LIV.

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(...)
une heure plus tard

centre ville -Italie

Emir et moi débarquons en ville, son enthousiasme presque contagieux alors qu'il me guide avec assurance dans ce dédale de rues animées. Je n'ai jamais vu cette ville, pas de mes propres yeux. Pourtant, quelque chose dans l'air me semble familier, presque réconfortant. Les bâtiments, avec leurs façades colorées et leurs enseignes lumineuses, attirent mon regard à chaque coin de rue.

Des boutiques de vêtements chics, des librairies nichées dans des recoins tranquilles, des cafés dont les terrasses débordent de rires et de conversations... Je scrute chaque détail, mon regard sautant de gauche à droite comme celui d'un enfant découvrant un nouveau monde. Un monde plein de vie, de possibilités, et d'espoir.

Mais c'est un détail plus subtil qui m'atteint en plein cœur : l'odeur, un parfum inconnu, quelque chose que je n'ai jamais senti auparavant. Une odeur chaude et enivrante, douce et légèrement sucrée, avec une pointe d'agrumes qui flotte dans l'air. Je m'arrête instinctivement, cherchant la source. C'est presque comme si cette fragrance m'appelait, une invitation silencieuse à découvrir ce qu'elle cache.

Emir, qui marchait quelques pas devant, remarque mon hésitation. Il se retourne, son regard pétillant d'amusement, et il me fixe un instant, les bras croisés. Puis, un sourire en coin, il déclare :

— Rien qu'avec ce regard, tu m'as convaincu. Viens.

Avant que je ne puisse répondre, il attrape doucement mon poignet et m'entraîne vers un petit stand en bois sur le côté de la rue. Sous un parasol coloré, un homme prépare des pâtisseries dorées, nappées de miel et parsemées d'écorces d'orange. Emir se penche vers moi, murmurant comme un complice :

— C'est sfincia. Une spécialité sicilienne. Et tu ne peux pas vivre dans cette ville sans y goûter.

Il commande deux portions sans attendre mon avis. L'odeur devient encore plus envoûtante alors que l'homme nous tend les petites douceurs sur des morceaux de papier parcheminé. Emir me tend l'une des pâtisseries avec un sourire fier.

— Tiens, goûte moi ça

Je prends la sfincia avec précaution, intriguée. Quand mes dents croquent dans la texture moelleuse, une explosion de saveurs me submerge. C'est chaud, réconfortant, avec cette touche vive d'orange qui danse sur ma langue. Je ferme les yeux un instant, savourant pleinement ce moment.

— Alors ? demande Emir, son regard braqué sur moi, comme s'il attendait un verdict solennel.

Je rouvre les yeux, un sourire se dessinant malgré moi.

— C'est...wowwww

Il rit doucement, l'air satisfait.

— Bienvenue en Sicile, dit-il avec un sourire en coin.

— Mais... j'habite ici depuis toujours, répliqué-je, intriguée.

Il me fixe un instant, ses yeux brillants d'une lueur malicieuse, avant de répondre :

— Pas comme nous. Pas à notre manière.

Je ne peux m'empêcher de sourire, emportée par son assurance et son énergie contagieuse.

Nous continuons d'avancer dans une ruelle bordée de boutiques plus belles, les une que les autres. Chaque vitrine est une invitation, chaque détail un petit trésor. Des robes étincelantes sous des spots dorés. Des chaussures rangées comme des œuvres d'art. Un vieil antiquaire où un chat dort sur un fauteuil usé.

Mes soucis, qui avaient toujours eu un poids bien trop lourd, s'étaient envolés quelque part sans que je ne m'en aperçoive. Quand je tourne à nouveau mon regard vers Emir, il a cet air concentré, les yeux plissés alors qu'il évalue les vitrines. Il semble décidé à trouver l'objet parfait, cette tenue spéciale qu'il imagine sans doute déjà pour moi.

Et moi, contre toute attente, je me sens... bien. Pas seulement à cause de la ville ou de l'excitation ambiante, mais parce qu'il est là. Cet éclat dans son regard, ce mélange de légèreté et de sérieux. Ce rire qu'il ne retient jamais. Tout cela m'apaise plus que je ne l'aurais cru possible.

— Regarde ça, dit-il en s'arrêtant soudain devant une vitrine. Parfait pour toi !

Je lève les yeux vers la boutique. Une robe rouge élégante, sobre, mais avec ce petit détail audacieux à la taille. Je croise son regard dans le reflet de la vitre, et je ris doucement.

— C'est un peu... trop, pour une simple intégration, tu ne trouves pas ?

Il secoue la tête avec détermination.

— Non, c'est jamais assez, puisque c'est toi qui l'a portera.

Je le regarde, amusée, avant de lever une main pour lui donner une petite tape sur l'épaule.

— Vous avez tous le don de bien parler dans cette famille, dis-je en souriant. Beau parleur, va.

Un éclat de fierté traverse son visage, et il sourit, presque exagérément.

— Que veux-tu ? Molière est peut-être notre ancêtre, répond-il d'un ton faussement dramatique.

Je plisse les yeux, perplexe.

— Tu mens, dis-je, à moitié sérieuse.

Il éclate de rire, secouant la tête.

— Oui, je mens. Mais ça te plaît, avoue, lance-t-il avec une étincelle dans le regard.

Je ne peux m'empêcher de rire avec lui, mais avant que je n'aie le temps de répliquer, il attrape doucement mon poignet.

— Allez. Pas de temps à perdre.

Et, sans attendre, il m'entraîne vers la boutique, son enthousiasme me contaminant presque malgré moi.

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