Le soleil vient à peine de se lever quand nous quittons la ville, les routes encore désertes derrière nous. L'air est frais ce matin, et je laisse ma main traîner à moitié ouverte par la fenêtre, le vent jouant avec mes doigts. Il y a quelque chose de paisible dans cette route. Les champs de la campagne s'étendent à perte de vue, un contraste saisissant avec la tension que je ressens au fond de moi. Arnaud conduit en silence, le regard concentré sur la route, mais je peux deviner ses pensées rien qu'à la manière dont il tapote le volant du bout des doigts, signe qu'il réfléchit trop. Il est nerveux, tout comme moi, c'est depuis qu'il a eu son accident et qu'il a repris la conduite.
Derrière nous, dans la voiture, Nina et Lucca murmurent entre eux. J'aperçois leur reflet dans le rétroviseur, leurs visages pleins de curiosité. Cette sortie est spéciale pour eux, ils ne s'en rendent peut-être pas compte, mais ce moment pourrait être déterminant pour l'avenir de Gianni.
Justement, Gianni, assis près de la fenêtre, observe les paysages défilant en silence. Son regard est absent, comme souvent, ses pensées perdues dans ce monde intérieur que lui seul connaît. Aujourd'hui, nous espérons que ce monde va s'élargir un peu, que l'arrivée d'un chien dans notre famille pourra lui donner une nouvelle raison de s'ouvrir.La psychologue du centre nous avait parlé de l'importance des animaux pour les enfants comme Gianni. Elle nous avait dit que la compagnie d'un chien, un animal loyal, affectueux et doux, pourrait l'aider à se sentir en sécurité, à se connecter davantage avec nous et avec son environnement. J'avais hésité au début, craignant que cela ne devienne une charge supplémentaire pour nous, mais en voyant Gianni ces dernières semaines, je savais qu'il fallait essayer. Tout ce qui pourrait l'aider à sortir de son isolement en valait la peine.
- Tu crois vraiment que ça peut marcher ? demande Arnaud d'une voix basse, les yeux toujours fixés sur la route.
Je tourne la tête vers lui, sortie de mes pensées.
- Je l'espère, dis-je avec un léger sourire. Ce chien pourrait devenir un soutien pour Gianni. Et même si ça ne marche pas tout de suite, on doit essayer.
Il acquiesce, mais je sens son inquiétude. Nous partageons la même crainte : et si ça ne fonctionne pas ? Et si Gianni reste dans ce silence, même avec un animal près de lui ? Je prends une profonde inspiration, préférant me concentrer sur l'espoir que ça pourrait marcher.
Après une heure de route, nous arrivons enfin à l'élevage. Le lieu est niché au cœur de la campagne, entouré de vastes champs où les chiens peuvent courir en liberté. C'est un endroit simple mais chaleureux, et ça me rassure immédiatement. À peine sortis de la voiture, Nina se précipite vers la clôture pour apercevoir les chiots jouer à l'extérieur, un large sourire aux lèvres. Lucca, plus réservé, observe les environs avec une attention silencieuse, mais je vois dans ses yeux une certaine excitation. Quant à Gianni, il sort lentement de la voiture, hésitant, ses petits doigts accrochés à mon bras.
Nous sommes accueillis par Paul-André, l'éleveur, un homme d'une cinquantaine d'années, avec un visage chaleureux et des gestes patients. Il nous guide vers une zone où plusieurs chiots jouent joyeusement, leurs petits corps bondissant dans tous les sens.
- Bonjour et bienvenue ! lance-t-il avec un sourire. Alors, c'est pour votre fils, n'est-ce pas ? Vous cherchez un chien doux et calme ?
Arnaud acquiesce.
- Oui, nous avons besoin d'un chien qui puisse aider notre plus jeune fils. Il a besoin de calme, et on nous a recommandé une race patiente, idéale pour les enfants.
Paul-André hoche la tête, comprenant immédiatement. Il nous conduit dans une cour plus isolée, où un groupe de Golden Retrievers joue ensemble. Les petits chiots, avec leurs pelages dorés et leurs grands yeux brillants, courent autour de nous, curieux de ces nouveaux visiteurs.
- Les Golden Retrievers sont parfaits pour ce genre de situation, explique Paul-André en souriant. Ils sont connus pour leur douceur et leur patience. Ils aiment être proches des enfants, et ils sont naturellement très protecteurs.
Je m'accroupis doucement à côté d'un des chiots qui s'approche de moi, et je tends la main pour le caresser. Le chiot renifle ma paume avec curiosité, avant de me lécher doucement les doigts. Nina est déjà à genoux à mes côtés, riant doucement en caressant un autre chiot qui remue joyeusement la queue.
Gianni, quant à lui, reste en retrait, observant de loin. Son regard est fixe, presque absent, et je sens qu'il est mal à l'aise dans cet environnement nouveau. Arnaud le prend dans ses bras, cherchant à le rassurer.
- Viens voir, Gianni, dit-il doucement. Regarde, ils sont gentils, ils veulent juste jouer.
Mais Gianni ne bouge pas, il se blottit contre le torse de son père, ses mains crispées sur son col. Mon cœur se serre. Je m'attendais à cette réaction, mais ça fait toujours mal de voir à quel point ces situations le stressent.
Un des chiots, plus calme que les autres, s'approche doucement de Gianni, ses petites pattes avançant prudemment. Il s'assied juste devant lui, le regardant avec une patience infinie. Je me mords la lèvre en retenant un souffle d'espoir. Est-ce que ce chiot pourrait être celui qui parviendra à briser la barrière entre Gianni et le monde extérieur ?
Sans un mot, Gianni descend lentement des bras de son père. Ses pieds touchent à peine le sol qu'il s'approche du chiot. Je sens toute la tension dans ses gestes, mais je vois aussi une petite lueur d'intérêt dans ses yeux, quelque chose que je n'avais pas vu depuis longtemps. Le chiot reste assis, attendant patiemment que Gianni fasse le premier geste. Puis, enfin, il tend la main, hésitant, pour toucher le petit animal.
Un silence tombe sur nous tous. Nous observons en retenant notre souffle, espérant, priant en silence que cet instant soit le début de quelque chose. Quand les petits doigts de Gianni effleurent la tête du chiot, un sourire fragile éclot sur mes lèvres.
- Regarde-le, murmure Arnaud, une lueur de fierté dans la voix.
C'est un moment minuscule, presque imperceptible, mais pour nous, il est monumental. Gianni reste près du chiot, le caressant doucement, sans un mot, mais je sens quelque chose se passer. Le chiot semble comprendre, d'une manière que seuls les animaux peuvent comprendre. Il se rapproche de Gianni, frottant doucement sa tête contre sa main, et Gianni continue de le caresser, ses mouvements de plus en plus sûrs.
Lucca s'avance à son tour, regardant la scène avec attention.
- Je crois que Gianni l'aime bien, dit-il doucement. Je ne l'ai jamais vu aussi calme avec quelque chose de nouveau.
Je me tourne vers mon fils aîné, surprise par la tendresse dans ses mots. Je le prends contre moi.
Nous passons encore un long moment à jouer avec les autres chiots, mais celui-ci, celui que Gianni a touché en premier, reste près de lui. Il ne s'éloigne pas, et je sais, au fond de moi, que c'est lui. C'est ce chiot-là qui doit rentrer à la maison avec nous.
- Tu veux lui donner un nom, Gianni ? lui demandé-je doucement, espérant qu'il me répondra.
Il reste silencieux, ses doigts toujours en contact avec la fourrure dorée du chiot, mais je vois un léger sourire sur ses lèvres. Ce sourire est tout ce dont j'ai besoin. Il a fait son choix, et moi aussi.
Alors que nous repartons de l'élevage avec notre nouveau compagnon, je sens une lueur d'espoir grandir en moi. Ce n'est peut-être qu'un premier pas, mais c'est un pas dans la bonne direction. Pour Gianni, pour nous tous.
Je glisse ma main dans celle de Gianni, et pour la première fois depuis longtemps, je sens qu'il est avec nous, vraiment avec nous.
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Voici le vingt-neuvième chapitre ! Vous aurez le prochain demain.
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires ! À demain !
:)
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L'écho du silence
FanfictionJenifer, chanteuse à succès, et Arnaud, chef cuisinier, mènent une vie bien remplie avec leurs trois enfants : Lucca, Nina, et Gianni, leur plus jeune fils de 4 ans atteint d'autisme. Dans cette famille recomposée, chacun tente de trouver sa place f...