L'écho du silence

Chapitre 38 - Jenifer

La porte du restaurant se referme derrière moi et, presque instinctivement, mon regard balaie la salle jusqu'à ce que je le voie. Arnaud est là, en cuisine, les mains plongées dans un saladier, visiblement absorbé par sa tâche. Il relève la tête et, en me voyant, un sourire léger traverse son visage. L'espace d'un instant, il semble hésiter, puis il dépose ce qu'il tient, essuie ses mains sur un torchon et s'avance pour m'accueillir.

     - Merci d'être venue, me dit-il, un sourire en coin. Je pensais que tu allais m'envoyer balader.

Je hausse les épaules avec un sourire en retour, prenant le ton léger. Après tout, entre nous, rien n'a jamais été vraiment simple, et cette soirée, malgré tout, résonne d'une familiarité particulière.

     - J'ai failli, lui dis-je en plaisantant, mais je n'allais quand même pas te laisser cuisiner pour rien.

Il rit doucement, et nous nous dirigeons vers une petite table au fond du restaurant, à l'écart des autres, comme si, ici aussi, un certain respect de notre intimité s'imposait. Lucca et Nina sont restés à la maison pour garder Gianni, ce qui n'était pas une mince affaire pour eux, mais ils étaient ravis de se sentir impliqués. Et nous, on avait besoin de ce moment, rien que nous deux.

Le repas se déroule dans une légèreté surprenante, comme si les rires, les petites piques et les souvenirs s'installaient d'eux-mêmes entre chaque plat. Il y a toujours eu une alchimie entre nous, même après tout ce qui s'est passé, une complicité qui semble parfois plus forte que tout. Arnaud m'écoute, il parle, on se regarde sans dire un mot, et dans ses yeux, je sens cet éclat qui n'a jamais vraiment disparu.

À la fin du repas, il se lève et me propose d'aller prendre l'air dehors, derrière le restaurant. La nuit est douce, et l'odeur de la mer, mêlée à celle des herbes sauvages, emplit l'air. Je sors une cigarette de mon sac, allume, et prends une longue bouffée, essayant de tempérer l'effervescence qui grandit en moi. Arnaud, qui ne fume presque jamais, me regarde et, après un petit silence, dit d'un ton espiègle :

     - Tu veux bien m'en laisser une taffe ?

Je me tourne vers lui, surprise, et ne manque pas de le taquiner :

     - Toi ? Tu tiens même pas la moitié d'une cigarette sans te mettre à tousser.

Il sourit, un peu défiant, et tend la main vers moi. Je lui tends la cigarette, amusée, et le regarde aspirer lentement, son regard fixé dans le mien. Puis, dans un geste presque instinctif, je lève un sourcil et laisse échapper un rire discret.

     - Bon, tu veux me prouver quoi exactement ? Que t'as changé ? Parce que là, franchement, tu fais pas très crédible...

Il s'avance d'un pas, un sourire effleurant ses lèvres. Puis, avant même que je comprenne ce qui se passe, il est là, tout près, ses mains sur mes épaules. Mon cœur s'emballe, et j'ai du mal à soutenir son regard. Je sens ses doigts qui glissent lentement le long de mes bras, et mon souffle se fait plus court. Sans réfléchir, j'approche mon visage, et avant que l'un de nous n'hésite, il me prend par la taille et me rapproche de lui.

Je passe mes bras autour de son cou, la cigarette toujours entre mes doigts. Il laisse échapper un rire silencieux, surpris de me voir jouer ainsi. Nos regards se croisent, et tout à coup, je n'ai plus envie de retenir quoi que ce soit. Nos lèvres se rencontrent, d'abord timidement, puis plus intensément. Ce baiser, c'est comme revenir à la maison, retrouver ce qu'on pensait perdu. Mon cœur bat la chamade, et pendant quelques instants, il n'y a plus que lui, plus que nous, dans cette bulle à l'écart de tout le reste.

     - Arnaud... murmuré-je, à bout de souffle, tout en resserrant mes bras autour de son cou.

Il caresse mon visage, laisse ses mains glisser sur mes épaules, et dans son regard, je lis cette même émotion, cette tendresse qu'il a toujours pour moi. Il reste quelques secondes, son front contre le mien, avant de parler à voix basse.