« Cruelle est la lutte des frères. » - Aristote.
*****
C'était la première fois depuis mon opération que je laissais quelqu'un d'autre que mon frère me venir en aide, et étrangement, ça ne m'avait pas dérangé. Tout du moins, pas beaucoup. Bien moins que ce que je m'étais imaginé ! Et puis, c'était Emmy. Quelque chose chez elle me disait qu'elle n'agissait pas du tout par pitié, c'était la seule et unique raison pour laquelle j'avais capitulé.
La correction de ce devoir d'anglais avait été très rapide grâce à elle et mon frère nous avait vu ensemble, en train de rire et de discuter tranquillement sur mon canapé. Je l'avais entendu sourire quand il m'avait adressé la parole, ce qui me menait à penser que j'allais avoir droit à une énième discussion à propos de cette charmante demoiselle.
A table depuis maintenant plusieurs minutes, j'écoutais Andrew et Emmy discuter et faire connaissance. Toutes les questions qu'il lui posait, j'en connaissais déjà la réponse et je devais me retenir de répondre à sa place. J'avais envie de le faire, seulement pour clouer le bec de mon frère, mais ce serait aller à l'encontre de mes principes de maturité. Je ne voulais pas agir aussi puérilement que lui. Toutefois, une fois qu'il eut appris tout ce qu'il fallait sur les cours que suivait Emmy, je décidai d'entrer dans la conversation en lançant un tout autre sujet.
- Tu sais Emmy, tu n'étais pas obligé de subir le repas de mon frère. On aurait dû commander une pizza, rigolai-je.
- Je ne te permet pas ! intervint Andrew. Je cuisine très bien, n'est-ce pas ?
Je supposai qu'il ne s'adressait plus à moi puisque Emmy répondit.
- Ne t'en fais, c'est très bon, certifia-t-elle en appuyant ses mots d'un sourire.
- Tu peux dire la vérité, il ne t'en voudra pas !
- Arrête ! Elle a dit que c'était bon, protesta mon frère.
- Ta cuisine est médiocre comparée à la sienne, alors je peux te dire qu'elle dit ça seulement pour te faire plaisir, plaisantai-je.
Le rire d'Emmy raisonna faiblement jusqu'à mes oreilles et mon frère mit quelques secondes avant de réagir.
- Tu as déjà gouté à sa cuisine ? s'étonna-t-il.
Oups. Je ne lui avais pas fait part de ce petit détail...
- Ouais. Le week-end dernier elle m'a invité à manger.
- Et je suis au courant que maintenant ? s'exclama Andrew indigné.
- Estime-toi heureux d'être au courant.
Je lui fis le sourire le plus hypocrite dont j'étais capable et cherchai à tâtons la bouteille d'eau. J'étais pourtant certain de l'avoir laissée à ma gauche tout à l'heure...
Je cherchai à ma droite et tout ce que je rencontrai fut la main d'Emmy. Douce et plus petite que la mienne, elle n'avait pas esquissé le moindre mouvement pour se dégager. Ce que j'avais, bien entendu, remarqué. Je ne l'ai effleurée seulement l'espace d'une seconde ou deux et me suis immédiatement excusé, avant de repartir à la recherche de ma bouteille. Après quelques secondes supplémentaires, je compris ce qu'il se passait.
- C'est très drôle Andrew... Je peux avoir à boire maintenant que tu t'es bien amusé ?
- Je ne vois pas de quoi tu parles, rétorqua-t-il la bouche pleine.
Je me levai en soupirant pour aller jusqu'à l'évier, mon verre à la main.
- Tu m'as déjà fait ce coup une bonne dizaine de fois. Tu crois que tu te lasseras un jour ?
VOUS LISEZ
Avant de te voir
Romance« Les choses profondes sont toujours préparées et enveloppées par une certaine obscurité : les étoiles n'apparaissent que dans la nuit. » - Gustave Thibon, L'échelle de Jacob. *** « Je voulais la voir. De plus en plus. Plus les jours passaient, plus...