Gabriel est sorti de son rêve par la sonnette de sa porte d'entrée. Il ouvre difficilement les yeux, ne comprend pas tout de suite ce qu'il se passe, encore à moitié éveillé. La sonnette retentit une deuxième fois dans l'appartement. Gabriel jette un coup d'œil à l'heure sur l'écran de son iPhone. 2:48. Qui peut sonner à une heure pareille ? Hugo ? Est-ce qu'il aurait oublié ses clefs ? Il sent son cœur s'accélérer. Ce n'est pas commun comme situation. Qui diable va t-il trouver derrière la porte ?
Il sort de son lit, allume la lumière, qui lui éblouit quelques secondes les yeux. Troisième coup de sonnette. Elle met un coup de pression à Gabriel, qui enfile précipitamment un vieux t-shirt. Et si c'était les flics ? Une perquisition ? Son estomac se compresse. Ça arrive, ce genre d'histoires, dans la politique.
Gabriel abaisse la poignée de sa porte, tire celle-ci vers lui, retenant sa respiration.
Son cœur loupe un battement. S'arrête même. Il se fige. Il croit encore rêver.
Jordan Bardella se tient devant lui, complètement essoufflé.Revenons un peu en arrière...
— Vous êtes tellement beaux ensemble !
Jordan et Alice sourient unanimement, remerciant ce vingt-et-unième invité venu les féliciter, de ce même sourire simulé qu'ils ont servi aux vingt autres avant. Bien que, de par leurs activités, ils ont l'habitude de se retrouver au centre de l'attention, ils passent chacun un mauvais moment. Quand est-ce que les mariés se détendent et finissent par profiter ce qui devrait être le plus beau jour de leur vie ?
— Merci, merci, répète Alice d'un ton faussement émue, serrant la main de la petite dame — qui est-elle déjà ? — qui s'est présentée devant eux.
Jordan lève les yeux au ciel, fatigué d'avoir à faire semblant.
— Je vais chercher un truc à boire, murmure t-il à l'oreille d'Alice, seul prétexte qu'il a trouvé pour quitter quelques instants ses obligations de jeune marié.
Arrivé au buffet, il se sert un verre de jus d'orange, jette un rapide coup d'œil sur les bouteilles de champagne dans leurs sceaux de glace. Il pourrait y regoûter, juste une fois. Y tremper un instant les lèvres, retrouver ce baisé qui l'obsède tant. Il serait le seul à le savoir, il ne blesserait personne. Et qui sait, peut-être que ça lui permettra de passer à autre chose, comme une chanson que l'on a dans la tête et qui s'y efface une fois qu'on la chante de vive voix.
Jordan sort la bouteille du sceau, les mains tremblantes, l'impression de faire quelque chose d'illégal. Que tous les regards sont tournés vers lui, qu'ils savent, qu'ils le jugent.
Il verse le liquide dorée dans une coupe. C'est ce moment que choisit son frère, Clément, pour surgir dans son champ de vision.
— Petit frère ! s'écrit-il.
Jordan sursaute, renverse du champagne sur la nappe blanche, qui s'en imbibe immédiatement.
— Putain, Clément.
— Je ne savais pas que tu t'étais remis à picoler, remarque ce dernier.
Avec Clément, ils ne se voient que rarement. Qu'aux grands évènements familiaux, comme aujourd'hui, ce qui suffit à l'un et à l'autre. Très complices lorsqu'ils n'étaient tous deux que des enfants puis des adolescents adeptes de conneries classiques de leur âge — faire le mur, jouer à la console en cachette la nuit, casser des vitres en jouant au foot à l'intérieur — ils se sont progressivement éloignés après le décès de leurs parents. Agriculteur depuis plusieurs années maintenant, Clément a choisit la vie à la campagne, loin du brouhaha parisien et constant ; loin des batailles politiques, futiles selon lui. Un monde entier les sépare désormais.
— C'est pour Alice, ment Jordan, serviettes en papier en main afin d'éponger la table.
— Sacré braquage celle-là, d'ailleurs, susurre Clément d'un ton qui sonne dégueulasse aux oreilles de Jordan.
Il donne un coup de coude dans les côtes de celui-ci, lui indiquant d'un geste Alice, à quelques mètres d'eux, souriant toujours aux invités qui défilent devant elle.
— Elle est comment au lit ?
— T'es un pauvre type, Clément.
Clément ricane, libérant son haleine suintant l'alcool qui arrive jusqu'au narines de Jordan. Ce dernier grimace. Il est bien l'un des seuls qui ne boit pas dans la pièce, choix qui n'est toujours simple à assumer. Ce qui peut paraître amusant pour les autres après quelques verres ne l'est pas forcément pour Jordan, qui passe rapidement pour un rabat-joie dans les soirées.
— Dire que notre grand-mère pensait que tu serais pédé, se gausse son frère.
Le sang de Jordan se glace dans ses veines.
— Quoi ?
— Grand-mère pensait que-
— J'ai entendu ça, le coupe Jordan, agacé, pourquoi est-ce qu'elle disait ça ?
Jordan repense au baisé. Il n'est pas gay, bien sûr qu'il n'est pas gay, ça a toujours été une évidence et il n'a jamais eu à se poser la question. Gabriel aurait été une femme, il aurait de la même manière... apprécié — ce mot lui écorche l'esprit parce qu'il est vrai et Jordan ne peut s'y soumettre — de la même manière donc apprécié ce baisé........ n'est-ce pas ?
— T'occupes pas, elle était folle, lui répond Clément, maman ne tenait pas d'elle pour rien.
Ça ne répond pas à sa question. Jordan souffle. Cet échange l'énerve. Clément l'énerve et cette journée l'énerve. Pourquoi est-ce que sa grand-mère maternelle, dont il se souvient à peine, penserait une chose pareille ? Pourquoi est-ce que tout aujourd'hui, jusqu'au goût de ce putain de champagne, ramènent chacune de ses pensées à Gabriel ?
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La raison du plus fort (Bardella x Attal)
Fanfiction"Félicitations, Monsieur Attal, vous êtes notre nouveau premier ministre." Quelques mots le début d'une divagation d'un homme dont les sentiments ont provoqué les convictions en duel. C'est une danse avec la solitude et la fragilité. Une ode à l'ab...