39. Le Coeur Rouge

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Jude

Je ne sais pas si c'est mérité.

Tout ce qui m'accable sans cesse.

Quelle conclusion dois-je en tirer ?

Mes mocassins baignent dans la flaque d'eau sous mes pieds. Je sens mes chaussettes blanches s'humidifier, mais je n'ai pas la force de bouger.

Mes yeux sont fixés sur un point, et je crois qu'il m'est impossible de les bouger. Si j'ose, je ne sais pas ce qui en éclatera.

Nous ne sommes que huit. Et c'est bien suffisant. Aucune personne ne partageant sa vie n'aurait eu la légitimité d'être présente en un moment comme celui-là.

Toute la peine des autres est dirigée vers nous trois.

Lise.

Rue.

Et moi.

Son cercueil se tient devant nous mais me résoudre à le regarder est bien trop douloureux.

Tous vêtus de noir... Hayden rigolerait sûrement en nous voyant comme ça, tous, si pitoyable.

Je peux l'être pendant des jours, pitoyable devant lui, si ça peut le faire revenir. Le voir encore un peu.

Mon cœur s'est d'abord figé, puis ses derniers mots ont fait éclater celui-ci.

"Mon amour"

Dans un dernier soupir, marquant la fin.

Mes rires se sont transformés en cris.

Et mon paradis en enfer. Même l'enfer serait plus clément car je l'y retrouvais là bas.

C'est une chose d'être en colère contre la vie, d'en vouloir à la terre entière. C'est sûrement comme ça que j'ai vécu la plupart du temps.

À présent, c'est le vide qui domine. Je ne ressens plus rien.

En quelques jours, toutes mes larmes et toute ma douleur ont vidé mon âme. Je n'arrive plus à ressentir quoi que ce soit.

Je ne trouve plus aucun but, plus de plaisir, plus de chagrin. Rien.

"tout le monde meurt" pas vrai ?

Un jour sera mon tour, le sien est déjà passé.

Si tôt...

Un bras s'enroule autour de moi en me serrant, je relève le regard lentement. Je n'ai aucune réaction.

Lise agrippe mon épaule, et resserre sa prise. Un léger sourire de compassion trône sur son visage.

Même à ce moment elle y arrive. À être forte, et à vouloir le bien d'autrui. Alors que son fils se trouve devant nous, près à faire le grand saut six pieds sous terre.

Pourquoi ne crie-t-elle pas ? Pourquoi est-elle si calme ? J'ai envie de la secouer, qu'elle se montre rationnelle face aux évènements. Je n'en peux plus de vivre dans un monde où tout le monde est mesuré.

J'ai l'impression d'être la seule à ne pas être comme ça. J'ai envie d'hurler.

Mon corps s'embrase, je brûle vive, mais en réalité non. Je suis intact, ce n'est que dans ma tête, ça parait pourtant si réel. Mon épiderme pourrait être épris de flamme que je sentirais la même chose.

Pourquoi le monde ne réfléchit pas comme je le fais.

Mes yeux ne lui renvoient que du vide, du rien. Je n'arrive plus à rien.

TRUE BLUEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant