Chapitre 4 - Jenifer

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Il est 16h32 lorsque j'attends à l'entrée de la classe de Gianni, seule. Arnaud a encore trouvé son excuse favorite : le travail. Je n'ai même plus envie de discuter. Quand il m'a annoncé ça ce matin, j'ai simplement pris une cigarette sur la terrasse. À mon retour, il était déjà parti. Ce matin, je ne l'ai pas vu. Ça m'a bien arrangé.

Madame Paolinni, la maîtresse, m'accueille dans sa salle.

- Madame Blanchard, je suis vraiment ravie de vous rencontrer ce soir.

Je ne réponds pas, me contentant d'un sourire forcé.

- Je vais aller chercher la direction. Installez-vous.

Je la remercie d'un hochement de tête. Elle part, et je pose mon sac, apercevant Gianni au fond de la salle, concentré sur ses jeux de construction.

- Coucou, mon amour... dis-je en m'approchant.

Je m'accroupis devant lui, et à ma grande surprise, il se jette dans mes bras. Oui ça lui arrive mais c'est très rare. Étonnée, je mets un moment avant de le serrer contre moi. Je lui caresse le dos doucement, avant de l'embrasser sur le nez. Un sourire timide se dessine sur son visage. Il retourne s'asseoir, continuant de construire. Je vais m'asseoir à mon tour.

Madame Paolinni revient accompagnée de Monsieur Santini, le directeur. Ils s'installent face à moi, et je sens la tension monter.

- Nous devons attendre votre mari ? demande Monsieur Santini.

- Non. Il ne sera pas là ce soir, réponds-je sèchement.

Un regard de jugement passe entre la maîtresse et le directeur. Je serre les dents, mais je garde mon calme.

- Bien, commençons, dit Madame Paolinni. Gianni pose de réels problèmes en classe. Ses crises perturbent les autres enfants, et ses réactions sont souvent disproportionnées. Nous comprenons qu'il a des besoins spécifiques, mais nous atteignons une limite.

Chaque mot me frappe comme une claque. Mon cœur se serre. J'aimerais leur expliquer, leur dire qu'il ne fait pas exprès, qu'il ne contrôle pas ce qu'il ressent. Mais je suis épuisée. Les mots restent coincés dans ma gorge.

- Hier, il a fait une crise pendant la récréation, ajoute-t-elle. Il s'est mis à pleurer, à crier, et il a refusé de se calmer malgré mes interventions. Je l'ai puni, mais c'est comme si cela n'avait aucun impact. On dirait qu'il est dans son propre monde.

Je prends une grande inspiration.

- Ce n'est pas de sa faute. À la maison, c'est pareil. Il a des réactions disproportionnées, mais il ne le fait pas exprès...

- Ce n'est pas juste une question d'agitation, reprend-elle d'un ton plus dur. Gianni ne suit pas les règles. Nous ne pouvons pas tolérer ses crises. Certains parents se plaignent.

Monsieur Santini intervient, plus grave encore.

- Madame Blanchard, nous pensons que Gianni aurait besoin d'un cadre plus structuré. Ici, nous ne pouvons plus répondre à ses besoins spécifiques. Il a fait des progrès, mais ses difficultés sont encore trop présentes. Nous avons pris contact avec un centre spécialisé à Biguglia, qui pourrait lui convenir. C'est un peu loin, mais le centre propose une possibilité d'internat dès le plus jeune âge, les enfants sont très bien entourés.

Je reste silencieuse. Mon cœur bat à tout rompre, et je me sens vide. Monsieur Santini me tend une brochure, mais je la prends sans la regarder, mes mains tremblantes.

Le silence pèse lourd dans la maison après la réunion avec l'école. Je dépose la brochure du centre spécialisé sur la table de la cuisine, mes mains tremblant de frustration. J'ai à peine la force de monter vérifier si Gianni dort paisiblement dans son lit. La réunion m'a laissée vidée, comme si le monde entier reposait sur mes épaules.

L'écho du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant