Chapitre 43

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Depuis trois jours, il y a deux nouveaux windenlindens au château. Je suppose qu'ils sont tous les deux en formation puisqu'ils dorment dans la dépendance destinée aux hommes d main de maître Richard. Je crois même que l'un d'eux partage la chambre de Ray. J'en ai déjà vu un, un windenlinden châtain clair à la peau très pâle qui semble avoir mon âge. Celui-ci m'a juste salué humblement lorsque je l'ai rencontré par hasard au détour d'un couloir. Quant au deuxième, je ne l'ai pas encore vu mais à vrai dire je n'en ai que faire. Je sors du château après m'être étiré paresseusement dans le couloir, mes cheveux m'arrivant juste au-dessus des épaules au vent. Je me suis un peu trop faite à cette vie et je le sais bien. Je salue joyeusement chaque personne que je croise puis me dirige vers une sorte de gradin aménagé dans une partie de la cours. Là j'y retrouve Charlène qui est en train de peindre. Je m'assoie deux places au-dessus d'elle et admire sa dextérité. Elle couche sur le papier avec une vitesse étonnante le jeu de balle auxquels participent des windenlindens dont Ray et les deux petits nouveaux. Ils se lancent la balle au-dessus d'un filet en utilisant à la fois leurs mains et leurs pieds. Je ne préoccupe pas vraiment d'eux, ne leur jetant pas le moindre regard captivé par les mouvements rapides de la windenlinden.

-Tu veux essayer, me demande Charlène en admirant son œuvre terminée.

-Je ne sais pas dessiner... je vais gâcher...

-Mais non ! Il faut juste tenter, me coupe-t-elle en attrapant une toile vierge. Mais c'est peut-être trop compliqué pour toi de dessiner une scène de vie. Il faudrait peut-être que tu commences par une nature morte... ou alors un nu ?

-Qu'est-ce que c'est ?

-La nature morte c'est...comment l'expliquer simplement... quand tu dessines des fruits. Et puis le nu, il faut que tu dessines quelqu'un nu, sans aucun vêtement. Je pourrais poser pour toi si tu veux !

-Euh... je vais y réfléchir, dis-je en souriant.

Charlène est ce qu'on appelle une « artiste », comme le dit souvent Eleanor, qui vit un peu dans son monde et a des idées légèrement décalées. Elle fait ce qu'elle veut et quand elle le veut sans jamais se préoccuper du regard des autres. Je l'admire pour cela et pour son talent de peintre. Maître Richard s'entoure de personnes étranges mais très appréciables. Je continue à l'observer peindre lorsque je sens un danger imminent. Je lève la tête et vois une balle foncer à pleine vitesse sur moi. Je pourrai parfaitement l'esquiver mais est-ce que Andreas, elle, en aurait les capacités ? A-t-elle suffisamment de réflexe pour faire cela ? Non certainement pas. Je dois donc encaisser cette balle. Je déteste Andreas ! Dans un réflexe incontrôlé, je place malgré tout mon bras gauche devant mon visage pour le protéger du contact avec la balle. Celle-ci le heurte dans un bruit sourd avant de rebondir, je la rattrape en l'air. J'ai un peu mal mais rien de sérieux. Le garçon à qui était destiné la balle se dirige en courant vers moi. Il semble avoir à peu près mon âge et déjà faire un bon mètre soixante-quinze. Son visage garde cependant une rondeur juvénile, quelques mèches de ses cheveux châtains clair lui retombent négligemment sur le front. Il a une légère fossette au menton. Il s'arrête à un mètre de moi et nos regards se croisent. Ses yeux sont ce qui me marque le plus. Ils sont d'un vert légèrement bleuté, un vert si éclatant, le même vert que celui de la pierre qui orne mon alliance. Ses yeux m'aspirent en quelque sorte et j'ai l'impression que je vais m'y noyer mais je n'arrive pas à m'en détourner. J'ai la sensation que le temps s'est arrêté, que plus rien ne bouge autour. Nous restons immobiles ainsi à nous fixer, longtemps, bien trop longtemps. « Tu vas bien ? » je lui demande cela surtout pour rompre le silence, cette scène doit être étrange vue de l'extérieur. Il ouvre la bouche mais aucune parole n'en sort, puis il secoue rapidement la tête. « Hein ? Ah mais c'est à moi de poser cette question ! Tu vas bien ? Tu ne t'es pas cogné la tête ?» Il dit cela tellement rapidement qu'il me faut du temps pour tout comprendre.

Avant l'AubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant