La rentrée

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On est la vieille de la rentrée, je stresse comme à chaque fois. Déjà sans enfant, je me mettais un pression de dingue. Là, je me mets la pression, pour réussir, et surtout offrir un avenir à ma famille.

Sim' est toujours intérimaire, et il fait des extras à la base de Kayak pour entrainer les jeunes. De mon côté j'ai eu le droit à une bourse pour la scolarité, et les fournitures. J'ai pris rendez vous mercredi avec l'assistante sociale, pour nous aider à faire au mieux. Mine de rien, tout coûte cher, et un salaire ne suffit plus. Autant, avant un salaire dans un foyer suffisait à vivre décemment, autant maintenant on y est plus, c'est plus précaire.

Je tourne en rond dans le lit, je vais encore me réveiller avec des valises sous les yeux et à ce rythme, ce sont des valises de retour de vacances bien chargées. Annie ne fait toujours pas ces nuits, et comble du bonheur, Sim' dort tellement bien la nuit, qu'il peut y avoir la guerre, il n'entendrait rien. Il se pose, se couche et il dort direct. Pour ma part, c'est toujours un peu plus compliqué..

Une fois que je me glisse dans le lit, tête sur l'oreiller, je repense à ma journée, les j'aurai dû faire , j'aurai pas dûs. Je me refais le film et ça finit par, mais est ce que j'ai bien fermé le gaz? J'ai préparé en avance les affaires pour la petite (est ce que j'ai pensé à tout mettre), les miennes (ça fait un mois que mon sac est déjà prêt) et celle de Sim' (les petits plus du réveils qui font plaisirs, le post-it, ou l'attention simple mais efficace.) et là c'est que ce soir.. Sinon à la mi du mois, mon cerveau ne s'arrête plus.. les factures, les courses.. on va pouvoir se permettre quoi?

Pas le type de réflexion d'une ado qui rentre en terminale pour passer son Bac. J'imagine que c'est la dernière tenue à la mode, le look du premier jour compte., les retrouvailles, qui va être dans la même classe, et avec qui on va sortir... C'est pas comme si j'étais dans un lycée BoBo de Rennes.

Une chose est sûre, j'ai toujours été en marge et je le resterai. Je préfère le sport au maquillage ou aux sorties shoppings. J'ai deux, trois copines et le reste ce sont des copains, on fait souvent du rollers et du dessin ensemble.. j'espère que ça ne va pas trop changer maintenant.

D'ailleurs j'ai voulu reprendre le sport, quelle idée! Déjà avec Simon en coach, une erreur (avec moi, c'est pas le plus tendre. « Allez bouges toi! »; « Tu veux perdre ou quoi? »; « lâches pas, t'arrête pas toutes les minutes, tu es pas là pour ramasser des fleurs!! »; « On a dit pas plus de cinquante-six kilos, allez! Hop,Hop, hop!!On lâche rien!! ») ; et entre ma respiration, qui ressemblait au petit chien en fin de vie en pleine canicule, et l'impression que j'allais perdre mes organes à chaque foulée.. J'ai réussi à négocier avec Simon et moi-même reprise quand tout sera bien remis.

Purée de petits pois, je n'arrive toujours pas à dormir.. le réveil affiche en chiffres lumineux rouges : deux heures et huit minutes.

Un mouton, deux moutons, trois moutons...Soixante-trois moutons.. Non mais, ils sont combien????

Je vais essayer la méthode de la respiration.. (Inspire, expire-expiiiiiire, inspire, expire-expiiiiiire)

C'est toujours, toujours quand on dort bien, et profondément que le réveil se met à sonner. Je sais pas où j'étais dans mon réveil, mais le réveil a été violent. C'est donc avec une souplesse exemplaire que je me lève la tête dans le derrière, les cheveux version crinière indomptable (encore une lubie de vouloir me faire un carré plongeant alors que j'avais les cheveux hyper longs; certainement le côté je suis devenue « maman », changer de look pour changer de catégorie passer d'adulescente à adulte et maman, puis ça fait moins petite fille, je serai plus respectée.

Donc avec ma chevelure rebelle, et mes valoches, direction la salle de bain pour un rafraichissement et un ravalement de façade. Il va bien falloir que je me fasse une tête potable. Sim' est déjà au travail. Il a commencé tôt. CE qui me laisse la salle de bain et l'appartement (presque) pour moi. J'enfile ma tenue de lycéenne, le classique jeans un peu large, le top débardeur et le sac à dos jeté négligemment sur lépaule, les petites baskets noires. Domptage de cheveux, on est pas mal niveau timming. Le petit déj' une brioche dans le sac et un verre de jus de fruit avant de partir, c'est parfait pour moi.

