Blasphemous (DARK ROMANCE)

Chapitre 54 : Les enfants perdus

LUCIE 

Héléna se tient seule près de la piscine, les bras croisés, son regard fixé sur l'eau sombre et immobile. Elle ne dit rien, mais ses yeux semblent fatigués, rougis. On dirait qu'elle porte un poids invisible, trop lourd pour elle. Elle ne pleure pas, mais la douleur est là, palpable dans l'air autour d'elle.

Les rumeurs circulent déjà. Adam l'aurait giflée, c'est ce que j'ai entendu dire de certains démons. D'autres prétendent qu'il l'aurait tabassée violemment. La vérité se perd dans le brouillard des murmures, difficile de savoir ce qui est vrai et ce qui a été exagéré, comme toujours quand les rumeurs commencent à se répandre.

Je la regarde, debout, isolée, et un frisson me parcourt.

Est-ce que je devrais aller la voir ? Je tourne les yeux, scrutant l'espace autour de la piscine. Il n'y a personne d'autre ici, personne d'autre pour se soucier de son sort. Même si elle a tenté de séduire Adam pendant que j'étais entre les griffes de Malakai, je n'arrive pas à la haïr au point de l'ignorer. Un instinct profondément enraciné m'incite à m'approcher, à vérifier si elle va bien.

Peut-être que je suis naïve, après tout. Peut-être que je devrais laisser les rancœurs de côté et laisser le passé derrière moi. Mais alors que je l'observe, la silhouette tremblante d'Héléna, un élan de compassion me pousse à faire le premier pas.

Je pousse la porte de la baie vitrée et m'approche d'elle, le cœur battant. Je m'assois sur le transat à ses côtés, un léger grincement se mêlant au silence lourd qui nous entoure. Elle ne dit rien au début, m'ignore longtemps, comme si ma présence était une ombre dérangeante.

Puis, après un moment qui semble s'étirer à l'infini, elle prend une profonde inspiration, le genre de souffle qui semble vouloir chasser des pensées sombres. Ses épaules se relâchent légèrement, mais je peux sentir la tension encore palpable dans l'air. Les rayons du soleil filtrent à travers les feuilles, créant des motifs dansants sur le sol, mais tout cela semble si loin de nous, comme si nous étions dans un autre monde.

- Est-ce que ça va ? je demande simplement, ma voix brisant le silence lourd entre nous.

Elle tourne la tête vers moi, ses yeux pétillants de frustration.

- Est-ce que j'ai l'air de bien aller ? elle répond, le ton agressif, comme si mes mots étaient une provocation.

La tension entre nous est palpable, un jeu de regards qui révèle autant que cela cache. Je sens le poids de ses mots, et la colère sourde qui l'habite, comme une tempête prête à éclater.

- Tu ne m'aimes pas beaucoup, n'est-ce pas ? je demande, bien conscient de la réponse qui m'attend.

Elle tourne les yeux vers moi, son regard dur et inébranlable.

- Non, pas du tout, elle répond, sa voix tranchante comme un couteau.

Je fronce les sourcils, le cœur battant un peu plus vite.

- Pourquoi ? je demande, ma curiosité se mêlant à une lueur d'espoir.

Elle prend une profonde inspiration. 

- La guerre qui oppose les démons et les anges dure depuis des siècles, des millénaires, en fait. Tout ça à cause d'Adam, parce qu'il a aimé. Parce qu'il a aimé Ève. Nous sommes nés dans ce conflit que nous n'avons jamais demandé, à tel point que parfois, on se demande si nous n'aurions pas souhaité ne jamais voir le jour. Tu sais, au Paradis, ils ont des camps de concentration où ils enferment les démons, où l'espoir s'étouffe lentement sous le poids de la peur. C'est là que ma mère m'a donnée naissance après s'être fait violer par tellement de gardes, qu'elle était incapable de dire qui était mon père. Les démons enfermés au Paradis sont souvent torturés, réduits à l'esclavage, forcés de travailler sans relâche pour construire des monuments à l'effigie de Dieu, comme des prisons dorées pour leur propre souffrance. Pour nous, Adam, enfin Asmodée, est notre véritable Dieu, celui qui représente tout ce que nous avons perdu, tout ce pour quoi nous avons souffert. Et toi... tu as vécu ta vie comme une humaine, dans l'ignorance du poids de ton rôle dans cette histoire, dans cette guerre. Tu es un Ange, le premier des Anges, et tu resteras toujours l'ennemi des démons, même si Adam ne le voit pas encore. Il finira par s'en rendre compte, lorsque les chaînes de son aveuglement se briseront et que la vérité éclatera au grand jour.

