Chapitre 39

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Je recouvre mon visage de ma couverture en sentant l'Énergie d'un windenlinden se rapprocher de ma chambre. Il ne va pas s'arrêter, il ne fait que passer. Mais il s'arrête devant la porte. Non ! Et il frappe, une fois puis deux. Je suis juste fatigué, je ne veux pas me lever. Je ne réponds pas en essayant de me persuader qu'il va croire que je ne suis pas dans ma chambre et va juste s'en aller. Mais il reste devant ma porte et tambourine à celle-ci. Je plaque mes mains contre mes oreilles. Arrête ! Puis il perd patience, ouvre ma porte et marche carrément vers mon lit. Il tire ensuite avec force mon drap. Je me retiens juste à temps de ne pas résister et tirer à mon tour pour le déstabiliser. J'élève les yeux vers mon assaillant ou plutôt mon assaillante. C'est une grande windenlinden à l'air arrogant, aux longs cheveux châtains qui tombent délicatement sur ses épaules. Ses yeux noirs croisent les miens. Elle me regarde avec un certain agacement. « Non mais qu'est-ce que tu portes ? » marmonne-t-elle avec dégoût. Ma tenue est pourtant beaucoup moins étrange que celle de la veille. Je porte une robe de nuit rose pâle en coton, tout ce qu'il y a de plus classique. Je me lève de mon lit en évitant son regard tandis qu'elle ne se gêne absolument pas pour me jauger. Elle sort ensuite une petite feuille froissée de la poche arrière de son jean avant de la tendre devant elle et de la lire d'une voix totalement hachée : « Maître Richard... veut que je vous sorte... donc on va... course. Il faut... tu te prépares. Et dépêche-toi ! Il est presque onze heures qu'est-ce que tu fais encore au lit ?» Elle est assez agressive avec moi et ça me pait bien. J'ai l'habitude d'être traité brutalement alors cela ne me dérange nullement. Je fais un signe de tête pour lui signifier que je l'ai bien comprise puis je me dirige vers la douche pour me préparer.

Je soupire en sentant l'eau chaude couler sur mon dos. Je ne peux pas montrer ma fatigue, je suis totalement épuisé. J'ai à peine dormi depuis que je suis arrivé, j'ai passé mes journées et mes nuits à épier le moindre mouvement d'Énergie pour tenter de découvrir quels genres de personnes m'entouraient. En plus hier nuit après ma discussion avec maître Richard, je suis allé dans la bibliothèque pour chercher un des mots qui m'avait marqué et que je n'avais pas compris : crise d'adolescence. Maître Richard ne m'avait montré cette pièce que très brièvement lors de ma visite sans qu'on n'y pénètre. J'ai passé plus d'une demi-heure pour trouver un dictionnaire dans cette immense bibliothèque, bâtie sur deux étages, uniquement éclairée par la lumière extérieure. Je ne voulais pas attirer l'attention d'un garde et de toute manière je ne savais pas où se trouvait l'interrupteur. Une fois que j'ai trouvé le dictionnaire, il m'a fallu de nombreuses minutes pour correctement orthographier le mot que je cherchais et le trouver. Ensuite je ne connaissais pas tous les mots de la définition. De ce que j'en ai compris le petit-fils de maître Richard est dans une période très importante de sa vie où il fait sa transition entre l'enfance et l'âge adulte, ce qui le rend agressif envers l'autorité. C'est assez amusant qu'il ne soit pas encore adulte alors qu'Andreas et lui ont presque le même âge, cela fait bien longtemps que j'ai passé cette étape. Je ne me souviens pas non plus avoir eu de rébellion contre l'autorité à moins que refuser de prendre de l'Énergie soit considérer comme tel. Je reviens à la réalité et soupire de nouveau en me rendant compte que j'ai oublié de prendre des vêtements. J'attache ma serviette autour de mon corps et me dirige vers mon placard pour prendre des vêtements avant de revenir vers la salle de bain. J'ignore les regards appuyés de la windenlinden sur mon corps. Mon corps n'est pas si différent de celui d'un véritable windenlinden, n'est-ce pas ? Le corps des windenlindens et des humains est plutôt semblable de ce que j'en ai vu. J'espère qu'elle ne va pas me trouver trop muscler. Je reviens dans ma chambre, revêtu d'une robe bleu pâle qui retombe sur mes genoux d'une manière un peu bouffante. Je m'assoie sur le lit pour porter de petites chaussures de sport blanches. « C'est bon » dis-je en me relevant. Elle fronce ses sourcils parfaitement dessiné avant d'ouvrir la bouche : « Non mais tu comptes vraiment sortir comme ça ?! » Je baisse les yeux vers ma tenue, elle est tout à fait normale. Elle mime une séance de maquillage pour me faire comprendre. « Ah » dis-je en me dirigeant vers ma valise pour en sortir la trousse de maquillage. J'attrape le rouge à lèvre que j'avais mis la veille. « Non c'est beaucoup trop agressif » dit-elle en me le retirant des mains. Elle fouille dans la trousse de maquillage et en sort un autre rouge à lèvre d'une couleur beaucoup plus rose. Elle me tend également un crayon noir, du mascara, des fars à joue et à paupière, ainsi que d'autres objets dont j'ignore l'utilisation. Je retourne à la salle de bain avec une certaine exaspération. Je mets juste le rouge à lèvre, le mascara et le far à paupière, c'est largement suffisant. Elle prend un air pincé en me voyant « Bon ça ira, je ne vais pas avoir trop honte. » J'enfile une longue veste en laine noire avant de la suivre hors du château. Elle nous amène devant le garage du château. Une voiture noire luisante en sort, elle est conduite par un humain brun portant un costume noir. Il doit avoir à peu près le même âge qu'elle. Il sourit humblement en me voyant et tente de sortir de la voiture mais la windenlinden bloque sa porte « ce n'est pas la peine » dit-elle avec un sourire espiègle en se penchant vers lui à travers la fenêtre ouverte. Il la regarde bizarrement mais obéis, un léger sourire aux lèvres. La windenlinden fait le tour de la voiture et se dirige vers l'autre portière de l'avant. Je monte à l'arrière sans broncher. Je m'assois derrière l'humain et observe le visage parfaitement maquiller de la windenlinden. Sait-elle se battre ? Elle n'a pas hésité à s'assoir devant parce qu'elle ne me craint absolument pas ou parce qu'elle est insouciante ? Elle remet une mèche de cheveux derrière son oreille ce qui me permet de voir ses mains manucurer à la perfection. Chaque ongle est coloré d'un rose irisée orné de petits motifs et de strass. C'est totalement impossible de se battre au corps à corps avec des ongles aussi longs, mais peut-être a-t-elle une maîtrise parfaite de son Énergie. Le trajet est assez animé du côté wexen, moi je me contente de regarder le paysage défilé, ils parlent bien trop rapidement pour que je puisse comprendre quoi que ce soit à ce qu'ils se disent. Nous arrivons au bout de vingt minutes à la ville de Frexit, le chauffeur nous laisse dans une rue très agitée. Il y a beaucoup de monde, vraiment trop pour moi, je n'aime pas la foule, je n'en ai pas l'habitude. Je marche en me concentrant pour esquiver les personnes qui arrivent de toute part. Je ne veux toucher personne et je veux que personne ne me touche. J'élève les yeux vers la windenlinden qui m'a devancée, elle parcourt fièrement la foule perchée sur ses hauts talons rouge. Elle ne tente même pas d'esquiver les personnes qui arrivent pourtant personne ne la heurte. Et puis je la vois, d'un mouvement presqu'imperceptible, les effleurer délicatement et... leur prendre leur Énergie comme si de rien n'y était. Je pensais que les wexens interdisaient qu'on prenne de l'Énergie à des humains non consentant. Ou alors cette règle ne s'applique qu'aux humains du château. Elle s'arrête soudainement devant une vitrine et attend que je la rejoigne avant d'entrer. Je la suis. C'est un magasin de vêtements. Il y a moins de monde à l'intérieur que dehors ce qui me soulage. Elle fouille frénétiquement les rayons, attrapant de temps à autre des vêtements qu'elle place contre elle avant de rapidement les mettre sur son avant-bras. Je la suis machinalement, prenant le temps de l'observer. Elle est tirée à quatre épingles. Elle porte sous sa veste noire, une chemise blanche révélant un décolleté avantageux. Son jean bleu moule ses formes parfaites, elle est vraiment très agile avec ses hauts talons. Je suppose qu'elle est l'image même de la femme idéale. J'ai rencontré de très belles femmes mais elle, elle est parfaite. La mère d'Aleksander aussi devait être très belle mais je l'ai sans doute rencontré au mauvais moment, et puis elle était loin d'être parfaite. Miss Parfaite tourne son visage sublime visage vers moi. « Arrête de me suivre et fais ta vie ok ! » Je reconnais son Énergie pleine d'excitation, elle était présente au moment où je suis sortie voir le combat des windenlinden. Il est donc légitime qu'elle se méfie de moi. Je tente de l'imiter tout en la suivant discrètement. Je n'ai jamais acheté de vêtements moi-même, on me les a toujours donnés sans demander mon avis. Il y a bien trop de choix et je ne pas quoi faire.

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