Maintenant, faut que j'aille réveiller ma petite marmotte! Je lui prépare son bib', le temps qu'il chauffe, je la change.

Elle prend son temps pour le boire.. Madame, n'est pas pressée de faire sa rentrée à la crèche. Je commence à huit heures cinq minutes, mais le temps de la déposer et d'aller au lycée à pied.. Je prend large. Mais si elle prend encore son temps, il va me falloir l'amener avec moi en cours.. Et c'est pas du tout, du TOUT prévu. Je lui laisse encore une dizaine de minute et après go.

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Sur le chemin, je passe devant le lycée, avec la poussette, mon sac de cours et celui de la puce. A cette heure, il n'y a encore personne, et tant mieux.. je me voyais pas trop passer devant mes camarades de lycée avec la poussette, ou du moins pas encore.

Le dépôt du colis se passe bien. Les assistantes maternelles sont sympathiques, on avait déjà fait des adaptations, pour qu'Annie s'acclimate à son nouvel environnement, le personnel et moi avec cet univers. Nous sommes les plus jeunes parents que la crèche (ou plutôt la directrice et les plus anciennes aient connu). Je prends mon rôle très à coeur. Il n'y a pas encore de notice pour « être parent » mais on fait du mieux que l'on peut.

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Après un bref salut aux copains, la cloche retentit pour nous sommer de nous rassembler dans la cour du self.

Le directeur et la CPE sont là, ils nous donnent les consignes, et les « voeux » pour cette dernière année . Puis chacun, après avoir lu son nom sur le tableau d'affichage, rejoint la salle correspondant à son cursus facile pour moi c'est tertiaire commercial. Il n'y a que deux classes par niveau dans cette branche.

Je retrouve presque les mêmes têtes que l'année d'avant avec quelques nouveaux et nouvelles. On remplit les feuilles de présentation, on sort déjà les cahiers du sac et c'est partie... Je profite de l'inter-cours pour présenter ma situation familiale à la prof' principale.

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A la pause du midi, je sors du lycée et je vais à l'appartement pour y remettre un peu d'ordre, lancer les lessive et refaire mon sac pour les cours de l'après-midi. Je grignote et je repars pour le lycée.

Ça risque de vite devenir ma routine quotidienne.

Les profs et les cours se suivent. Jusqu'à la sonnerie de fin de journée.

C'est rigolo, comme cinq minutes avant, on sent l'effervescence. On entend les chaises couiner, les troussent se fermer (zzzzip), les toussotements, cahiers se ranger.. ainsi que les souffles d'impatiences.

Je suis pareille, impatiente de retrouver ma bouille d'amour.

Dix-sept heures dix sonne le cap de fin de la journée de lycée, mais ma seconde ne fait que commencer.

Chemin lycée-crèche, je récupère baby Annaëlle. Débriefing de la journée de Mademoiselle avec la puéricultrice qui m'accueille. Tout est super bien passé. Rien à signaler. Une des mamans se permet de faire une remarque visée à une autre suffisamment fort sur mon âge et le fait que mon enfant sera forcement mal éduquer.. Je n'ai pas le temps de riposter, que ni une ni deux la puéricultrice change de couleur et les remet en place. (Intérieurement je fais la danse du « nananère » et extérieurement je fais un sourire entendu, et plein de respect à cette femme qui a osé, je n'ai même pas besoin de m'exprimer plus tout a été dit.)

« Madame, je ne vous permet pas! Jeune parent c'est aussi votre cas que je sache! Il semblerait que vous l'ayez omis, sachez également que la grande majorité des enfants les mieux éduqués sont ceux dont les parents sortent de la norme, car ils se mettent suffisamment la pression pour faire correctement les choses. Contrairement à certains comme le votre qui passent leurs temps à accaparer l'attention par leurs bêtises, à commencer par le votre. »

Sur ces belles paroles, je suis repartie fière comme un paon. On va avoir plein de chose à se raconter avec Sim'.

En attendant, il me reste des choses à faire à l'appartement, m'occuper de la petite puis faire mes devoirs.. 

Les DécisionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant