TRUE BLUE

33. Combien ?

Jude

Mes pieds pendent dans le vide.

Je ne sais pas quoi faire, la torture mentale est atroce.

Les secondes sont similaires à des minutes, et les minutes à des heures.

Son absence n'a jamais été si vide, et aussi étouffante.

Je ne peux pas lui en vouloir.

Je comprends qu'il préfère aller à ce rendez-vous sans moi.

Cela dit, ça n'enlève rien à l'amas de pleur qui reste coincé dans ma poitrine, qui n'attend que de sortir. Une fois que je connaitrais cette date, peut-être que tout ira mieux.

Non, c'est faux.

Ça sera pire.

Pour l'instant une légère idée que tout ça ne soit qu'un faux mensonge persiste un peu, peut-être que le médecin va lui dire que tout est parti, qu'il est guéri et que notre vie va pouvoir continuer.

Ne te mens pas comme ça Jude, s'il te plaît.

Il va mourir.

Rien que cet aveux broie mon cœur, depuis deux jours c'est la sensation que j'ai. Qu'une main entoure mon organe et qu'à chaque battement, elle le presse un peu plus que nécessaire.

Je le sens lourd et présent, trop présent. Je ressens tout ce qu'il ressent. Et c'est bien trop.

Il n'a pas le droit de partir. Pas de cette façon.

Tout le monde m'a toujours abandonné. Je n'ai jamais été importante dans la vie de qui que ce soit, jamais le second rôle, toujours celui d'un antagoniste pas si important, que l'on peut oublier facilement.

Même dans le film de mes parents, il a été simple de m'effacer d'une saison à une autre.

Mon frère, il a Lilith.

Pour la première fois j'ai cru que j'avais trouvé ma personne à moi. Celle qui serait mon co-acteur, et pour qui je ferais office de second rôle aussi.

Mais finalement, il va partir, il va me laisser.

Comment est-ce que je peux continuer sans lui ?

Comment est-ce que je peux continuer s'il part en emportant tout ce que je ressens...

J'ai mis tant de temps à retrouver une intelligence émotionnelle. J'essaye encore de comprendre ce que je ressens pour lui, aujourd'hui il n'y a plus de doute, je l'aime.

Si l'amour ne m'animait pas, je n'aurais pas cru mourir, lorsque j'ai réalisé sa fin.

Ce n'est même pas encore arrivé que j'ai l'impression d'être déjà parti avec lui.

Je sais pertinemment qu'il emportera un bout de mon âme, peut-être celle-ci entière carrément.

Chaque perte nous impact plus ou moins, et de façon différente. Mais celle-ci, je n'ose imaginer les dégâts qu'elle aura sur moi.

Ils me semblent insurmontables.

Je ne fais que pleurer depuis, pourtant j'aimerais vivre pleinement avec lui, que l'on parte et que l'on profite de ce fameux temps, mais je n'y arrive pas.

Il va bien falloir.

Pour lui.

Pour moi, même si ça empirera surement la fin.

Je n'oserai surement même pas respirer, après ça, par peur que mon cœur éclate en millier de fêlures, plus brûlante les unes que les autres.

Après plusieurs heures de tortures, la porte s'ouvre finalement sur Hayden, qui tient un tas de papier dans ses mains.