de récupération. Je suis prête – douchée, habillée, maquillée, brossée – la chambre rangée, le tout en vingt-cinq minutes chrono. Un record. Je dévale les marches et je déboule au comptoir, persuadée de le trouver à boire son café. Non, raté. Wendy s'active seule devant son évier, elle m'accueille avec sa mine radieuse. Boisson chaude, jus de fruit frais et pancakes couverts de sirop d'érable m'attendent.
Comment fait-elle pour que tout soit sur la table à notre réveil ? Elle a un don de voyance, ce n'est pas possible ! Tandis que je déjeune copieusement, la gouvernante me raconte quelques anecdotes sur son dernier week-end avec Peter à Napa Valley à la découverte du Clos Pegase et de son pique-nique gourmet. Nous avons en commun notre passion pour les vins et la gastronomie. Mais je dois l'interrompre : un brossage de dents est nécessaire avant de partir. Quand je redescends, il m'attend dans le hall, les mains dans les poches de son bermuda en jean.
– Bonjour.
Je suis heureuse de le voir enfin. Mais je déchante devant ses traits inexpressifs.
OK, la journée s'annonce mauvaise...
– Nous y allons.
Il m'ouvre la porte du garage. En passant près de lui, je me secoue pour retenir un désir fulgurant de l'embrasser.
Ressaisis-toi Sarah.
Je m'engouffre dans la voiture sans un mot. Peter range nos valises dans le coffre et s'installe au volant, lui aussi a le visage fermé.
Pourquoi acceptent-ils de m'emmener dans l'Arizona si ce voyage est si pénible pour eux ?Ma star est accrochée à son téléphone tout au long du trajet. Il gère mille choses à la fois.
Malgré une foule d'employés à ses ordres, il supervise personnellement chaque projet. Il continue à parler à ses interlocuteurs jusqu'à ce que nous soyons dans le jet.
Après avoir attaché sa ceinture, il éteint enfin son portable. Pour prendre un cahier à spirale et griffonner dessus. On dirait une chanson... Je ne peux pas lire de mon siège, mais les phrases sont courtes et il fredonne en même temps.
C'est un grand honneur pour moi de le voir en pleine création. Il a en lui cette grande liberté d'inspiration autant dans la musique que dans son jeu d'acteur, mais son talent créatif lui confère une certaine fragilité. J'ai pu la ressentir lors de ses répétitions : il est perfectionniste, il s'interroge en permanence sur comment son public accueillera leurs chansons, si celui-ci reprendra en chœur ses textes, si le son portera assez... si, si, si... enfin sur plein de détails qui l'angoissent. Même avec son costume d'homme d'affaires, il conserve sa capacité à imaginer, à créer pour les autres.
Bordel, qu'est-ce que je fais là ?
– Combien de temps dure le vol ? je demande à Peter, ne voulant pas le déranger.
C'est lui qui me répond :
– Environ trois heures trente. Tu peux aller te reposer.
Il n'a pas levé les yeux de son cahier.
– Non merci, j'ai récupéré du décalage.
Il est tellement froid. Je me sens mal d'être dans cet avion. Je me compare au boulet de canon fiché dans le rempart de Nice, genre une verrue qu'on ne peut plus enlever. Il faut que je m'occupe. Personne ne parle, c'est flippant. Je prends mon livre dans mon sac et commence ma lecture. Je ne peux me concentrer, il grommelle sans cesse voire jure tout bas. Il rature des mots, s'exaspère sur une phrase, balance les feuilles arrachées dans la cabine. Les gardes du corps le scrutent bizarrement : ils ne l'ont jamais vu s'énerver ou quoi ? Moi si. Il ne jette pas un coup d'œil vers moi. Rien, pas un mot. Il est hyper tendu et j'en suis la cause. Je n'aurais jamais dû le pousser à bout hier. Toute cette tension entre nous m'épuise. Je m'assoupis dans le confortable fauteuil, mon livre ouvert sur les genoux.
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~ Faux mariage, Vrai désir ~
Roman d'amourQuand Sarah se réveille dans une luxueuse suite d'hôtel à Las Vegas, elle croit avoir simplement trop bu la veille, fait quelques bêtises, rien de dramatique. Mais c'est plus compliqué que ça... Pour commencer Hace Collins, chanteur et acteur de ren...