- Cela n'arrivera jamais, je réponds, la voix tremblante mais résolue. Adam, même avec sa manière tordue d'être, oui, il m'aime. Et moi... je l'aime aussi, malgré tout. Même s'il m'agace, même s'il est parfois brutal, insupportable, et qu'il me pousse à bout.

Un silence s'installe, lourd de tension. Mes mots flottent dans l'air comme des flèches, mais je me sens vulnérable, exposée. La vérité est un double tranchant, et je ne peux ignorer le chaos qu'il entraîne en moi. Je scrute son visage, cherchant une lueur de compréhension ou, à défaut, une trace d'empathie, mais elle me regarde avec dédain. 

-  Les enfants nés dans les camps... Ils sont enfermés dans des orphelinats, enfin, « orphelinats », c'est juste un mot humain qui enjolive la réalité. C'est bien pire, tellement pire. Ces enfants y sont prisonniers, privés de liberté et d'amour. Les murs de ces lieux résonnent des cris et des pleurs de ceux qui n'ont rien fait pour mériter une telle souffrance.

Je prends une profonde inspiration, mes mots se bousculant dans ma gorge, comme un cri que je réprime.

- Pour mettre fin à cette machine qui broie des âmes innocentes, Adam doit gagner. Il doit remporter cette bataille, même si cela signifie plonger dans l'obscurité. Je ne peux pas supporter l'idée de vivre dans un monde où des enfants souffrent, où leur innocence est écrasée sous le poids de la cruauté. Je ne peux pas le supporter.

Mon cœur s'emballe à l'idée de leur douleur, et je sens que la colère gronde en moi, brûlante et implacable. 

-Je suis désolé, murmuré-je, ma voix tremblant sous le poids des mots. Je suis désolé... Pour toutes les choses que tu as subies, que les démons ont subies. Je commence à comprendre, à saisir la complexité de notre monde. Les démons ne représentent pas forcément le mal, et les anges ne symbolisent pas toujours le bien.

Je marque une pause, cherchant mes mots avec soin, mes yeux plongés dans les siens, essayant de saisir l'étendue de sa souffrance. Je ne veux même pas tenter d'imaginer les choses qu'elle a vécues. 

- Pour moi, Adam est Adam, un individu complexe avec ses défauts et ses vertus. Mais pour vous, il est bien plus que ça... Il est le symbole de l'espoir, d'une lutte acharnée contre une oppression que je suis incapable de comprendre. Je ne sais rien de votre souffrance, tout ce conflit, cette guerre, je n'y connais rien. Mais...je...je l'empêcherais jamais....

- Je l'aime, murmure-t-elle, sa voix douce, mais chargée d'émotion. Chaque mot semble sortir d'un endroit profondément enfoui, là où se mêlent admiration et douleur. Il est comme un héros pour moi, un phare dans l'obscurité de notre réalité.

Elle détourne le regard, comme si le poids de ses sentiments était trop lourd à porter. Je la vois lutter avec ses pensées, entre l'amour inconditionnel et la résignation.

- Mais je vois bien qu'il t'aime, continue-t-elle, sa voix à peine audible. Ça me déchire, tu sais... Tout ce que je souhaite, c'est qu'il sauve ces enfants, qu'il les libère de cet enfer. C'est tout.

Ses yeux s'emplissent de larmes, et je sens la vague de sa passion, de son désir ardent pour un monde meilleur.

Oui, j'ai été naïve, je ne me suis pas rendu compte du nombre de démons qui comptait sur Adam... 

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Message de l'auteur :

Bonjour à tous,

Ici l'auteur !

J'ai traversé une période de grosse panne d'inspiration, au point de perdre de vue la direction que je voulais donner à cette histoire... mais je crois que je suis enfin de retour !

L'histoire devrait se conclure au chapitre 60, qui sera probablement le dernier, peut-être avec un épilogue pour bien terminer.

Quant à un éventuel tome 2... c'est encore à voir !

J'ai toujours eu envie d'écrire une histoire avec deux protagonistes masculins (oui, une romance gay pour être clair), mais j'ai repoussé cette idée à plusieurs reprises... alors cette fois, j'ai envie de me lancer et de la concrétiser !