« Aucun homme ne peut-être heureux s'il n'a pas d'illusions. Les illusions sont aussi nécessaires à notre bonheur que les réalités. » - Christian Nestell Bovee
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Trois jours. Trois jours durant lesquels je devenais de plus en plus stupide à chaque heure de la journée. Trois jours depuis le moment où elle m'avait avouer ce que j'avais voulu entendre, et comme un con, je n'avais rien trouvé à dire. Ou faire.
Je n'aurais pas eut ces lunettes noires sur le nez, ses pansements collés sur mes paupières m'empêchant de voir quoique ce soit, j'aurais embrassé Emmy, et je ne l'aurais lâchée seulement pour que l'air emplisse mes poumons.
Je ne lui aurais rien dit du tout, je n'en aurais pas eut le temps.
Je lui aurais montré que moi aussi, j'avais envie de l'embrasser et que je n'étais pas certain de pouvoir me retenir, pour reprendre ces propres termes qui me convenaient tout à fait. Que j'en mourrais d'envie depuis le début. Que je la désirais même si mes yeux étaient défectueux. Que j'avais cette attirance tellement puissante pour elle que j'acceptais n'importe qu'elle aide de sa part, juste pour sentir l'odeur de vanille qui me permettait de l'identifier et qui me plaisait tant.
Mais je n'avais rien fait de tout cela, non. Ma bouche avait tout bonnement refusé de s'ouvrir, pendant que mes pieds s'étaient ancrés dans le carrelage de ma cuisine. Là où elle m'avait planté après le silence qui avait suivi ces paroles.
- Je suis vraiment trop con... marmonnai-je.
- Depuis le temps que je te le dis ! s'exclama mon frère sur le tapis de course voisin du mien.
- Oh ça va.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu es bien grognon ce soir, se moqua-t-il délibérément.
- Je ne suis pas grognon, comme tu dis.
- C'est à cause d'Emmy ?
Si tu savais...
Je n'avais rien dit de tout cela à Andrew. Je ne voulais pas entendre son rire résonner dans mes oreilles jusqu'à la fin de mes jours, à cause de ce que je n'avais pas fait. Parce qu'il l'aurais fait, c'était certain. Et il aurait toutes les raisons du monde de la faire ! Moi-même je ne faisais que m'auto-flageller.
- Vous vous êtes prit la tête ? insista-t-il.
Au contraire, c'était le silence radio depuis soixante-douze heures. Elle ne m'avait pas appelé et moi non plus. Qu'aurais-je bien pu lui dire ?
De son côté, si elle ne m'avait toujours pas téléphoné, c'était probablement parce que j'en avais foutu un sacré coup à sa fierté. J'avais dû la vexer de n'avoir rien répondu, et elle ne voyait donc plus l'intérêt de me contacter. J'aurais dû dire quelque chose, n'importe quoi pour ne pas devoir faire face à un silence horriblement pesant et déplaisant.
J'aurais aussi aimé pouvoir lire dans sa tête, mais déjà que je ne pouvais rien percevoir dans ses yeux, c'était compliqué. J'étais compliqué.
- Chris je te parle ! s'écria mon frère comme si j'étais à cinq cent mètres de lui.
- Et je t'entends.
- Alors réponds-moi. Qu'est-ce qu'il se passe ?
J'étais compliqué, voilà ce qu'il se passait. Ce handicap - parce qu'il l'était plus que jamais aujourd'hui - me freinait à un point auquel je ne m'étais jamais attendu. Il me freinait parce que c'était à cause de ça que je n'avais rien fait. Non pas que je voulais voir Emmy avant, mais parce que je ne comprenais pas son intérêt pour ma personne. Pourquoi une fille voulait d'un mec qui ne pouvait pas la voir ? Ce n'était pas logique. Même si je lui avais dit que ce n'était pas irréversible, je l'avais aussi prévenue que je ne savais pas quand je pourrai revoir la lumière du jour.
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Avant de te voir
Romance« Les choses profondes sont toujours préparées et enveloppées par une certaine obscurité : les étoiles n'apparaissent que dans la nuit. » - Gustave Thibon, L'échelle de Jacob. *** « Je voulais la voir. De plus en plus. Plus les jours passaient, plus...