Chapitre 5 - Lucca

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Je suis dans ma chambre, allongé sur mon lit, mais je n'arrive pas à rester tranquille. Mon cœur bat trop vite, mes pensées s'entrechoquent, incapables de se calmer. Chaque seconde semble plus lourde, comme si l'air autour de moi devenait plus dense, plus irrespirable. Ma gorge est serrée, mes yeux brûlent. J'aimerais pleurer, mais je n'y arrive pas. Pas encore.

La colère qui monte en moi, je ne sais même plus contre qui elle est dirigée. Contre Maman ? Arnaud ? Gianni ? Ou est-ce contre moi ? Et puis il y a ce vide, ce gouffre sans fin, celui que lui a laissé. Raphaël. Mon père. Il est parti, et pourtant, c'est comme s'il était toujours là, dans un coin sombre de mon esprit, à m'écraser sous le poids de son absence.

Je le déteste, mais en même temps, il me manque. C'est ridicule. Comment quelqu'un peut vous manquer alors qu'il vous a trahi, abandonné, détruit ? Ce sentiment, je l'étouffe depuis des années, mais il revient toujours, plus fort, plus violent.

Et puis aujourd'hui... la dispute. Ce n'était pas la première, mais c'était pire que d'habitude. J'ai entendu Arnaud parler à maman comme jamais il ne l'avait fait. Je l'ai vu perdre son calme, perdre ce contrôle qu'il garde tout le temps. Et ça m'a frappé. Ça m'a rappelé lui. Raphaël. Le jour où il est parti pour de bon.

Je ferme les yeux, mais les images surgissent, plus nettes, plus vives que jamais.

FLASHBACK
06/05/2015, 21h43

Je suis assis en haut des escaliers, caché grâce aux barreaux de la rambarde des escaliers. La nuit est tombée depuis un moment, et l'obscurité envahit la maison, comme si elle cherchait à engloutir tout ce qu'elle trouve. Mon nounours en peluche, un peu usé, est serré contre moi. Je le garde toujours près de moi dans ces moments de détresse, mais il ne suffit pas à apaiser le tourbillon de sentiments qui me ronge. En bas, les voix de mes parents s'élèvent, brisant le silence nocturne.

Maman pleure, et la colère de papa claque comme un coup de fouet. Ce n'est pas la première fois qu'ils se disputent, mais cette nuit-là, quelque chose semble cassé, irrécupérable.

Je me glisse le long des marches, une à une, en retenant ma respiration. J'ai trop peur. Peur que si je ne regarde pas, papa disparaisse pour de bon. Je m'avance lentement, mes jambes tremblant sous le poids de l'angoisse.

Quand j'atteins le bas des escaliers, je vois papa, debout au milieu du salon, sa silhouette sombre se découpant dans l'obscurité. Il fourre ses affaires dans un grand sac noir, ses mouvements sont brusques et désordonnés. Maman, elle, essaie de l'arrêter, ses larmes créant un sillage brillant sur ses joues.

     - Raphaël, s'il te plaît... Sa voix est pleine de désespoir, mais il ne l'écoute pas.

     - Arrête, Jen. J'en ai assez de tout ça ! Il crie, la colère résonnant dans le silence de la nuit. J'en peux plus de cette vie, de toi, de... de tout !

Je ne comprends pas tout, mais je sais que c'est moi qu'il vise. Je ne veux pas qu'il parte, je ne veux pas que la colère prenne le dessus. J'hésite un instant, puis je fais le pas vers eux.

     - Papa... Ma voix est un murmure, mais il se retourne, ses yeux noirs se posant sur moi avec une intensité que je n'avais jamais vue.

     - Qu'est-ce que tu fais là, Lucca ? Tu dois dormir à cette heure. Son ton est brusque, mais je sens une pointe de fatigue. Je me fige, mon cœur battant à tout rompre.

     - Pourquoi tu pars ? J'essaie de garder ma voix calme, mais elle tremble comme moi. C'est parce que j'ai pas été gentil ? Je serai sage, je te promets... Je m'approche un peu plus, attrapant le bas de sa veste, comme si ça pouvait le retenir.

Il me regarde, un éclair de douleur traversant son visage, mais il secoue la tête, repousse ma main avec une force qui me fait reculer.

     - Lucca, ça n'a rien à voir avec toi... Il soupire, passant une main sur son visage. J'ai besoin de partir. C'est trop compliqué ici, tu comprends ?

Je hoche la tête, mais je ne comprends pas. Je sens que je perds quelque chose d'essentiel, quelque chose qui ne reviendra jamais. Mes larmes commencent à couler.

     - Mais je t'aime, papa. Les mots sortent avant que je ne puisse les retenir. Je t'aime et je veux que tu restes. On peut encore jouer ensemble, comme avant...

Il ferme les yeux, un instant, je crois qu'il va céder. Mais il se détourne, les poings serrés, la colère et la douleur marquant son visage.

     - Moi aussi, je t'aime, Lucca. Sa voix se brise, mais il ne semble pas pouvoir le croire. Mais je suis pas fait pour ça. J'suis pas fait pour être un bon père. T'es mieux sans moi.

Je recule encore, les mots s'enfonçant dans mon cœur comme des couteaux. Je veux crier, mais les sons restent bloqués dans ma gorge. Ses paroles résonnent dans ma tête, un écho cruel qui ne s'éteindra jamais.

     - Non ! Je ne veux pas que tu partes ! Je crie, la douleur et la peur mêlées. Ne me laisse pas ici !

Il me fixe, son visage tordu par la souffrance. Puis, d'un geste brusque, il attrape son sac et se dirige vers la porte. Avant de sortir, il se retourne et me lance un dernier regard.

     - Sois fort, Lucca. Tu m'oublieras. Et souviens toi, les faibles ne pleurent pas. Puis il claque la porte, laissant derrière lui un silence oppressant, un vide que rien ne pourra jamais combler.

Je reste là, figé, incapable de bouger, mes larmes coulant à flots. Les mots de papa résonnent encore, et je comprends que même l'amour n'est pas suffisant pour le retenir. Je me laisse tomber au sol, pleurant comme si mon cœur allait éclater.

Je reviens à la réalité, le poids de ce souvenir m'écrasant. Je sens mes larmes couler à nouveau, et je me lève lentement, désireux de sortir, d'échapper à cette maison qui semble me suffoquer.

En passant par le salon, je croise Arnaud, mon beau-père, assis sur le canapé dans l'ombre. À sa vue, je me fige un instant. Son regard, inquiet, se pose sur moi.

     - Lucca... Il se lève lentement, s'approchant avec précaution. Je voulais m'excuser pour la dispute tout à l'heure avec ta mère. Ce n'était pas juste. Je ne voulais pas lui parler comme ça...

Je ne réponds pas tout de suite, mes pensées tourbillonnant dans ma tête.

     - Tout le monde crie ici tout le temps... murmure-je finalement, la voix brisée.

Il hoche la tête, son regard empreint de compréhension.

     - Je sais que ça doit être dur pour toi. Je suis désolé que tu aies entendu ça. Mais sache que je suis là pour toi, Lucca. Tu n'as pas à porter ce poids. Ni Nina et ni Gianni...

Je ne peux pas lui dire que c'est exactement ce que je ressens, que je suis perdu entre les souvenirs de mon père et la vie que je suis censé vivre ici.

     - Merci, dis-je simplement, avant de tourner les talons. J'ai besoin d'être seul, de prendre l'air, de laisser le vent balayer mes pensées sombres.

Je sors dans le jardin, l'air frais de la nuit me frappant au visage. Je respire profondément, me laissant porter par le silence, le chant des insectes résonnant comme un doux rappel que la vie continue, même dans la souffrance.

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Voici le cinquième chapitre ! Vous aurez le prochain demain.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires ! À demain !

:)

L'écho du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant