L'amphithéâtre de Nîmes est en ébullition. Le son résonne contre les vieilles pierres, la foule acclame, chaque personne suspendue à la voix de maman. C'est la première fois qu'elle remonte sur scène depuis si longtemps, et je sens la fierté et la tension monter en moi. Mais une autre sensation, plus désagréable, se fait sentir. Un poids dans ma poitrine que je ne parviens pas à ignorer.
Je me tourne vers Gianni. Il est là, juste à côté de moi, mais quelque chose cloche. Il porte son casque antibruit, ses petites mains serrées autour de son doudou, mais son regard est inquiet, presque paniqué. Ses yeux, d'habitude si calmes, sont rivés sur maman, qui danse et chante sous les projecteurs. Il ne la quitte pas des yeux, comme si, à tout moment, elle pouvait disparaître.
Je m'accroupis à sa hauteur.
- Gianni, ça va ? je murmure en posant une main sur son épaule.
Il ne me répond pas, bien sûr. Mais son visage crispé et ses petits doigts qui se tordent sur son doudou disent tout. Il est en train de perdre pied. Il veut maman. Là, maintenant.
D'un coup, il se met à tirer sur son casque, comme s'il essayait de s'en débarrasser, mais je le lui remets en place doucement.
- Laisse-le, Gianni, ça va te protéger du bruit, je dis en essayant de garder ma voix calme.
Mais ce n'est pas le bruit qui le dérange. Pas vraiment. Je le comprends maintenant. Ce qui le dérange, c'est que maman soit si loin, sur cette scène immense, entourée par une foule d'inconnus, inaccessible. Et lui, il est coincé ici, avec nous, sans pouvoir la rejoindre.
Il commence à se tortiller de plus en plus, à s'agiter. Je peux sentir son angoisse grandir. Il veut aller vers elle. Il ne comprend pas pourquoi il ne peut pas être à ses côtés. Je me redresse, cherchant Arnaud du regard. Il a remarqué lui aussi. Il s'approche, inquiet.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-il, déjà accroupi devant Gianni.
Gianni, lui, secoue la tête, ses petites mains serrant son doudou encore plus fort. Je le vois lutter contre ses émotions, mais c'est trop pour lui. Les larmes commencent à perler au coin de ses yeux, et soudain, il lâche prise.
Il pleure. Ses sanglots sont presque silencieux, mais son corps entier est secoué. Ses bras se tendent en direction de la scène, de maman.
- Ma... maman... murmure-t-il, presque inaudible.
C'est rare que Gianni parle. Quand il le fait, c'est toujours pour dire peu de mots, mais à cet instant, ces quelques syllabes résonnent comme un cri. Il ne veut rien d'autre que sa maman. Pas plus tard, pas à la fin du concert. Maintenant.
Arnaud essaie de le prendre dans ses bras, de le réconforter, mais Gianni se débat. Il veut aller là-bas, sur scène, avec elle. Il pleure plus fort, et ses gestes deviennent plus désespérés. Il tire sur les bras d'Arnaud, poussant de toutes ses petites forces.
- Elle revient après la chanson, mon grand, murmure Arnaud, sa voix douce. Elle va revenir, je te promets.
Mais Gianni ne comprend pas pourquoi il doit attendre. Il ne comprend pas cette distance entre lui et maman, cette séparation brutale qui le bouleverse tant. Il a toujours été comme ça, très attaché à elle, mais ce soir, c'est plus intense. Plus douloureux.
Je commence à comprendre quelque chose que je n'avais jamais vraiment saisi avant. Pour Gianni, maman est son ancre. Il a toujours eu besoin d'elle, plus que Nina et moi. C'est pour ça qu'il semble si mal quand il est au centre, loin de la maison, loin d'elle. Parce que pour lui, maman est son refuge, sa sécurité, son point de repère. Et là, dans cette foule immense, elle est à quelques mètres de lui, mais ça pourrait tout aussi bien être à des kilomètres.
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L'écho du silence
FanfictionJenifer, chanteuse à succès, et Arnaud, chef cuisinier, mènent une vie bien remplie avec leurs trois enfants : Lucca, Nina, et Gianni, leur plus jeune fils de 4 ans atteint d'autisme. Dans cette famille recomposée, chacun tente de trouver sa place f...