Chapitre 37

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« Je vais conduire, John » annonce Richard Wexen alors qu'un de ses hommes de main, un grand brun en costume noir, s'apprête à lui ouvrir la portière de la berline noire. L'expression de surprise du dénommé John s'efface rapidement tandis qu'il donne les clés à son maître. Il commence ensuite à contourner la voiture, se dirigeant ainsi vers moi. Je n'observe que légèrement la voiture, elle est d'un noir luisant sans aucune décoration de mariage, aucune autre particularité. J'avance pour moi aussi monter dans la voiture, je pose la main sur la poignée pour ouvrir la portière et l'enlève rapidement avant que la main de John ne touche la mienne. « Eh tu fais quoi ? » Il se tourne d'un air de reproche vers Richard Wexen « Qu'est-ce qu'elle fait ? » Je fronce les sourcils en me tournant moi aussi vers Richard Wexen. Quelle erreur ai-je encore commise. « Andreas, tu montes devant » dit doucement mon mari. Je garde les yeux rivés sur la portière, je ne peux pas monter à l'avant et avoir... «Tu n'aimes pas avoir un inconnu derrière toi ? Tu n'as pas confiance en John ?... mais peut-être que lui aussi n'aime pas avoir une inconnue derrière lui ! » Je n'aime vraiment pas ça, j'ai l'impression qu'il arrive à lire dans mes pensées ou alors je suis trop facile à comprendre. John me regarde avec un air presque victorieux, comme s'il comprenait parfaitement tout ce qui se disait.

-On... nous pouvons très bien monter tous les deux derrière.

-Et je vais être tout seul devant ! Non. John montes devant.

Celui-ci fait une grimace avant de m'ouvrir la porte de derrière, puis monte dans la voiture non sans me lancer un regard menaçant. De quoi a-t-il peur ? Ce n'est pas comme si j'allais tenter de les tuer en chemin. Ce n'est même pas comme si je le pouvais. Enfin si je le pourrais peut-être les tuer, tout dépend des capacités de John, mais ce dernier ne m'a pas l'air faible. J'arriverais peut-être à avoir Richard Wexen avant qu'il n'ait le temps de réagir, mais ensuite nous aurions un accident dont je ne pourrais sans doute pas m'échapper sans égratignure et finalement il me resterait une dizaine de windenlindens fou furieux à combattre. Non, ce n'est certainement pas une bonne idée et puis de toute façon Frederik ne m'a pas encore donner l'ordre de tuer Richard Wexen. Je m'assoie au milieu restant de cette manière parfaitement visible des deux windenlindens. Je remarque alors les dés en fourrure blanche avec écrit en rose « just married » ce qui m'amuse.

Le trajet en voiture était vraiment plus long que je ne l'imaginais, comme si Richard Wexen voulait se marier le plus loin possible de chez lui. Finalement après plus de deux heures de route à traverser la campagne et les champs, nous arrivons enfin devant l'immense mais surtout magnifique demeure Wexen. Richard Wexen s'empresse de sortir de la voiture pour pouvoir m'ouvrir la portière. Je pose les pieds sur le sol un peu boueux à cause de l'averse qui nous a précédés, salissant par l'occasion mes sandales blanches. Je lève la tête et contemple la splendeur du château sous l'éclairci d'avril. « Oui ça fait cet effet à tout le monde » lance avec un fort accent un des quatre windenlindens qui nous suivait à moto en enlevant son casque. Je remarque alors que j'avais la bouche ouverte, je la ferme rapidement et me tourne à nouveau vers le château. Il n'est absolument pas comparable à Lyrendia, il est beaucoup plus grand. Tout est plus immense, que ce soit les grilles ornées de W en or, le jardin où se trouvent même des arbres fruitiers, un grand bassin et des fontaines. Et puis le château lui-même avec son toit en ardoise, ses pierres légèrement roses est gigantesque. Il ne ressemble pas à un château de conte de fée, mais il a l'air tellement chaleureux. « J'espère que tu vas te plaire ici, Andreas. » J'hoche la tête, je m'en fiche de m'y plaire, je vais juste y survivre, le temps qu'il faudra. Richard Wexen m'emmène ensuite à la découverte de sa demeure. Il me fait visiter le jardin, ce qui me fait me rendre compte qu'il est encore plus grand que je ne le pensais. Il y a au total huit fontaines représentant des scènes de mythologie qu'a tenté de m'expliquer mon hôte. Malgré toute sa bonne volonté, je pense n'avoir saisi qu'un tiers de ces explications, tant par mon manque de culture qu'à cause de l'accent très prononcé de Richard Wexen. Il me fait ensuite pénétré au cœur même de la demeure qui compte officiellement quarante-sept pièces, mais je me doute bien qu'il y a de nombreuses pièces secrètes. Il y a cinq étages et certainement plus d'un sous-sol.

-C'est la grande famille Wexen, m'explique-t-il alors que nous traversons un couloir rempli de tableau, à gauche les hommes et à droite les femmes.

-A gauche les dirigeants et à droite leurs épouses, dis-je négligemment à haute voix.

-Non, à gauche les hommes et à droite les femmes. Les femmes n'ont-elles pas le droit de diriger. Il y a eu de nombreux dirigeantes parmi les Wexen et quelques-unes également chez les Rouchkoff.

-Mais elles sont plus faibles que les hommes.

-Ça arrive mais elles ont souvent plus de force de caractère que les hommes. Mon fils et sa femme, change-t-il de sujet en désignant deux tableaux.

Son fils lui ressemble, il a les mêmes yeux verts que lui, le menton un peu volontaire et cette allure princière. Sa femme a des traits plus durs qui sont sans doute renforcés par le chignon qu'elle a mais son sourire illumine le tableau. Ils paraissent tous les deux avoir la vingtaine ce qui me surprend au vu de l'âge de Richard Wexen. Je jette un coup d'œil en arrière et vois le portrait d'un Richard Wexen dans la quarantaine, sa femme lui faisant face. Sa femme parait vraiment douce, ces cheveux châtains retombent presque négligemment sur ses épaules. Elle donne l'impression d'observer le couloir avec un sourire bienveillant.

-Votre fils vous ressemble.

-Ah, non, à part les yeux il a tout prit de sa mère. Il avait peut-être aussi pris mon caractère et ce n'est pas un compliment !

-Et là, qui-est-ce, je demande cela en voyant un tableau recouvert par un drap blanc.

-Le portait de mon petit-fils... mais il n'est pas encore terminé. Allez, il se fait tard maintenant, dit-il en voyant bailler un de ses windenlindens qui nous suit de loin. Le trajet a été long, tu auras le reste de ta vie pour découvrir le château et avoir toi aussi ton portrait dans ce couloir. Ça j'en doute, mais si ça lui fait plaisir.

Richard Wexen me conduit à ma chambre qui se trouve au quatrième étage. Il me montre au passage son bureau et sa chambre, eux aussi situé au quatrième étage mais dans une aile différente. « Repose-toi bien Andreas » me dit-il au pied de la porte. Il me regarde dans les yeux quelques secondes, hésitant avant de m'embrasser sur la joue. Il referme ensuite la porte me laissant seule. Je lance un regard panoramique sur la pièce, je la trouve très grande. J'ai le droit à un grand bureau en bois massif, à un grand lit à baldaquin avec de gros oreillers. Je vais souffrir quand je vais retrouver ma vie de Lane. J'ouvre l'un des immenses placards totalement vide, il est tellement haut que je ne suis pas sûr de pouvoir atteindre les emplacements du haut même en montant sur une chaise. Je me dirige ensuite vers une porte cachée par un rideau, elle mène sur une salle de bain très spacieuse. Je retourne dans ma chambre qui est tout de même très vide. Seules mes trois valises trônent au milieu de la pièce. Je tire les rideaux en velours pour pouvoir observer l'extérieur à travers les fins voilages transparents. Il fait déjà nuit noire, le quart de lune est perceptible de temps en temps à travers les nuages. Je laisse les rideaux ouvert de manière à ce que la lune et l'éclairage du château illumine très légèrement ma chambre. J'entrouvre une des fenêtres et part éteindre la lumière. Je m'allonge ensuite de tout mon long sur mon lit. Je reste habiller, je n'ose pas me changer, mon mari viendra probablement me voir dans peu de temps. J'enlève tout de même mes chaussures qui commencent à me faire mal. Je bascule sur le côté, me retrouvant de cette manière au bord de mon lit avec la porte de ma chambre en ligne de vue. Je laisse pendre mon bras droit vers le sol. J'ai été très impressionné par le couloir empli de tableau d'ancêtre Wexen, je n'avais jamais rien vu de tel avant. Comment Richard Wexen l'avait-il appelé ? Le couloir de la réminiscence. Je trouve ce mot très joli même si je ne comprends pas toute la signification de ce mot. Une autre des choses que je ne comprends pas c'est la raison de ce mariage. Pourquoi Frederik m'a-t-il fait épouser Richard Wexen alors que celui-ci a un fils et même un petit-fils. Il aurait plutôt dû me faire épouser son petit-fils ! il y aurait sans doute eu moins de différence d'âge. Cryest me dit toujours peu de chose sur les windenlindens que je dois épouser mais cette fois-ci je ne savais vraiment rien et ça a le don de m'énerver. Je n'ai pas qu'une personne a tué mais trois. Il sera impossible de faire passer trois meurtres pour des morts naturelles ou des accidents. Ils auraient dû me prévenir pour que je puisse mieux me préparer. Pourquoi ne m'ont-ils pas fais épouser le petit-fils ?... Peut-être parce qu'il n'est pas encore en âge d'être marié ?! Son petit-fils ne doit n'être qu'un enfant, pire même, ce n'est peut-être qu'un bébé ! Il est hors de question que je tue un bébé. Je n'ai pas de cœur mais je ne suis pas un monstre, pas encore !


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