XXXVII.

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Je me réveille en sursaut au milieu de la nuit, incapable de trouver le sommeil. La faim me tenaille, et mes pensées tournent en boucle autour de ce que Kaan m'a dit. L'excitation de ce qui m'attend est mêlée à une faim démoniaque qui me ronge.

Je me lève, enroulant mes cheveux en un chignon rapide, puis je me dirige vers la cuisine que j'ai découverte la veille. À la lumière de la lune filtrant par la fenêtre, je fouille les placards. Je trouve quelques ingrédients éparpillés ici et là, ainsi que du riz déjà cuit. Avec des gestes rapides, je prépare des onigiri, me concentrant sur chaque mouvement pour ne pas penser à la pression de ma situation.

Une fois mes petites boules de riz prêtes, je m'assois sur le canapé, un soulagement m'envahissant en attendant de pouvoir les déguster. Je prends la télécommande et allume la télévision. Mon regard se pose sur l'écran, où commence un épisode de "Prison Break",une de mes séries préférées.

Je m'absorbe dans l'intrigue, oubliant temporairement ma situation. C'est alors que j'entends un bruit venant de l'escalier. Mon cœur se serre. Je sais qu'Aylan est dans la maison. Je n'ose pas me retourner, espérant qu'il ne m'ait pas vue.  À ma grande surprise, il apparaît dans l'encadrement de la porte, vêtu de noir, comme une ombre.

Il descend les marches lentement et s'assoit sur les premières marches, le regard fixé sur l'écran. L'air entre nous est tendu, mais je ne dis rien. Peut-être est-ce mieux ainsi. Je lui jette un coup d'œil furtif, et je réalise qu'il semble absorbé par l'épisode, son expression impassible.

Nous regardons ensemble, une étrange complicité se tissant dans le silence, même si je sais que, dans cette maison, chaque moment de répit est précaire.

Je continue à grignoter mes onigiri, jetant de temps en temps des regards discrets vers Aylan. Il est là, silencieux, et je me demande ce qu'il pense de tout ça. Est-ce que cette paix est réelle, ou n'est-ce qu'une façade avant que tout ne bascule à nouveau ?

L'épisode avance, et je suis surprise de voir un sourire fugace se dessiner sur son visage lorsque le héros réussit à échapper à une situation délicate. Ce moment, si rare, me fait me sentir un peu moins comme une prisonnière et plus comme une personne qui partage un instant avec lui.

Je tente de ne pas laisser mon esprit vagabonder trop loin, mais une partie de moi ne peut s'empêcher de s'interroger sur ce qu'il ressent réellement. Pourquoi ne me dit-il rien ? Pourquoi ne cherche-t-il pas à me briser comme il le fait d'habitude ?

La tension dans l'air est palpable, mais je choisis de rester silencieuse. Je me concentre sur l'écran, sur les personnages qui se battent pour leur liberté, et je me rends compte que, d'une certaine manière, leur lutte résonne en moi. Je suis prise dans un jeu dangereux, mais je suis déterminée à ne pas laisser ma situation définir qui je suis.

À un moment donné, je remarque qu'Aylan a tourné légèrement la tête vers moi. Nos regards se croisent brièvement, et une étincelle de quelque chose que je ne peux pas nommer passe entre nous. Je ressens une montée d'adrénaline, mais je l'ignore, préférant me concentrer sur l'épisode.

Quand le générique de fin commence à défiler, Aylan se lève sans un mot, me laissant avec mes pensées. Je le regarde disparaître dans l'ombre du couloir, le cœur battant. Est-ce que je vais devoir vivre cette dualité, entre la peur de lui et une étrange connexion que je ne comprends pas ?

Je finis mes onigiri et repose la télécommande, mon esprit tourbillonnant. La nuit est encore jeune, mais je sais que le répit que j'ai eu ce soir ne durera pas. Kaan a raison : des choix doivent être faits, et demain, tout changera.

Je me lève et commence à ranger les quelques ustensiles que j'ai utilisés. Mon ventre est plein, mais mon esprit est agité. Chaque bruit dans la maison me fait sursauter, comme si l'ombre d'Aylan planait toujours sur moi. Je sais qu'il peut entrer à tout moment, comme il l'a fait tout à l'heure. La peur de le croiser à nouveau m'incite à être vigilante. Je jette un dernier coup d'œil vers le couloir, puis je me dirige vers ma chambre.

Une fois à l'intérieur, je ferme la porte derrière moi, comme si cela pouvait vraiment m'apporter un sentiment de sécurité. Je me glisse dans le lit, le matelas étant à la fois étrangement confortable et étrangement éloigné de ma réalité. Je me rappelle les paroles de Kaan sur le test qui m'attend. Je dois être prête, et chaque minute compte.

Je réfléchis à ce que Kaan m'a dit. Cette mission, quelle qu'elle soit, pourrait me donner l'opportunité d'échapper à l'emprise d'Aylan. Mais je ne peux pas oublier l'aura menaçante de ce dernier. Qu'est-ce qui m'attend si je réussis ? Et si j'échoue ? Le doute m'envahit, mais je lutte contre lui. Il n'y a pas de place pour la faiblesse.

Je me retourne dans le lit, le visage contre l'oreiller, les yeux grands ouverts. Le plafond semble me regarder, impassible. Je réalise que la nuit avance, mais le sommeil refuse de m'emporter. Une légère anxiété s'insinue dans mes pensées, et je décide de me lever à nouveau, attirée par la lumière de la lune qui filtre à travers la fenêtre. En m'approchant, je m'arrête un instant, fascinée par son éclat argenté qui inonde la pièce. Je me perds dans la contemplation de ce spectacle, et soudain, un souvenir émerge, vif et réconfortant.

Je me revois sur le toit de notre maison, ma petite sœur à mes côtés. La nuit était douce, et la lune brillait haut dans le ciel. Nous passions des heures à l'observer, à lui faire des promesses d'étoiles filantes et à inventer des histoires sur ce qui se cachait derrière son éclat.

Flashback

— Regarde, Aela ! s'exclamait-elle, les yeux pétillants d'excitation. La lune est comme un gros bonbon dans le ciel !

— Tu crois qu'il y a des gens qui vivent là-haut ? demandait-elle, son regard rêveur rivé vers la lune.

J'hoche la tête, feignant un sérieux que je n'éprouve pas.

— Oui, je suis sûre qu'il y a des petits bonhommes qui dansent sur sa surface, lançai-je en riant.

Elle se mit à imaginer ces créatures lunaires, décrivant leurs danses joyeuses et leurs rires. je suis fascinée par sa capacité à voir le monde à travers ses yeux d'enfant. Chaque étoile, chaque nuage prenait vie dans son récit.

— Un jour, on ira les rencontrer, n'est-ce pas ? ajoutait-elle avec un sourire, sa voix pleine d'espoir.

Je me rappelle avoir promis de l'emmener là où la lune brillait le plus, où nous pourrions nous balancer parmi les étoiles.

Fin du flashback

Je me souviens de son rire clair, de son sourire lumineux qui illuminait même les nuits les plus sombres. Elle avait cette capacité à voir la beauté dans tout, à transformer chaque instant en une aventure. Ensemble, nous faisions des vœux, espérant que la magie de la lune exaucerait nos rêves.

Ce souvenir me réchauffe le cœur, et un sourire se dessine sur mes lèvres à la pensée de ces moments précieux. La lune est là, comme un rappel que malgré les épreuves, il existe encore des choses belles et pures.

Je me tourne vers ma chambre, mon cœur lourd mais déterminé. Je dois me battre pour retrouver cette lumière dans ma vie. Avec la mémoire de ma sœur en tête, je sens une nouvelle force m'envahir. Je suis prête à affronter ce qui m'attend, à me battre pour ma liberté et, peut-être un jour, à retrouver cette connexion que j'ai perdue.

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