Chapitre 27 - Jenifer

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La soirée est douce, et la lumière du début de nuit s'étend lentement à travers les fenêtres de la maison. Je termine de ranger la cuisine, jetant un coup d'œil vers Arnaud. Il est assis sur le canapé, son corps appuyé contre les coussins, l'air encore épuisé. Il fait des efforts chaque jour pour rester actif, pour essayer de retrouver la forme, mais la convalescence est longue et pénible pour lui. Ce n'est pas facile à accepter pour quelqu'un qui a toujours été si fort.

Je l'observe un moment, mes mains toujours mouillées d'eau savonneuse, avant de finalement m'approcher de lui. Il essaie maladroitement de masser son épaule droite, celle qui lui cause le plus de douleur depuis l'accident. En silence, je m'assois à côté de lui sur le canapé et, sans dire un mot, je prends délicatement son bras pour l'aider à masser l'endroit qui le fait souffrir. Je sens la tension dans ses muscles, la fatigue accumulée, et je commence à faire des mouvements lents et précis pour essayer de le soulager.

- Ça va ? je demande, bien que je connaisse déjà la réponse.

Il soupire, un mélange de soulagement et de frustration palpable.

- Oui... ça tire un peu encore, mais ça ira, je suppose.

Sa voix est basse, presque désinvolte, mais je vois bien qu'il en a marre de se sentir si faible. Mon regard s'attarde sur lui un instant, et je ressens cette douleur sourde dans la poitrine, celle qui me frappe à chaque fois que je le vois dans cet état. Il a toujours été fort, robuste, l'image même de l'assurance et de la stabilité. Et maintenant... Je continue de masser son épaule, essayant d'effacer la douleur, ne serait-ce qu'un peu.

- Tu devrais te reposer plus, tu sais, dis-je doucement, comme une suggestion plutôt qu'un ordre.

Il ouvre lentement les yeux et me regarde, un petit sourire fatigué étirant ses lèvres.

- Je me repose déjà trop, Jen, murmure-t-il en soupirant. J'en ai marre de rester là, sans rien faire. Je déteste cette faiblesse. Puis je dois retourner au restaurant.

Je m'arrête un instant, le regardant plus attentivement. Je sais combien c'est difficile pour lui d'admettre qu'il se sent impuissant, diminué. Et moi, je continue de prendre soin de lui, comme je le fais tous les jours depuis son retour à la maison. Cette routine que j'ai mise en place autour de lui, presque par automatisme, me semble être tout ce qui me tient encore debout. Mais au fond, je sais que je ne pourrai pas maintenir cet équilibre fragile indéfiniment. Pas sans faire de compromis.

Mes pensées sont interrompues par la vibration de mon téléphone sur la table basse. Le bruit me fait sursauter légèrement, et je tends la main pour voir qui appelle. Thierry. Rien qu'à voir son nom s'afficher sur l'écran, une boule d'anxiété monte dans ma gorge. Thierry est mon manager, mais aussi un ami. Du moins, il l'était avant que tout devienne si compliqué. Ces dernières semaines, nos discussions sont devenues de plus en plus tendues, et je sais très bien pourquoi il appelle. Il veut des réponses. Il veut que je reprenne ma carrière en main.

Je me lève doucement du canapé, lançant un regard rapide à Arnaud qui me suit des yeux, avant de décrocher.

- Jen, commence-t-il sans perdre une seconde. Ça fait combien de temps que je te laisse tranquille ? Combien de temps tu crois que tu peux continuer comme ça sans que tout s'effondre autour de toi ?

Je ferme les yeux, le téléphone pressé contre mon oreille, me mordant l'intérieur de la joue pour ne pas répondre trop vite. Il est direct, comme toujours. C'est ce qui fait de lui un bon manager, mais parfois, ça rend les choses encore plus difficiles.

- Thierry, je...

- Non, attends, coupe-t-il, sa voix devenant plus dure. Tu réalises ce que tu es en train de faire ? Ta carrière, Jen. Elle est sur le point de s'écrouler. Tu crois vraiment que tu peux encore te permettre de disparaître comme ça ? Les gens t'oublient. Le monde de la musique ne va pas attendre que tu sois prête à revenir.

Je me recule un peu dans le salon, trouvant un coin à l'écart. La voix de Thierry résonne comme un coup de poing, chaque mot me frappant un peu plus fort. Je me mets à jouer nerveusement avec une mèche de cheveux, cherchant mes mots. Mais il ne me laisse même pas le temps de répondre.

- C'est fini le temps de la pause. Tu as pris assez de temps, Jen. Il faut que tu retournes sur scène. Les fans posent des questions, les labels commencent à douter. Et c'est quoi l'excuse maintenant ? Arnaud est de retour, il va mieux, non ? Tu dois penser à toi, à ta carrière. Sinon, tout ça sera pour rien. Tous ces sacrifices, tout ce travail, tu vas tout perdre si tu ne bouges pas.

Je sens une boule de panique grossir dans ma poitrine. Mes doigts tremblent légèrement en tenant le téléphone. Thierry a toujours été dur, mais jamais à ce point. Pourtant, je sais qu'il a raison. Ça fait des mois que j'ai repoussé projets après projets, que je me cache derrière cette pause forcée. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.

- Tes enfants sont grands maintenant, continue-t-il, sa voix tranchante. Ils n'ont plus besoin de toi tout le temps, Jen. Et Arnaud, tu crois qu'il veut te voir sacrifier ta carrière pour lui ? Regarde autour de toi. Tu es en train de tout perdre, et tu le sais.

Mes yeux commencent à se remplir de larmes, et je les essuie rapidement d'un revers de main. Thierry est dur, mais il tient à moi, je le sais. Mais en cet instant, tout me paraît trop lourd à supporter. Je sens mes genoux trembler légèrement sous la pression de ses mots. Pourquoi est-ce que c'est toujours moi qui dois tout concilier, tout porter ?

- Je... je sais, Thierry, murmuré-je d'une voix brisée. Mais c'est pas si simple, je...

- Rien n'est simple, Jen. Je suis ton ami, je t'adore, mais je dois te secouer un peu. Tu n'as plus le luxe d'attendre. Si tu ne fais rien maintenant, tout s'écroulera. Regarde la réalité en face.

Je ne réponds rien. Les larmes coulent silencieusement sur mes joues maintenant, et je me sens minuscule sous le poids de ses paroles. Pourquoi est-ce que tout doit être si brutal ? Pourquoi dois-je choisir entre ma famille et ma carrière ?

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Voici le vingt-septième chapitre ! Vous aurez le prochain demain.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires ! À demain !

:)

L'écho du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant