Le silence m'entoure. Un silence épais, lourd, comme un brouillard dense qui m'enveloppe. Je ne sais pas où je suis, ni comment je suis arrivé ici. Tout est flou. Il y a des sons, des voix, mais elles semblent lointaines, étouffées comme si elles venaient d'un autre monde. Un monde dont je suis coupé.
Puis, lentement, une voix perce ce voile. Douce, familière. Jen.
« Arnaud... je ne sais pas si tu m'entends, mais je suis là. »
C'est elle. Mon cœur bat plus fort. Je veux lui répondre, lui dire que je suis là aussi, que je l'entends. Mais rien ne sort. Mes lèvres restent immobiles. Je suis enfermé dans ce corps qui ne bouge pas, mais je l'entends. J'entends Jen. Mon esprit est comme une bulle flottant au-dessus de moi, séparée de tout, mais consciente.
Il y a une autre présence. Quelque chose de plus silencieux, plus subtil. Gianni. Je le sens, même si je ne le vois pas. Je reconnais sa manière d'être, cette façon qu'il a de se tenir là, près de Jen, sans bouger. Il doit être assis sur une chaise, observant tout avec ses grands yeux qui prennent tout en eux sans un mot.
« Tu sais, Gianni a été très courageux, » continue Jen, sa voix brisée par l'émotion. « Il vient te voir presque tous les jours. Il te regarde, il attend. »
Je peux presque la voir, assise là, à côté de mon lit, tenant probablement la main de Gianni. Je veux bouger, ouvrir les yeux, serrer sa main en retour. Mais rien. Tout reste figé.
Les jours sont passés sans que je puisse les compter. Des jours à flotter dans ce néant, avec parfois des éclats de conscience, des morceaux de voix qui percent le voile. Mais c'est différent maintenant. Sa voix est plus claire. Je la sens plus proche.
Jen pleure. Je le sais, même si elle essaie de ne pas le montrer. Elle pleure souvent, je crois, mais elle essaie de rester forte pour Gianni. Je voudrais lui dire de ne pas s'inquiéter, de tenir bon, que je vais revenir. Mais comment ? Comment traverser ce mur de silence ?
« Il a parlé de toi il y a quelques jours, Arnaud. Pour la première fois depuis... longtemps. Il a dit "papa". » Sa voix tremble, comme si elle s'accrochait à ce mot.
Je voudrais sourire. Je l'entends dire "papa" dans ma tête. Je l'imagine, avec ses gestes précis, son monde à lui, si parfait, si différent du nôtre. Je suis fier de lui, tellement fier. Même dans ce silence, je peux le sentir, ma fierté, mon amour pour lui. Est-ce que tu le sais, Gianni ? Est-ce que tu sais à quel point je t'aime ?
Un autre son traverse le brouillard. Le bruit d'une voiture en plastique qui roule sur le sol. Gianni doit jouer avec une de ses voitures préférées. J'entends Jen lui murmurer doucement, sans doute pour l'encourager. Elle fait tout pour qu'il se sente à l'aise ici, dans cet environnement froid, cet hôpital.
« Il a du mal à comprendre pourquoi tu n'es pas encore rentré. Il pense que tu vas bientôt revenir à la maison. »
Je le veux aussi. Je veux revenir. Je veux retrouver notre maison, sentir l'odeur du café le matin, entendre les rires de Lucca et les silences de Gianni qui en disent tellement. Je veux être là avec eux, avec toi, Jen. Mais je suis prisonnier. Prisonnier de ce corps qui refuse de m'obéir.
J'entends des bruits de pas, peut-être une infirmière qui entre dans la chambre. Elle parle doucement à Jen, lui demandant si tout va bien. Tout va bien. Tout ira bien. Je veux croire que tout ira bien, même si je suis là, enfermé dans cette obscurité qui m'oppresse.
« On va s'en sortir, Arnaud, » chuchote Jen, comme si elle s'adressait à elle-même autant qu'à moi. « Je ne te laisserai pas. Pas maintenant. »
Je sens sa détermination. Je sais qu'elle ne me lâchera pas, qu'elle restera là, jour après jour, jusqu'à ce que je trouve la force de revenir complètement. Il y a une telle force en elle, même si je sais qu'elle est épuisée.
« Gianni... viens, approche un peu plus. »
Je sens le mouvement de Gianni, lent, précautionneux. Peut-être qu'il se rapproche du lit, peut-être qu'il regarde mon visage pour essayer de comprendre ce qu'il ne peut pas dire avec des mots. Je l'imagine debout, près de Jen, ses doigts caressant peut-être ma main.
Je sens quelque chose. Un frôlement. Est-ce sa main ? Est-ce que c'est lui qui me touche ? Ce contact, si léger, si fragile, semble traverser le brouillard épais qui m'entoure. Mon cœur se serre. Je veux répondre. Je veux bouger. Juste un geste. Un simple geste pour qu'il sache que je suis là. Que je l'entends. Que je suis avec lui.
Un effort. Juste un petit mouvement.
Ma main.
Je me concentre. Je rassemble chaque fragment de moi-même, chaque parcelle de volonté. C'est presque insupportable, cette lutte contre mon propre corps, contre cette paralysie qui me tient en otage. Mais je dois le faire. Pour Jen. Pour Gianni. Pour Lucca. Pour Nina. Pour moi.
Je pousse. J'essaie.
Et puis, il y a un infime mouvement. Ma main tremble. C'est presque imperceptible, mais je sens que quelque chose a bougé. Une chaleur envahit ma poitrine. Est-ce que Jen l'a vu ? Est-ce que Gianni l'a senti ?
« Arnaud... » souffle Jen. Sa voix change, elle est pleine d'espoir maintenant. « Arnaud, tu m'entends ? »
Je veux hurler que oui, que je suis là, que je suis avec elle. Mais je n'y arrive pas. Pourtant, je sens une connexion. Un lien qui se renforce, qui devient plus réel. J'essaie de bouger mes doigts encore une fois, et cette fois, ils répondent.
« Oh mon Dieu... Arnaud, tu es là. Tu es là ! » Sa voix est pleine de larmes, mais des larmes de joie cette fois.
Je sens sa main prendre la mienne, la serrer doucement, comme si elle avait peur de me casser. Gianni reste immobile, mais je sais qu'il est là, qu'il observe. Peut-être qu'il ne comprend pas ce qui se passe, mais il sent que quelque chose a changé.
Je rassemble le peu de force qu'il me reste. Je veux ouvrir les yeux. Je dois ouvrir les yeux. Le poids sur mes paupières est immense, mais je sens que je peux le faire. Je pousse encore, luttant contre la fatigue, contre la douleur sourde qui bat dans mon corps.
Et puis, doucement, une lumière traverse les ténèbres. Un éclat, fragile, mais réel. Je sens mes paupières se soulever, juste un peu, assez pour que la lumière filtre.
La chambre d'hôpital est floue, mais je la vois. Jen est là, penchée sur moi, ses yeux pleins de larmes et d'amour. Gianni est à côté d'elle, silencieux, mais je sais qu'il me regarde avec son regard si intense.
Je prends une respiration profonde, la première depuis ce qui me semble être une éternité. Mon cœur bat plus fort. Je suis revenu.
- Jen... murmuré-je, ma voix rauque, à peine un souffle.
Elle pleure, mais elle sourit. Un sourire plein de vie, plein d'espoir.
Je suis revenu.
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Voici le vingt-deuxième chapitre ! Vous aurez le dernier de la journée d'ici quelques minutes !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez dans les commentaires !
:)
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L'écho du silence
FanfictionJenifer, chanteuse à succès, et Arnaud, chef cuisinier, mènent une vie bien remplie avec leurs trois enfants : Lucca, Nina, et Gianni, leur plus jeune fils de 4 ans atteint d'autisme. Dans cette famille recomposée, chacun tente de trouver sa place f...