Chapitre 29

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(Je crois que ce chapitre est l'un de mes préférés, je me suis vraiment amusée à l'écrire. Je vous avoue que dernièrement j'ai eu pas mal de doutes sur la qualité de ce que j'écrivais, j'ai la fâcheuse tendance à aller me comparer aux autres dès que je créé quelque chose — ne faîtes jamais ça — et après je suis en mode arrrggggg je suis si nulle ; et si j'ai le malheur d'aller relire les premiers chapitres, c'est un combat avec moi-même qui commence pour ne pas tout réécrire, mais je crois que ça va mieux. Je pense qu'il faut accepter que l'on ait toutes et tous un style différent, j'essaye d'accepter le mien, et il faut bien pratiquer pour améliorer son niveau. Tout ça pour dire que j'aime beaucoup ce chapitre, parce que beaucoup m'ont cassé la tête, mais pas celui-là. Allez je ferme ma boca et je vous laisse lire. Bonne lecture 🫶 et encore merci à ceux qui me suivent dans cette aventure)

— Attends, c'est ça, ton date ?
Chevauchant le volant de ses deux mains, Jordan s'engouffre dans la petite rue étroite et déserte où, Gabriel le sait, se trouve le siège du Rassemblement National.
— Je vais juste chercher quelque chose, dit-il.
Immobilisant la voiture devant une place vide le long du trottoir, Jordan passe son bras — contractant le biceps — derrière le siège de Gabriel, afin d'avoir une meilleure visibilité derrière lui, et réduisant ainsi la distance entre leurs deux visages.
Gabriel réagit immédiatement, frémissant face au souffle chaud de Jordan, impressionné aussi devant la facilité et la fluidité avec laquelle ce dernier réalise son créneau, s'insérant sans reprise entre les deux voitures garées sur le trottoir. Il ne peut s'empêcher, enfin, de ressentir une certaine faiblesse qui lui remue le bas du ventre jusqu'à venir démanger son entrejambe qu'il sent se serrer dans son jean à la vue de ses avant-bras, de ses épaules, qui se contractent en maniant — si bien — le volant, laissant apparaître  quelque fois les lignes de ses veines.
   Bordel, Gabriel, c'est juste des bras.
Jordan, feignant de se rendre compte de rien et de se concentrer sur sa manœuvre, esquisse un sourire satisfait sur son visage.
— Tu viens avec moi ? propose t-il d'une voix pleine d'entrain, une fois le moteur coupé.
   — Tu imagines une seconde ce qu'il se passerait si je me faisais choper là-dedans ?
   — Il n'y a personne à cette heure-ci, lui assure Jordan, le regard suppliant.
   — Non, Jordan, c'est hors de question.
   Ce dernier ouvre sa portière, soupirant face à la ténacité de Gabriel, fais le tour de la voiture pour arriver au niveau de celui-ci.
   Qu'est-ce que...
   Il ouvre à présent sa portière, se penche en avant pour lui saisir le poignet.
— Lâche-moi ! J'ai dit non ! résiste Gabriel, chuchotant pour ne pas se faire remarquer.
   — Allez, Gaby !
   Celui-ci sent son cœur subitement se figer, relâchant tous ses efforts. A t-il bien entendu ce qu'il a entendu ? Profitant de l'état de confusion dans lequel Jordan à réussit à le mettre grâce à ce surnom qu'il sait intime, ce dernier l'extirpe de la voiture, l'obligeant à le suivre à l'intérieur du bâtiment.
   — Tu es chiant, capitule Gabriel, retenant le sourire qui menace ses lèvres.
   — Tiens toi prêt à me supporter encore longtemps, le taquine Jordan, la langue tirée, fier d'avoir réussi son coup comme un enfant qui s'apprête à franchir les portes d'un magasin de jouets.
   Encore longtemps... Gabriel sent son cœur se gonfler d'une douce allégresse devant ces mots prononcés si innocemment, mais chargés d'un sens profond à ses yeux.

   — Tu m'avais dit qu'il n'y avait personne à cette heure-ci !
   — J'en savais rien ! Je ne viens jamais à cette heure-ci !
Gabriel se tape le front dans la paume de sa main, désespéré. Quel dieu lui a fait croiser un boulet pareil...
Accroupis au pied du mur qui les sépare d'une bureau, une large baie vitrée aux dessus-de leurs têtes, chacun accueille la situation à sa façon. Gabriel, se rongeant les ongles, s'imaginant déjà destitué de son poste pour effraction, banni de n'importe quel métier s'approchant de près ou de loin de la politique, et à la Une de tous les journaux à scandales. Jordan, déplaçant, millimètres par millimètres, la plante verte face à lui jusqu'à avoir une cachette pour pouvoir observer et découvrir qui occupe le bureau d'où s'échappe la lumière blanche d'un néon et le son répété d'un clavier d'ordinateur.
   D'un œil extérieur, ce tableau prêterait à rire — une vraie scène de vaudeville — bien qu'aucun de nos protagonistes, bien entendu, n'a envie ne serait-ce que de sourire actuellement, vivant la situation d'au plus près.
   — Alors ?
   — C'est Marine, tout va bien, répond Jordan, la tête plongée dans les feuilles en plastiques de la fausse plante.
   — Tout va bien !? s'étrangle Gabriel, à deux doigts de s'évanouir.
   Sa définition de tout va bien aurait été bien différente à son goût.
— J'ai une idée, reprend Jordan d'une voix assurée, tu fonces dans le bureau d'à côté pendant que je la divertis.
Gabriel déglutit. Il aurait dû rester dans cette satanée voiture. Il savait que ce serait une mauvaise idée d'entrer dans ce bâtiment. La probabilité pour qu'il en ressorte indemne était nulle depuis le début. N'est-ce pas sa punition pour avoir défié les lois de l'univers en mettant un pied dans les locaux du Rassemblement National ?
— On est pas dans un putain de film, Jordan, tirons-nous d'ici !
— Ta mission si tu l'acceptes, récupérer le trousseau de clefs avec le porte-clés jaune dans l'armoire métallique.
   Jordan est inarrêtable, presque euphorique, tel un enfant qui n'a qu'un seul objectif en tête et qui ne lâchera pas l'affaire, ignorant les conséquences dramatiques de ses actes, comme si, en quelque sorte, cette situation dangereuse l'excitait. Il pourrait littéralement tuer pour ce trousseau de clefs. Depuis des heures maintenant, depuis que Gabriel lui a proposé de rattraper le temps perdu cet après-midi, il ne pense qu'au déroulé de cette soirée. Il a perdu assez de temps avec Alice et Paul, refuse à présent qu'on lui en retire davantage.
— Allez, Gabriel, on va l'avoir notre date.
A peine ce dernier a t-il le temps de rétorquer que Jordan fait son entrée dans le bureau où Marine est assise, laissant un Gabriel au bord de la crise de panique derrière lui.

La raison du plus fort (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant