Je regarde la fille puis autour de moi, sentant une main sur mon épaule, sans réagir, coincée dans ma bulle.
Point de vue Aylan :
— Elle n'est plus elle-même. Regarde tous ces cadavres, ce ne sont même plus des cadavres. Elle est comme..
— Bloquée dans sa bulle, répondais-je.
— Oui, c'est ça. Et en plus, elle nous déteste. On l'a laissée seule. réplique Alil
— Elle a déjà vécu pire, je pense. Va retrouver Emir dans la voiture, j'arrive.
Je le vois exécuter mon ordre, puis je me dirige vers elle. Sa robe déchirée, ses cheveux détaché, en arrière, ses oreilles voyantes, du sang partout sur son visage. Son regard est vide, plus vide que d'habitude.
Avec mes frères, elle est pleine de vie, taquine et joyeuse, mais à cet instant, son regard est brisé.
Elle regarde une dernière fois le cadavre puis se lève, manquant de tomber quand je la rattrape de justesse. Qu'est-ce qui a pu la rendre comme ça ?
Elle me lance un regard avant de sortir sa dague, gravant automatiquement ses initiales sur les cadavres, comme une machine.Son unique réflexe est de marquer ses proies. Je l'observe, et une fois qu'elle a fini, elle ancre enfin son regard dans le mien. Ses yeux verts, assombris par cette soirée, cachent une fissure profonde qui ne me laisse pas indifférent. Je la prends dans mes bras, ses jambes et sa tête soutenues comme une princesse, mais elle se débat.
— Lâche-moi, tu fous quoi !
— On doit y aller, ça ne me fait pas plaisir, mais on n'a pas le choix, nous devons y aller, maintenant, lâchai-je pour me justifier.
— Je dois...
— Je vais finir de graver si tu veux, mais frappe-moi encore une fois et c'est moi qui vais te graver, à vie.
Elle se débat encore, mais finit par abandonner, me fixant pendant que je grave ses initiales.
Aela Kyodai.
A.KQuand je termine de graver cette cinquantaine de corps, mon regard se pose à nouveau sur le cadavre de la petite. Elle est mise à nue, des larmes froides sur ses joues. Je prends un tissu trouvé au sol, sûrement le morceau manquant de la robe d'Aela, et la couvre, fermant doucement ses yeux ouverts.
— Repose en paix, petit ange, murmure-t-elle en s'endormant contre moi.
(...)
Dix minutes aprèsNous venons d'arriver dans la voiture. Elle ne voulait pas me lâcher, se blottissant contre moi et grimçant dans son sommeil. Depuis au moins dix bonnes minutes, elle est sur mes genoux, perdue dans un sommeil agité. Je sens enfin qu'elle commence à bouger, signe qu'elle s'éveille. Je la regarde, mais elle ne réagit pas, son regard dénué d'émotion, fixer sur la vitre. Lorsqu'elle réalise qu'elle est sur moi, elle se redresse brusquement et se cogne la tête contre le plafond de la voiture. Aucun cri ne s'échappe de ses lèvres, comme si elle ne ressentait aucune douleur, malgré la force avec laquelle elle s'est blessée.
— Ça va ??? demande mon aîné
— C'est quoi ce bruit ? dit Emir, sortant à peine du sommeil.
— Elle s'est cognée.
Elle garde les yeux rivés sur la route, silencieuse, toujours sur mes genoux, car elle n'a pas vraiment le choix. Le chemin se poursuit dans un calme pesant, une tranquillité qui contraste avec le tumulte de nos pensées.
Elle a réussi, elle va intégrer la Cosa Nostra.
(...)
Cela fait presque une heure que nous sommes arrivés. Son visage, creusé par la fatigue et déformé par la haine, reste fermé. Depuis son échange avec Alil, pas un mot n'a franchi ses lèvres. Et étrangement, ce silence ne me laisse pas indifférent. À vrai dire ça me fait bizarre, elle, qui a toujours un mot à dire, la voilà muette.
— Aylan, tu m'écoutes ? demande Alil
— Non.
Alil semble sur le point de continuer, mais je me détourne brusquement, me dirige vers ma chambre et attrape une bouteille dans le bar.
— Qu'est-ce qui te prend ? s'inquiète-t-il.
— J'ai une soudaine envie de boire. Tu te joins à moi ?
— Non, je culpabilise... Elle doit nous en vouloir de l'avoir laissée seule, dit-il en passant une main dans ses cheveux.
— C'était sa mission pour intégrer la famille.
À ces mots, il sourit malicieusement.
— La famille ? Ta famille ? Notre famille ? Petit coquin, va.
Je le fixe en souriant à mon tour.
— La famille, oui. La Cosa Nostra est une famille.
Je pose la bouteille, laissant l'alcool de côté, puis me dirige vers la porte. Une fois dans le couloir, je me retrouve face à la sienne. Je suis sur le point d'entrer quand Alil m'arrête d'un geste apaisant.
— Mauvaise idée. Laisse-la se reposer. Elle est fatiguée, et je doute qu'elle ait envie de nous voir.
À cet instant, Emir arrive, coupant court à la discussion.
— Vous avez faim ? propose-t-il d'un ton léger.
Je laisse échapper un soupir, frustré.
— Ça va me rendre fou, dis-je en fixant Alil.
Nous nous dirigeons vers la cuisine. Le vieux est en voyage d'affaires pour quelques jours, Alyaa est déjà couchée et Maria, n'est pas là non plus. J'ouvre le réfrigérateur, à la recherche de quoi préparer un repas.
— Asseyez-vous, on va faire à manger, dis-je en sortant quelques ingrédients.
— Tu vas nous empoisonner, non merci, rétorque Alil avec un sourire narquois.
— T'es immunisé, tu as oublié ? réponds-je ironiquement
— Pas contre les abrutis nuls en cuisine, renchérit-il.
Ils rigolent, mais je reste impassible, incapable d'esquisser le moindre sourire, même forcé. J'attrape ce que je trouve et commence à préparer un gratin de pommes de terre, essayant de me concentrer pour apaiser l'agitation qui bouillonne en moi.
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Jeux de pouvoir
RomanceDans un monde où le désir et le danger se mêlent, Aela navigue entre jeux de pouvoir et séduction. Kidnappée et confrontée à des choix mortels, elle doit utiliser ses armes - tant physiques que psychologiques - pour survivre. Mais dans ce monde, la...