Chapitre 17 - De lourds nuages gris

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« Le plus amusant, lorsqu'on choisit son pseudo de Héros, c'est de voir la vision que l'on transmet aux civils et les questions que cela soulève. De source sûre, je sais que Mnémosii ne voit qu'à travers la mémoire des autres et que Sérénité peut perdre ses moyens. Il est encore jeune, je sais qu'il finira par faire honneur à son nom.

Quant à Vérité, est-il capable de mensonge ? »

- Extrait des carnets d'Empathy, série « Héros »

Des nuage sombres roulaient en direction de UA, apportant avec eux un air lourd et moite. Le tonnerre grondait tout bas dans le lointain et ça n'était qu'une question d'heures avant que la pluie ne tombe sur l'énorme stade, d'un bleu et banc grisâtre sous la luminosité en berne. Tout hurlait à l'orage : le ciel, les visages inquiets pointés en l'air et sa maudite jambe. Chaque pas lui décochait un éclair de douleur, comme si l'humidité lui rongeait les os à travers les fractures fantômes qui couraient de sa cheville à sa hanche, cruel rappel du jour où il avait éclaté en morceaux.

Il boitait au milieu de la foule bigarrée, amassée le long des étals qui proposaient nourriture odorante, goodies à l'effigie de diplômés de UA et autres babioles bon marché. Quelques Héros en patrouille montaient une garde relative au milieu des badauds, des cris et des rires.

— Quel monde ! souffla sa collègue, accrochée à son bras pour ne pas se faire emporter. J'espère que ça ne m'a pas décoiffé !

Elle porta une main anxieuse à ses cheveux crépus, ses yeux aveugles perdus dans le vague. Contrairement à ce qu'elle pensait, aucun pli disgracieux ou mèche rebelle ne venait gâcher son apparence.

— Vous êtes ravissante Mnémosii, comme toujours.
— Et vous êtes un vil flatteur Vérité, comme toujours, rétorqua-t-elle.
— On peut accélérer le pas ? J'ai pas envie de me prendre la flotte sur le crâne, grommela leur plus jeune recrue. J'espère que les tribunes sont protégées.
— Patience, jeune homme, répondit-il. Le tournoi ne commencera pas plus vite et tu n'es pas en sucre, tu résisteras bien à trois gouttes de pluie.
— Je m'en fous de ce tournoi de nazes. J'suis venu que parce que t'as insisté.
— Et je t'en serais à jamais reconnaissant.
— Je te le rappellerai.
— Oh, je n'en doute pas.

Le tournoi n'était pas non plus l'attraction-phare de la journée pour lui, quand bien même il était curieux. Cela restait le tournoi de UA, après tout, la meilleure des écoles d'héroïsme du Japon. Habituellement ouvert aux brutes sans aucune subtilité, le lycée avait choisi d'élargir ses horizons pour cette année scolaire.

Un choix qu'il ne pouvait que féliciter. Avec un peu de chance, UA aurait intégré d'autres Héros au profil aussi intéressant que celui de Sazaka Mara dans ses rangs. Il n'en attendait pas des dizaines, il ne se faisait pas d'illusions. Leur société héroïque se basait sur le spectaculaire, les actes grandioses et les Alters impressionnants. Les éruptions de flammes, les coups de poings dévastateurs, les vagues d'énergies colorées, tout ça avait transformé leur métier en cirque géant.

Les Alters de l'esprit possédaient cette subtile qualité d'être parfaitement invisibles. Le terrible défaut d'être insidieux, diraient certains.

Mais quel plaisir plus grand que de voir l'adversaire ployer le genou parce qu'il avait perdu dès la première erreur commise, sans effusions de sang ou de violence ?

Une simple caresse. C'est tout ce qu'il fallait à Empathy pour mettre à terre les criminels. Pourquoi se battraient-ils alors qu'elle leur volait toute leur haine, leur rage, leur colère ?

Vérité n'avait que faire du tournoi de UA, tout comme ses collègues. Tout comme Empathy, aucun d'entre eux n'avait étudié en lycée héroïque. Il ne venait que pour deux raisons.

Des Couleurs plein le Coeur |MHA|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant