Des Couleurs plein le Coeur |MHA|

Chapitre 29-2 - Les coeurs vides ont-ils une couleur ?

Le monde entier rugissait de douleur et de fureur. Les cris des combats éclataient dans le lointain, ponctués d'explosions, de flammes rouge sang et de fumée opaque, tandis que le béton cédait sous la violence des assauts en craquements funestes. Pans de murs et étages entiers s'effondraient autour de lui en libérant des panaches de poussière jaunâtre.

— Empathy ! hurlait-il à intervalles réguliers.

Jusqu'à ce qu'enfin, une réponse :

— Ici !

Ça venait de plus haut. Sérénité s'engouffra dans le premier escalier venu et grimpa une poignée d'étages, jusqu'à se retrouver sur un toit fissuré de toutes parts.

Un Vilain, trois mètres de muscles, de poils et de griffes, traçait des sillons dans le goudron en se ramassant sur lui-même. Un condensé de haine qui bondit en grondant sur la fine silhouette qui lui faisait face.

Sérénité reconnut le costume maculé de poussière. Noir et près du corps, comme tous ceux de l'Agence, il se distinguait des autres par ses couleurs. Un arc-en-ciel s'enroulait autour de sa jambe, remontait sur son ventre avant de heurter son cœur blanc et s'y diffracter : les rubans jaunes et verts filaient vers un bras, le rouge et le bleu s'entremêlaient vers l'autre, le violet partait serpenter dans son dos.

Empathy.

Sa patronne virevoltait pour éviter les assauts, sans réussir à se rapprocher ni du Vilain, ni de lui. Elle évitait les griffes et les crocs en roulades et en bonds, l'air sifflant au-dessus de sa tête ou près de son corps. Parfois, elle parvenait à toucher l'énorme hétéromorphe, le temps d'une fraction de secondes. Une seconde bien trop courte pour lui permettre d'arracher la rage qui animait le Vilain. Ses rubans de captures arcs-en-ciel traînaient sur le sol en longues bandes déchirées.

Sérénité abandonna l'idée de se servir des siennes pour l'immobiliser.

Sur le côté, le pilier qui soutenait un bâtiment s'écroula, emportant avec lui un large morceau de leur plateforme précaire. Un nuage de poussière et de plâtre recouvrit le monde d'un gris aux reflets d'incendies.

— Empathy ! s'écria Sérénité.

Avant d'avaler de la cendre et de la recracher en toussant.

— Attention !

Empathy lui attrapa le bras et le tira d'un coup sec. Juste à temps : l'hétéromorphe s'écrasa de tout son poids à l'endroit où il se tenait l'instant d'avant. Les flammes acérées de l'inquiétude et de la tension qui agitaient Empathy dansèrent dans son esprit. Par réflexe, il diminua leur intensité. Couverte de sueur et de suie, elle souffla pour dégager la mèche de cheveux noir qui s'infiltrait dans sa bouche.

— M-Merci, balbutia-t-il. Qu'est-ce que c'est que ce-
— Impossible de lui parler, il est enragé, répondit-elle à toute vitesse. Beaucoup trop enragé. Si tu pouvais réussir à diluer sa fureur, ça m'aiderait. Reste attentif, il est rapide malgré sa taille. Ne t'arrête jamais plus de trois secondes.

Il acquiesça, et réglés comme du papier à musique, ils partirent à l'attaque. Sérénité ne mit pas plus de quelques passes d'armes pour se rendre compte que le Vilain s'en prenait à Empathy en priorité, fou d'une rage qu'on tentait de lui arracher. Sérénité plongea en avant, lui effleura un bras, le temps d'apercevoir l'ouragan de flammes qui hurlait en lui. Un unique ouragan de rage pure, comme il n'en avait jamais vu. Il mugissait si fort qu'il soufflait toutes les autres flammèches d'émotions : douleur, peine, envie d'arrêter.

— Vous ne pourrez jamais lui voler ça, c'est trop fort ! s'écria Sérénité.

Son propre Alter parvint à peine à diminuer l'éclat de la tornade. Il évita une main griffue d'une roulade. Une ligne sanglante lui brûla le dos. La mâchoire animale claqua à deux doigts du visage d'Empathy, qui avait détourné son attention au dernier moment.