Chapitre 12

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Il va être midi. Gabriel soupire, lui qui pensait qu'Alexis lui rendrait le rapport avant l'heure du déjeuner, c'est loupé. Déjà, leurs retrouvailles étaient tendues. Gabriel n'a pas oublié la façon dont son collègue l'a traité. Je ne vais pas laisser un petit pédé comme toi venir faire le grand. La phrase prononcée par Alexis quelques jours plus tôt s'est gravé dans l'esprit de Gabriel, qui ne peut désormais le regarder dans les yeux sans y penser. Quand il est arrivé ce matin, il s'est efforcé de rester cordial. Tu peux t'occuper de ça ? Pour quand ? Avant mercredi. Bien, ce sera fait. Merci. Le minimum syndical, en somme. Il devait s'y attendre qu'Alexis ferait traîner l'affaire. Gabriel à sa part de responsabilité, il doit le reconnaître. S'il lui avait exigé un retour avant demain, il l'aurait déjà dans les mains, ce foutu rapport. Alexis s'y mettra à la dernière heure du dernier jour, sans aucun doute.
Tandis qu'il se repenche sur son écran d'ordinateur, la porte de son bureau s'ouvre à la volée.
— Gabriel Attal, s'écrie Nora en surgissant dans la pièce et provoquant un sursaut chez son ami, c'est quoi ce message que tu m'as envoyé ?
— Bonjour Nora, répond Gabriel, un large sourire aux lèvres, réellement heureux de la retrouver.
— Non non non, pas de Bonjour Nora, dit moi ce que tu comptes foutre avec l'adresse de Jordan Bardella ?
Quelque chose a changé chez elle depuis qu'il qu'il l'a revu. Quelque chose qui met davantage en valeur ses deux prunelles vertes, deux forêts verdoyantes dans lesquels s'engouffrent les rayons dorés du soleil, le tout se détachant sur un teint hâlé. Nora, c'est la chaleur et les couleurs rouges et pourpres d'un tableau de Monet.
   — Tu as coupé tes cheveux ? demande Gabriel.
   — Non, j'ai fais une couleur, tu aimes bien ? Je suis allée chez le coiffeur hi-
   Elle s'interrompt, puis se met à sourire, malicieuse.
   — Tu es un petit malin, n'est-ce pas ? Pourquoi tu changes de sujet ?
   Gabriel lève ses deux mains en l'air pour clamer son innocence.
   — C'est toi qui te fais distraire, dit-il en riant.
— Plus sérieusement, c'est quoi cette histoire, Gabriel ?
Ce dernier s'enfonce dans son fauteuil. Il sait d'avance qu'à elle, il ne pourra rien lui cacher. Il pourrait lui mentir maintenant, elle découvrira la vérité deux jours plus tard. Voire deux heures. Deux heures lui suffirait, oui. De toute manière, il n'a pas envie de lui mentir, pas à elle.
   — Tu te souviens le premier jour à Strasbourg quand il est venu me demander si ça allait ?
Elle s'assoit à son tour en face de lui. Ses yeux se mettent à briller, avides des ragots que Gabriel s'apprête à lui raconter.
— En fait, la nuit où je suis allé à ton bar là, poursuit-il, on s'est croisé et... il m'a aidé à remonter jusqu'à ma chambre.
Il ne lui dira pas que Jordan l'a également aidé à se déshabiller, elle en ferait tout un sketch. Puis ce n'est qu'un détail, en soi, n'est-ce pas ? Et ne pas dire, ce n'est pas mentir, se rassure Gabriel.
— D'accord, mais quel rapport avec son adresse ? demande Nora.
— Il a oublié son portefeuille dans ma chambre, je souhaitais lui rendre.
Les yeux de son amie s'écarquillent subitement.
— Ah parce qu'il est entré dans ta chambre ?
   — Non non, ce n'est pas ça, reprends précipitamment Gabriel avant qu'elle ai le temps de s'imaginer quoi que ce soit, j'avais bu et... les escaliers tout ça, tu sais bien.
   Ok, là, il ment. Nora fronce les sourcils, approche son visage de celui de Gabriel, scrute son regard. Gabriel retient sa respiration. Les escaliers. Pourquoi les escaliers. Il y a des ascenseurs dans les hôtels. Pourquoi est-ce qu'il prendrai les escaliers. Il sent son coeur s'emballer. Nora n'est pas stupide. Elle va lui demander : pourquoi avoir pris les escaliers alors que tu avais un ascenseur à disposition ? Je ne sais pas Nora, parce qu'il était... en panne ? Enfin Gabriel, pas dans un hôtel 5 étoiles, qu'est-ce que tu racontes. Il est fichu.
— Je vois, réponds Nora contre tout attente — Gabriel reprends son souffle, pas pour longtemps— tu veux que je t'y emmène maintenant ?
— Main-Maintenant ?
— Au moins, c'est réglé. Il habite à Garches, en trente minutes, on y est.
Gabriel n'avait pas prévu de s'y rendre aussi tôt. Il est prit de court. Qu'est-ce qu'il va dire à Jordan ? Il sent son cœur s'emballer à nouveau, plus fort cette fois. Il se lève de son fauteuil, commence à faire les cents pas. Si ça se trouve, il ne sera même pas là. Est-ce qu'il est rentré de Strasbourg en même temps que lui ? Il est peut-être encore là bas...
   — Gabriel... l'appelle Nora d'une voix inquiète, qu'est-ce qui se passe ? C'est juste un portefeuille.

La raison du plus fort (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant