L'engagement

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Déjà quinze jours, que je récure soit les bungalows ,soit le pédiluve et les cabines de la piscine, et le moins cool, les blocs sanitaires. C'est variable, selon le planning, on tourne dans la semaine, très tôt le matin ou tard le soir, de façon à éviter les estivants. C'est la « Valérie » qui gère le pool « femme de ménage », elle est reconnaissable par son physique très mince, un visage fatigué, des yeux marrons, et ses cheveux tirés. Même de loin, on sait quand elle est là! Cigarette pincée entre les lèvres, et ses vêtements qui sentent la cigarette, ou à son timbre de voix de grande fumeuse, quand elle n'a pas une quinte de toux.

Cette semaine avec le grand chassé-croisé. On a eu beaucoup à faire. Remettre les bungalows à dispositions en une journée, deux personnes par bungalow et cinq à faire dans la journée.

Les blocs sanitaires, une vraie boucherie, à croire que certains s'amusent de voir les autres nettoyer pour eux. Entre les excréments dans la douche ou étaler sur les parois des murs des toilettes, ceux qui bouchent volontairement les éviers. Ou ceux qu'on surprend en pleins ébats.

La Valérie fait ça depuis toujours et aime ça, je trouve ça super respectueux mais ça m'insupporte de voir si peu de considérations des clients ou des patrons, un « merci » c'est pourtant pas compliqué.

Ces mêmes clients qui sont tout mielleux pour les activités ou pour demander un conseil.

Simon a du faire un tour aux urgences, il est bloqué du dos. Il a été mis en arrêt maladie, il ne va pas pouvoir reprendre. Il doit être alité. Entre le canoë à haut niveau, la menuiserie (sa formation d'origine) et l'année en intérim, il a trop forcé. Ça me fait de la peine pour lui, lui qui est si vaillant. Son visage est marqué par la douleur. On le rapatrie sur Rennes. Je finirai la saison au camping seule, mais ce n'est pas bien grave, tant qu'il guérit vite.

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Sim' doit encore se ménager, il souffre encore. Il reçoit le chômage. Mais ça ne suffit pas pour qu'on vive décemment à trois.

Il me reste encore ma place à l'armée, je peux signer à la rentrée, et partir début septembre en école des sous officiers à Saint-Maixent, près de Niort.

Après de longues conversations, et n'ayant pas réussit les oraux du concours des pompiers, pour avoir une situation rapidement, l'armée semble la meilleure des options.

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Je viens de finir mon sac pour partir à l'armée. Je signe mon contrat, puis je récupère un billet de train pour aller jusqu'à St-Maix. Simon et Annaëlle m'accompagne sur le chemin de la gare, on se fait de gros bisous et de gros câlins, c'est la première fois que je quitte mon chez moi, vers l'inconnu. Je suis triste, j'ai impression de les abandonner. Pourtant je suis fière de m'engager. Je suis le schéma de la famille, mon papa est militaire, mon grand-père était militaire, oncle, et cousin aussi. C'est dans les gênes.

J'ai pleuré les vingts premières minutes du trajet, puis j'ai finis par croiser des futurs engagés comme moi, au wagon bar en allant me chercher un café. Je les ai reconnu, on avait passé nos tests de sélections ensemble. Comme le mode est petit, un copain de mon cousin est là aussi. La Bretagne arrive en force. Ça me rassure de ne pas être seule. L'ambiance est bonne dans le train, les spéculations sur nos futures carrières et formation vont bon train. Le voyage est passé vite, mine de rien.

A la gare, des navettes militaires nous attendent. On est nombreux, on vient de partout en France, certains viennent de loin, des îles caraibes, on les reconnait de loin ce sont les seuls en claquette, avec un short de bain, un bonnet sur la tête et une grosse polaire sur le dos, ils claquent des dents.

On nous rassemble, ils font l'appel. Nous mettent par section. Je fais partie de la dernière formation où les filles sont en section féminine. Les suivantes seront mélangées avec les hommes.

Nos encadrants nous attribuent nos chambres, on s'installe, on fait connaissance.. On doit respecter les horaires. À dix sept-heures quarante cinq, rassemblement pour aller à l'ordinaire (un mot pour dire cantine militaire).

Un repas aussi tôt ça ne m'est encore jamais arriver. Je crois que personne ici d'ailleurs.

On repart comme on est venu, en groupe. On finit de ranger nos effets personnels. Nous sommes six par chambre, les toilettes au bout du couloir et sur le palier les douches communes pour soixante personnes par étage.

Je descend dans la cours pour passer un coup de fil à Simon, lui demander de leurs nouvelles et lui raconter la journée.

On est prête pour passer notre première nuit à l'armée. Comme à chaque rentrée, je stresse, on entend le brouhaha de la vie en collectivité. Le réveil à six heure va piquer.

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