Chapitre 46 : Lui

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En l'espace d'une seule journée, tant de choses avaient changé...

Adam n'était plus le même. Il était devenu l'ombre de lui-même, une version éteinte de celui qu'il avait été, comme si quelque chose en lui s'était irrémédiablement brisé.

Il avait donné un ordre sans appel aux New Demons : traquer et capturer tous les anges dans les environs, sans exception. Une fois capturés, ils devaient leur arracher les ailes. Le tout devait se dérouler dans la plus grande discrétion, sans attirer l'attention des humains qui peuplaient les alentours, ignorant tout du carnage silencieux qui se préparait sous leurs yeux.

Toutes les ailes devaient être placées à un certain endroit que je ne connaissais pas. Le repaire des Anges de la Ville, une ultime provocation pour ce qui lui avait été fait 

Adam ne me parlait plus, je n'existais plus. 

Mais je comprenais, il avait perdu un être cher, et maintenant, il était dirigé par la colère et l'envie de vengeance. Mais il s'éloignait et je commençais à ressentir une certaine frustration.

Il ne faisait plus que passer, comme une ombre sans substance. Son regard ne se posait plus sur moi. Je pouvais sortir, rentrer, déambuler dans la maison, et il ne semblait jamais me remarquer. J'étais devenue un fantôme, une silhouette floue dans son univers, à laquelle plus personne ne prêtait attention.

Les jours ont filé, se fondant les uns dans les autres. Une journée est passée, puis trois, puis une semaine... et son indifférence demeurait. Rien n'avait changé. Pas un mot, pas un regard. C'était comme si j'avais disparu de sa vie, une ombre parmi les ombres.

Je m'attendais à ce qu'il envoie ses démons me surveiller, invisibles mais omniprésents, pour s'assurer que je ne m'éloigne pas trop ou que je ne tente pas de m'enfuir. Je m'étais préparée à sentir leurs présences, à les voir rôder dans les ombres, me rappelant sans cesse que ma liberté n'était qu'une illusion. Mais rien de tout cela ne se produisit. Le silence et l'absence étaient mes seuls compagnons. Il ne fit rien pour me retenir, et c'était peut-être cela le plus déroutant. Pour la première fois depuis que nos chemins s'étaient croisés, j'étais complètement et irrémédiablement libre.

Au début, cette liberté tant espérée était une bouffée d'air pur, une lumière au bout du tunnel sombre dans lequel il m'avait plongée. Je me délectais de chaque instant, savourant la sensation d'être maîtresse de mes mouvements, sans aucune entrave.

Je pus tester quelques restaurants après avoir volé l'une de ses cartes de crédits, chose que j'avais espéré le mettrai en colère, mais même ça... Quelques boutiques de vêtements, quelques boutiques de chaussures, ou encore de bijoux. Mais plus les jours passaient, plus ce sentiment s'estompait, laissant place à un vide que je ne savais comment combler. Cette liberté, que j'avais si ardemment désirée, se transformait en un poids insupportable. J'avais rêvé d'échapper à son emprise, mais je réalisais à présent que, sans lui, ce sentiment de liberté n'était qu'une illusion amère.

Je le voulais près de moi. Je voulais ressentir à nouveau la chaleur de ses bras, même s'ils étaient une prison dorée. Ce besoin de le sentir jaloux, possessif, me consumait. C'était dans ces moments-là que j'avais l'impression d'exister vraiment pour lui, que ses yeux se posaient sur moi avec une intensité que je ne trouvais nulle part ailleurs. La liberté, sans lui, n'avait plus de saveur. 

Si j'avais pu obtenir la liberté tout en l'ayant près de moi, j'aurais été la plus heureuse des femmes. C'était un rêve fragile, une utopie qui, je le savais désormais, ne pourrait jamais se réaliser. Il y avait toujours un prix à payer, un équilibre à maintenir. Mais si c'était à cela qu'il ressemblait quand il était triste, une ombre de lui-même, notre vie commune n'en valait peut-être pas la peine. Son absence laissait un vide béant. 

 Mais que pouvais-je faire ? J'étais impuissante face à cette situation. J'avais tenté de lui parler, de comprendre ce qui le tourmentait, mais il m'avait coupé court, me demandant de ne pas intervenir. Son regard était froid, distant, comme s'il était déjà ailleurs, emporté par des pensées qui m'étaient inaccessibles. Puis, il était parti, me laissant seule avec mes doutes et mes peurs. Depuis trois jours, il n'avait pas franchi le seuil de la chambre. Trois nuits sans sommeil pour lui, trois nuits d'angoisse pour moi.

Et pourtant, même les démons devaient dormir, n'est-ce pas ? Comment pouvait-il continuer ainsi, sans repos, sans répit ?

Combien d'ange avait-il tué ? Combien d'anges auraient-ils besoin de tuer pour satisfaire sa soif de vengeance ? Qu'est-ce que Moloch représentait  pour lui, et s'il l'aimait tant


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La musique résonnait avec une intensité assourdissante, chaque note frappant comme un coup de tonnerre. Les lumières des projecteurs dansaient frénétiquement, projetant des éclats multicolores qui zébraient l'obscurité, créant des ombres mouvantes. Le sol vibrait sous mes pieds, ébranlé par les sauts frénétiques des danseurs en transe, comme si toute la salle pulsait au rythme de leur énergie collective.

Je détestais les boîtes de nuit, et je ne me serais jamais permis d'y aller. C'était une des règles tacites entre Adam et moi, si j'étais entrée dans un endroit avec une présence masculine trop forte, il serait entré et aurais tué toutes les personnes de la manière la plus ignoble possible juste pour me traumatiser. Il m'aurait ensuite attaché au lit, et aurait passé la nuit à me punir pour que jamais plus, je ne lui fasse un tel affront...un truc du genre...

Il savait se montrer créatif quand il s'agissait de me punir. Ce chien...

Perdu au milieu des corps en mouvement, un jeune homme émergea de la foule, presque comme une vision fugace. Je ne l'aperçus qu'à peine, mais ses yeux bleus, perçants comme des éclats de glace, croisèrent les miens l'espace d'un instant, me figeant sur place. D'un geste lent et délibéré, il passa une main sur ses cheveux blonds, coupés court, leur donnant un éclat doré sous les lumières vives. Il était grand, avec une silhouette athlétique qui se détachait nettement parmi les autres. 

Il s'approcha comme un fauve et enroula ses bras autour de mes épaules avant de me prendre dans une valse. Je crois que j'étais trop bourrée pour le repousser, et je n'étais même pas sûre que je voulais le repousser. 

Il me faut une bonne minute pour me rendre compte que la chaleur de son corps m'attire ou m'étouffe. Je me libère finalement, c'est un jeu trop dangereux...

Le vent froid et glacial me frappe violemment dans le dos dès que je franchis la porte. Je frissonne, sentant chaque rafale percer mes vêtements comme des aiguilles de glace. Je jette un regard autour de moi, scrutant les ombres et les rues désertes. Comment rentrer...

Je marche, les talons me font souffrir, l'alcool me fait voir double. 

Lorsque je me retourne, le jeune homme est déjà là, comme s'il avait jailli de l'obscurité. Il s'avance sans hésitation, et avant que je puisse réagir, il m'embrasse avec une intensité surprenante. Sa langue s'immisce dans ma bouche, brûlante et insistante. Lorsqu'il se recule enfin, me laissant haletant, je détourne les yeux, encore troublé. C'est alors que je le vois, au fond de l'allée sombre : Adam, figé dans l'ombre, ses yeux flamboyant de colère. Ses prunelles sont rouges de rage, et son regard me transperce, chargé d'une fureur que je n'avais jamais vue auparavant.





Blasphemous (DARK ROMANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant