LI.

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VILLA ERA'COSA
3h

Je me retourne encore et encore, allongé dans mon lit, incapable de fermer l'œil depuis ce qui me semble être une éternité. La chaleur est insupportable, mon estomac crie famine, et une envie irrésistible de me défouler me ronge. Incapable de supporter cette agitation, je me lève, m'habille rapidement, et quitte ma chambre en direction du hangar.
À peine quelques minutes plus tard, un bruit sourd et régulier se fait entendre. Intrigué, je fronce les sourcils et m'approche plus silencieux qu'une ombre. Une lumière vacille au fond du hangar, trop faible pour discerner quoi que ce soit. Sur mes gardes, je saisis une lame et avance prudemment, prêt à réagir au moindre mouvement. Une silhouette apparaît à portée. Sans réfléchir, je l'attrape violemment et enfonce ma lame dans sa main. Un cri retentit, aigu, féminin.

— Aela ?

— PUTAIN ! TU FOU QUOI BORDEL ?

— Mais, Ae..

— Ça ne t'a pas suffi de m'abandonner dans un gala ? TU VEUX AUSSI MA PEAU ?

— Mais..

— QUOI MAIS ?! TU M'AS POIGNARDÉE SANS SCRUPULE, PUTAIN ! lâche-t-elle, les yeux vides d'émotions malgré son ton tranchant.

— MAIS TU FOU QUOI ICI À CETTE HEURE ? LA PORTE DE TA CHAMBRE ÉTAIT FERMÉE, PUTAIN !

— TU CROIS QUE JE VAIS RESTER SAGE À ATTENDRE QU'UN PRINCE CHARMANT VIENNE ME DÉLIVRER ?

Elle finit par me regarder droit dans les yeux. Son regard n'exprime que haine et dégoût, mais aucune douleur n'est perceptible, comme si la notion de douleur ne lui était pas familière.

— OUI, EXCUSE-MOI, J'AI OUBLIÉ QUE TU N'AVAIS BESOIN DE PERSONNE !

— TU ME PRENDS POUR TES SALOPES OU POUR TES HOMMES POUR ME PARLER COMME ÇA ?!

— NE ME FAIS PAS DIRE CE QUE JE N'AI PAS DIT, MAIS COMMENT J'AURAIS SU QUE C'ÉTAIT TOI, BORDEL ? JE T'AI PRIS POUR UN INTRU !

— Tu aurais dû le savoir.

Sans me regarder à nouveau, elle retire ses lames accrochées aux cibles, les range, puis se dirige vers la sortie du hangar. Elle est venue s'entraîner, ici, tout comme moi.

Peut-être que cela l'aide aussi à se vider l'esprit. Je n'aurais pas dû lui parler ainsi après ce qu'on lui a fait, mais c'est plus fort que moi, je ne sais pas agir différemment. Putain.

(...)
Quelques minutes plus tard

Point de vue Aela :

Putain. Ça fait déjà plusieurs minutes que je cherche des compresses, mais je ne trouve rien. Mon sang s'écoule lentement au sol, et je m'assois contre le mur, le regard rivé sur ma main, blessée par mon ravisseur. J'appuie sur la plaie pour tenter de stopper l'hémorragie, quand j'entends un bruit sur le toit. Curieuse, je tourne la tête vers la fenêtre tout en restant accroupie.

C'est lui. Il se tient là, sur le toit en face de la fenêtre, une cigarette à la main. À ma vue, il s'arrête, ses yeux plongés dans les miens. Ses poings sont en sang, une blessure béante visible sur l'une de ses mains.

Les gens normaux portent des bracelets en commun, mais nous, nous avons mieux : une blessure partagée. Cet imbécile s'est poignardé au même endroit que moi.

À cet instant, toute ma haine à son égard semble s'évanouir. Je lui souris, surprise par ma propre réaction. Il me rend un clin d'œil, s'approche de la fenêtre et me fait signe d'ouvrir. Je m'exécute, et en un instant, nous voilà à quelques centimètres l'un de l'autre.

— On est quittes maintenant, lâche-t-il.

— T'es qu'un imbécile.

— Traite-moi de tout ce que tu veux, mais je déteste l'injustice. Il reprend d'un ton plus calme, presque pensif, même si je te hais, je dois admettre que te laisser te débrouiller seule n'était pas sympa, surtout que le vieux nous a ordonné de venir avec toi, sans que tu le saches. Et même ça, je ne l'ai pas fait. Je voulais juste me venger. Ne te méprends pas, c'est la dernière fois que je dis ce genre de choses.

— Je te hais aussi, toi et tout ce que tu es.

Je souris, et il me rend ce sourire.

— Meurt dans ton sommeil, Lame.

Surprise par ce surnom que je n'ai jamais entendu, je reste un instant sans voix, touchée par son originalité. Mais avant que je puisse lui répondre, il descend du toit et disparaît de mon champ de vision en quelques secondes.

Qu'est-ce qui vient de se passer ? Comment notre relation hargneuse et conflictuelle a-t-elle pu basculer à ce point en une seule soirée ?

Jeux de pouvoir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant