Chapitre 14 - Arnaud

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Ce samedi matin, je me lève avec une mauvaise humeur tenace. La nuit est courte, mes pensées tourbillonnent autour de tout ce qui ne va pas dans ma vie. Je suis fatigué, agacé par l'idée d'une sortie en bateau, alors que je sais très bien que Gianni a encore du mal à s'adapter. L'air frais du matin ne semble pas apaiser mes pensées sombres. L'idée de passer la journée sur l'eau avec mon fils, qui s'enferme de plus en plus dans son silence, ne me réjouit pas. Je me force à sourire lorsque je descends et vois Jen, pleine d'énergie, parlant avec enthousiasme de notre escapade. Mais au fond, je me sens comme un étranger, de plus en plus éloigné de la réalité qui m'entoure.

Jen décide qu'une sortie en bateau est une bonne idée. "L'air marin va faire du bien à Gianni," déclare-t-elle, pleine d'espoir. Mais moi, j'ai un mauvais pressentiment. Après un mois au centre, Gianni devient une ombre, une présence distante. L'idée de le voir s'amuser au bord de l'eau me semble presque irréelle, tant il a l'air de s'enfermer dans son propre monde.

Dans la voiture, l'ambiance est tendue. Nina est assise à l'arrière avec Lucca, essayant de garder l'atmosphère légère. "On va voir des dauphins !" dit-elle, son enthousiasme débordant. Mais Gianni, à côté d'elle, regarde par la fenêtre, les bras croisés, l'air figé. Je me pince les lèvres, scrutant le visage de mon fils. Chaque sourire que Nina ou Lucca lui offre ne semble pas l'atteindre.

Arrivés au port, Jen prend les devants, s'assurant que tout est prêt pour l'embarcation. Je peux voir son anxiété se mêler à son espoir. Elle espère que cette journée sera un tournant, mais je n'arrive pas à partager cet optimisme. Je me sens frustré, piégé entre le désir de soutenir ma femme et l'inquiétude pour Gianni.

     - Nini, viens, on y va ! crie Jen en gesticulant, excitée.

Il ne bouge pas. Son silence pesant m'irrite. Je me force à sourire, mais la déception m'étreint.Une fois sur le bateau, je prends place à l'arrière, tandis que Jen tente d'expliquer les bases de la navigation à Gianni. Elle parle avec une douceur que je ne parviens pas à égaler. Mais il reste immobile, fixant l'horizon, comme s'il est perdu dans ses pensées.

Lucca, assis à côté de moi, me lance un regard inquiet.

     - Il va encore moins bien qu'avant, murmure-t-il, sa voix trahissant son inquiétude.

Je hoche la tête, mais cela ne fait qu'augmenter ma frustration.

     - Gianni, regarde les vagues, c'est magnifique, non ? tente-je, avec un ton que j'espère engageant.

Il tourne lentement la tête vers moi, ses yeux éteints. Un frisson de colère sourde monte en moi. Je veux désespérément qu'il s'intéresse à quelque chose, qu'il se connecte à nous, mais il reste là, l'air vide.

     - Pourquoi tu fais l'idiot ? Pourquoi tu ne parles pas ? Je ne comprends pas ! commence-je, la voix serrée. C'est comme si chaque mot est une flèche lancée contre lui.

À cet instant, il se lève brusquement, un cri inarticulé s'échappant de sa bouche. Ce ne sont pas des mots, juste un cri primal, de désespoir. Ses bras se mettent à frapper le bord du bateau avec une force déconcertante, comme s'il veut exprimer toute la colère et la frustration qu'il a accumulées.

Une vague de frustration m'envahit. Pourquoi ne peut-il pas simplement être heureux ? Je me lève, allant vers lui, mes mains tremblantes d'impuissance.

     - Gianni, ça suffit ! Tu dois te calmer ! hurle-je, sans vraiment penser à mes paroles.Mais au lieu de se calmer, il se met à se débattre de plus belle, ses yeux brillants de larmes et de fureur. Je me sens acculé. J'attrape son bras, un peu plus fermement que je ne l'ai voulu, et le tire vers moi.

     - Écoute-moi Gianni ! crie-je dans un accès de colère. Je n'ai pas le temps pour ça !

Le silence qui suit est assourdissant. Gianni, stupéfait, recule d'un pas, sa petite main se plaçant instinctivement sur sa joue. Ses yeux, qui sont pleins de confusion, se remplissent bientôt de larmes. Dans un mouvement de désespoir, il se laisse tomber au sol, son petit corps secoué par des pleurs déchirants.

     - Arnaud ! s'écrit Jen, horrifiée, se précipitant vers nous.

Je sens mon cœur se briser alors qu'elle tente d'atteindre notre fils. Il se recroqueville, il ne bouge plus. Il pleure et crie, ses cris me déchirent l'âme.

     - Qu'est-ce que tu as fait ?! crie Jen, sa voix vibrante de colère et d'incompréhension.

Je ne sais pas quoi dire. J'ai perdu le contrôle. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine, et la honte m'envahit. Je me sens comme un étranger dans ma propre famille.

     - Ce n'était pas... ce n'était pas pour te faire de mal ! Il faut faire attention sur un bateau, tente-je, la voix brisée, mais je sais que c'est une excuse dérisoire.

Gianni continue à pleurer, sa détresse palpable. Nina, les yeux écarquillés, regarde la scène, tremblante. Lucca serre les poings, son regard noir me foudroie.

     - Tu n'as pas le droit de faire ça ! s'écrit-il, la colère montant en lui.

Je sais qu'il a raison, mais je me sens coincé. Je veux seulement que mon fils revienne à moi, mais chaque tentative ne fait que le renfermer un peu plus.

     - Pourquoi tu ne veux pas parler ? répète-je, ma voix brisée par la frustration. Pourquoi tu ne veux pas nous écouter ?

Gianni se contente de pleurer, ses cris se transformant en gémissements. Chaque son qu'il produit me déchire le cœur. Je sais que je viens de franchir une ligne, mais je ne sais pas comment revenir en arrière.

Jen s'agenouille près de lui, la main tendue.

     - Chaton... viens ici, je suis là, murmure-t-elle, mais il ne la regarde pas.

Il est enfermé dans sa bulle, refusant de la laisser entrer. Je ressens une colère sourde et un profond chagrin. Je ne sais plus quoi faire.

     - Peut-être qu'on devrait rentrer, dit Lucca d'une voix morne, son regard toujours fixé sur son frère.

Non, je ne veux pas cela. Je veux que Gianni s'ouvre, qu'il nous voie. Je veux le prendre dans mes bras et lui dire que tout ira bien, mais ma colère m'empêche de voir clairement.

Dans le tumulte des émotions, je réalise que je ne fais qu'aggraver la situation.

     - Je suis désolé mon grand..., chuchote-je, mais ma voix se perd dans le bruit des vagues.

Les larmes de Gianni coulent toujours, et sa douleur me transperce. Je sais que j'ai tout gâché, que j'ai échoué en tant que père. Le bateau tangue doucement, comme s'il ressentait la tempête qui fait rage à l'intérieur de moi.

Alors que je reste là, figé dans ma honte, je comprends qu'il nous faudra un miracle pour rétablir ce "petit lien" que j'ai brisé. Une voix dans mon esprit me dit que je dois être fort, que je dois changer. Mais comment ? Je n'ai pas les réponses.

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Voici le quatorzième chapitre ! Vous aurez le prochain demain.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires ! À demain !

:)

L'écho du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant