Chapitre 30

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Je m'assois sur mon lit en contemplant les deux valises qui ont été préparés par quelqu'un d'autre. A cause de l'incendie, je repars moins chargé que je ne suis arrivé et je pense que la moitié des vêtements présents dans cette valise ne me vont plus. Un sentiment d'excitation me parcourt, dans moins d'une heure je vais enfin pouvoir quitter cet endroit. Je baille bruyamment en me laissant totalement tomber. Il reste encore un tout petit problème à régler et celui-là je ne pourrais y échapper. Je me relève et marche en toute discrétion vers la porte que j'ouvre brusquement. Olivier est là sur le pas de la porte, le bras levé près à taper sans que sa main ne rencontre le bois. Je ne sais depuis combien de temps il est dans cette position mais ce qui est certain c'est que ça fait plus d'un quart d'heure qu'il se trouve devant ma porte. Ses yeux s'écarquillent de surprise en me voyant. « Andreas... tu... » Je l'ignore et retourne dans la chambre sans un mot. « Entre » dis-je en voyant qu'il n'ose me suivre. Ce type ne sait vraiment pas ce qu'il veut et ça a le don de m'énerver.

-Ah... Andreas, je voulais te... Tu dois vraiment partir, me demande-t-il avec une assurance qui me surprend.

-Oncle Frederik le veut alors oui. Et puis je n'ai aucune raison de rester.

-Tu... tu vas vraiment me manquer, je voudrais tellement que tu puisses rester avec moi.

Je baisse la tête, si j'avais pu je serai parti dès la mort de Gildas.

-Les filles, commence-t-il ce qui me fait relever la tête, elles reviennent demain, tu vas les rater de peu.

-Elles reviennent ?

-Oui elles voulaient te revoir.

-On ne s'est pas quitté en très bon terme pourtant. Je les ai virées, dis-je d'une voix un peu piteuse. Tu pourras leur dire que j'ai été terriblement méchante et que j'ai vraiment apprécié leur compagnie. J'aimerai qu'elles travaillent dans un endroit un peu moins dangereux.

-Ce n'est pas dangereux ici. Elles ne risquent rien.

-Elles sont vraiment très gentilles. Tu pourras prendre soin d'elle ?

-Mais oui, évidemment ! Mais je ne suis pas venu ici pour parler de ces humaines. Tu te souviens de ma proposition... tu n'es plus marié maintenant.

Je le regarde sans trop comprendre. Quel rapport sa proposition a-t-elle avec le fait que je sois veuf, enfin veuve ? Il sort de sa veste une feuille pliée en quatre qu'il déplie soigneusement. Il la regarde avec un soupir avant de me la tendre. J'hésite un peu avant d'attraper la feuille ornée de filigranes dorés représentants des figures géométriques dans les coins. Cela ressemble à une lettre écrite à la main. L'écriture est si vilaine, bien plus horrible que la mienne, j'arrive à peine à lire ce qui y est inscrit mais la signature m'est familière. « J'ai trouvé ça en rangeant le bureau de feu maître Gildas » dit Olivier me forçant à lever le nez de la feuille. Alors c'est sa signature que j'ai reconnue. « C'est son testament et il me lègue quelques petits trucs » Je lève une fois de plus le nez du testament retenant ma surprise, avant d'y replonger cherchant frénétiquement le nom d'Olivier que je retrouve. Olivier Peter Smith. Alors c'est ça son nom, je n'ai pas le temps de déchiffrer ce qui lui est légué qu'Olivier me reprend la feuille des mains. « Olivier Peter Smith c'est moi. Smith est le nom de famille de ma mère. Mais il n'y a pas qu'à moi qui lègue un petit territoire, Magdalena, elle, a vraiment beaucoup... beaucoup de... » Il déchire sans prévenir la feuille en deux. Dans un moment de surprise je l'arrête mais il me repousse. Son visage ne trahi absolument aucune expression. Il recommence son geste jusqu'à ce qu'il ne reste que des confettis sur le sol. « Je crois que ton oncle n'apprécierait pas s'il trouvait ce document, annonce-t-il avec un sourire timide. Je t'aime, Andreas, je t'aime comme un fou et je ferai tout pour toi ! » L'amour rend égoïste, c'est le genre de phrase cliché que me dirait Rachern pour expliquer le comportement d'Olivier. Il m'aime et considère sans même me demander mon avis que cet amour est réciproque. C'est tellement égoïste. Il me regarde droit dans les yeux sans vaciller, s'imaginant mes pensées en y mettant uniquement ce qu'il veut croire. Lorsqu'il s'approche un peu plus de moi, je ne recule pas. Lorsqu'il passe sa main derrière ma taille, je ne bronche pas. Pourquoi ? Peut-être par curiosité, même si je sais très bien ce qu'il s'apprête à faire. Je ne suis donc pas surpris quand ses lèvres rencontrent les miennes. Je ne ressens rien, strictement rien, ni de la peur, ni de l'animosité, ni même de la joie et encore moins l'excitation dont me parlait Rachern. Il m'enlace ensuite, je reste immobile, je n'ai pas envie de le serrer dans mes bras, même si la chaleur de son corps me réconforte. Olivier est quelqu'un de gentil, je devrais apprécier ce moment. Il m'offre son amour alors ne devrais-je pas éprouver un minimum de joie ? Et puis une question stupide me vient à l'esprit, j'essaie de la refouler mais elle me revient tout de même à l'esprit. Je finis par la poser : « Olivier, qu'est-ce que tu penses des hybrides ? » Il s'éloigne de moi pour me regarder dans les yeux.

Avant l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant