TRUE BLUE

28. Art Deco

Jude

Ce coin de la pièce m'attire bien plus que les autres. Peut-être parce que c'est une part de lui... une que je ne connais pas.

A vrai dire je ne savais même pas qu'il peignait.

Mes pieds rencontrent à nouveau le drap blanc sur le sol. Mes yeux se perdent sur les nuances de couleurs qui se trouvent autour de moi. Tout semble irréel tant c'est beau. C'est douloureusement beau.

Les traits sont durs et lourds à regarder.

Mais ça m'intrigue.

Je sens son regard dans mon dos, il est toujours allongé sur le lit, je crois.

Je m'aventure dans ses toiles, il ne dit rien. Le temps qu'il ne m'interdît pas de le faire, je continue.

Mes doigts frôlent la peinture, et j'ai l'impression d'effleurer ses fêlures à lui.

D'entrevoir son passé, ses doutes, et des douleurs ancrés et masquées. Peut-être que je me trompe, mais après notre nuit à la bibliothèque, je pense qu'Hayden à beaucoup plus à cacher que la vérité que j'ai fini par découvrir.

Ses mensonges ne se résumes pas simplement à son père.

Je le sais au fond, mais je ne sais toujours pas de quoi il s'agit.

Son passé semble lourd pourtant aucun de ses traits n'en n'est marqué.

Est-ce qu'il essaye parfois de me décortiquer comme j'essaye de le faire ?

Peut-être.

Un tableau avec plusieurs nuances de bleus est dans mes mains, la mer de nuit. Elle est si bien faite que l'on croirait presque une photo, il aurait surement pu, mais son style est semblable à Van Gogh.

Non pas pour son travail de La nuit étoilée. Mais plutôt vers La nuit étoilée sur le Rhône. Ce ne sont que de minuscules traits embraqués les uns avec les autres. 

Si ça n'avait été que ça.

Une certaine profondeur semble si obscure qu'elle effraie. J'ai l'impression de m'engouffrer dans le tableau, dans les profondeurs incontrôlable, là où l'on se fait submerger sans le savoir.

Un peu le discours de ma vie.

Si calme à la surface, mais chaotique lorsqu'on plonge.

Est-il comme ça lui aussi ?

Absorbé par ses maux du passé.

J'ai souvent l'impression d'être dans ces eaux, et qu'une force centrifuge me tire vers les profondeurs, sans jamais cesser de m'y attirer. J'ai beau tout faire pour y échapper, une seconde d'inattention, et je sombre.

Ressent-il ça lui aussi ?

Ou est-ce juste moi ?

Suis-je la seule à être comme ça ?

Suis-je seule face à l'océan ?

Deux mains se posent sur moi m'extirpant de ma stupeur et je sursaute avec un petit cri en faisant tomber la toile par terre.

- Merde, pardon je-

- Eh eh eh! Jude ce n'est pas grave, relax.

Je reprends mon souffle du mieux que je peux.

Je n'avais pas remarqué que mes yeux s'étaient embués, étant bloqué si longtemps sur un point fixe.

L'océan.