Amnesia

Chapitre 7

IVY

Je toque à trois reprises contre la porte du bureau de Yann et patiente quelques secondes, mais aucune réponse ne me parvient. 

Je tends l'oreille puis décide finalement d'actionner la poignée afin que ma tête puisse se glisser à travers l'entrebâillement.

Debout près de la fenêtre avec le téléphone à l'oreille, mon parrain ne perçoit pas ma présence. Concentré sur son appel, sa main posée sur la hanche, il acquiesce tout en fixant le sol.

— Yann ! Tu voulais me parler ? Lui demandé-je en chuchotant.

Il relève enfin les yeux vers moi et malgré qu'il soit occupé, il me fait signe d'entrer en me désignant le fauteuil d'un mouvement de tête.

Je m'exécute et franchis la porte accompagnée de Drogo, trottinant à mes pieds.

Tandis que je m'avance, le plancher grince sous mes pas et un courant de frissons serpente le long de ma colonne vertébrale.

Je me visualise dans cette pièce, assise sur ce même siège tandis que mon père m'exposait mes prochaines missions, puis plus jeune en pleine partie d'échecs près de la fenêtre alors que l'odeur de café imprégnait l'atmosphère... Mais je revois aussi la petite fille terrorisée qui s'était cachée dans la porte dérobée du mur alors que sa mère se faisait assassiner sous ses yeux.

Percevant mon trouble, Drogo pose délicatement sa tête sur ma cuisse pour m'insuffler la force nécessaire afin d'affronter mes tourments.

Mon passé tente de s'infiltrer sournoisement par tous mes pores, mais grâce à la présence de mon animal, je parviens à stabiliser mes émotions pour ne pas me laisser submerger. Les lieux sont imprégnés de souvenirs et je dois m'y confronter si je ne veux pas sombrer. 

Mes yeux se ferment un instant et je laisse l'air engouffrer mes poumons avant de rouvrir mes paupières.

Mes pensées enfin verrouillées, je focalise de nouveau mon attention sur mon parrain et patiente pendant qu'il termine son appel.

— Parfait. Combien de temps faut-il compter pour que les travaux soient terminés ?

Sans surprise, je devine qu'il a pris l'initiative de superviser les réparations dans ma maison et mon studio de tatouage. Heureusement qu'il est là, car avec tout ça j'ai complètement oublié de m'en soucier.

Je n'entends pas son interlocuteur au bout du fil, mais Yann m'accorde un regard en entendant la réponse.

Merde, ça sent pas bon.

— Très bien. Tenez-moi au courant de l'avancée. Ajoute-t-il avant de couper la communication.

Il prend place derrière son bureau et dépose son portable sur le côté.

— Excuse-moi. J'étais justement au téléphone avec le chef de chantier pour les travaux à L.A.

— Et du coup ?

— Et bien, ton domicile sera comme neuf d'ici une dizaine de jours....

Sa voix s'amenuit et je déduis que la suite risque de ne pas me plaire.

— Par contre pour ton shop, il faudra plusieurs mois pour tout remettre en état... L'incendie a fortement endommagé la structure de l'immeuble et il serait dangereux de reprendre ton activité si tout menace de s'écrouler.

Involontairement, mes épaules s'affaissent, victime du poids invisible qui s'abat sur elles.

Plusieurs mois...