Chapitre 1

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« Trois ans auparavant »

Millicent

— Chez les Aberline —

— Dépêche-toi Millie, tu vas encore arriver en retard en cours ! s'énerva ma mère.

— Ne t'inquiète pas maman ! Je gère, lui dis-je en descendant les escaliers.

— Mais oui, bien sûr, s'exaspéra-t-elle en buvant un cappuccino mousseux.

Je lui fis un bisou puis, après avoir enfilé mes Converses beiges et pris mon sac, je sortis de la maison, munie de mon trousseau de clefs. J'étais encore âgée de seize ans pour quelques semaines seulement et j'étais en Terminale ES. Mon anniversaire avait lieu le 1er octobre et nous étions déjà à la mi-septembre. Je mesurais un mètre soixante et j'avais hérité des yeux marron de mon père.

Tous les matins, je retrouvais mes meilleurs amis, Clarisse et Alex, à la station de tramway située au coin de ma rue. On avait beau ne plus être dans la même classe depuis notre entrée en seconde, à cause de nos choix sportifs, nous avions tout de même réussi à conserver notre amitié. Justement, en parlant d'eux les voilà qui me saluaient de la station. Je les imaginais tellement bien ensemble, mais bon, ce n'était que mon avis, après tout.

— Hey ! Comment ça va ?

— Bien, bien, fait Alex en s'approchant de moi pour me faire un câlinours.

Explication : Les câlinours étaient ce que l'on appelait Alex et moi « un câlin, suivi d'un bisou ».

Il s'agissait d'un rituel que nous appliquions tous les matins sous le regard amusé de Clarisse.

— Eh ben, ce n'est pas trop tôt, Mademoiselle « Je prends soin de moi » ! Ça fait UNE heure que l'on t'attend ! me taquina Clarisse, les mains sur la taille.

— Haha, la bonne blague ! Il y a tout juste une heure, je commençais seulement à me réveiller.

— C'est une expression, Millie, quand est-ce que tu vas finir par le comprendre ? fit mine d'être fâchée ma meilleure amie.

— Clarisse ! Au lieu de me faire la tête, viens plutôt me faire un bisou, minaudai-je.

Clarisse s'avoua vaincue et s'avança vers moi pour m'embrasser sur la joue droite. Toute souriante, je lui rendis la pareille. Le tramway arrivait ensuite. Une vingtaine de minutes de trajet nous attendait. Après s'être installés sur des sièges, la discussion pouvait reprendre son fil. Clarisse avait une mauvaise mine. Elle avait la tête d'une personne qui a révisé toute la nuit pour le DS de Français qui l'attendait, mais cela ne m'étonnait pas d'elle. La connaissant, elle avait dû réécrire ses fiches jusqu'à ce qu'elle soit sûre d'elle au point de ne quasiment pas dormir de la nuit. Alex, lui, respirait la fraicheur. J'enviais son lit qui possédait un matelas si moelleux que je n'hésitais pas à venir me réfugier dès que je pouvais chez lui pour faire une sieste réparatrice. En ce qui me concernais, j'avais bien dormi. Le regard de Clarisse croisa le mien et je devinais à ses lèvres tremblantes qu'elle tenait à m'avouer quelque chose.

— Bon... Millie, il faut que je t'avoue un truc.

Qu'est-ce que je disais ?

— Oui, Clarisse ? lui demandai-je.

— Voilà, tout à l'heure, je t'ai menti quand je t'ai dit que nous t'attendions depuis une heure. En fait, nous venions tout juste d'arriver.

Mon visage s'anima d'un demi-sourire narquois. Je m'apprêtais à tenir ma vengeance personnelle. Elle l'avait bien méritée après tout.

— Aaah... Satanée Clar !

— Millie ! Arrête de m'appeler comme ça ! Tu sais aussi bien que moi que je déteste ce surnom, me rappela Clarisse en me donnant une petite tape sur l'épaule gauche.

— Haha ! Je sais !

En entendant le rire de ma meilleure amie, je ne pouvais pas m'empêcher de rire à mon tour.

— Hep, hep, hep, vous deux ! On arrête de se chamailler ! On dirait deux petites filles... mais en même temps, c'est ce que vous êtes, intervint Alex.

La suite du trajet se déroula dans la joie et dans la bonne humeur... enfin jusqu'au moment où Tessie et Enza vinrent pointer le bout de leur nez. Cette dernière aimait montrer ses formes et se prenait pour le centre du monde. Tous les jours, elle portait sur ses ongles du vernis couleur rose bonbon et un piercing au nez, assorti à la couleur de ses yeux. Sa longue chevelure rousse et frisée, ainsi que ses yeux bleu lui donnent un air sage, mais il n'en était rien. C'était tout simplement une peste avec nous comme ce fut le cas avec sa meilleure amie, Tessie. Comme si cela ne suffisait pas, elles étaient dans la même classe que moi.

— Alors, ça gaze ? nous demanda Enza en s'asseyant à côté d'Alex.

— Mouais. Tout dépend du temps que vous comptez rester avec nous, avouai-je en serrant des dents.

— Oh allez, sois sympa avec nous, me supplia Tessie.

Je crus rire de sa réponse. Elle inversait les rôles, là. L'an dernier, elles étaient déjà dans ma classe et elle me faisait des crasses. Elles s'échangeaient des mots entre elles et dès que le prof les interceptait, elles osaient dire que c'était de ma faute. Une fois, alors que je m'apprêtais à m'asseoir sur mon siège, j'évitais le pire. Elles avaient renversé de l'eau sur mon siège et heureusement que je possédais toujours sur moi des paquets de mouchoirs. Je faisais partie des gentils, ceux qu'on aimait embêter, alors qu'on a rien demandé et voyez-vous, voir leur mine d'ange en présence d'Alex me faisait bouillir de rage quand on savait tous ce qu'elles étaient capables de faire. Une fois, aux toilettes, j'avais entendu par inadvertance une de leurs conversations et je les avais surpris en train de parler d'Alex. Enza était follement amoureuse de lui. Voilà la raison pour laquelle, elles étaient gentilles en sa présence. J'en avais touché un mot à Clarisse et Alex et cela les avait fait grimacer, mais bon si ça avait le mérite qu'elles nous fichent la paix en sa présence, alors valait mieux continuer de faire comme si nous n'étions pas au courant.

— C'est parce qu'Alex est là que vous êtes aussi aimables ? demanda Clarisse.

— Écoute-moi bien petite – Enza lança un regard noir en signe d'avertissement à Tessie — libellule, on te parle comme on veut, OK ? nous menaça Tessie.

— C'est ça... et nous, on a le droit de faire quoi ? De ne rien dire ? Déguerpissez tout de suite ! leur ordonna d'un ton agacé Clarisse.

— Houla, on se calme ! déclara Enza.

— Non, on ne se calmera pas tant que vous ne serez pas parties. Votre odeur de citronnelle nous répugne, s'énerva Alex.

— Pardon ? s'offusqua Tessie en plissant des yeux.

— Tu as très bien entendu. Je n'oublie pas ce que vous faites aux filles, de temps à autre !

— Et que fait-on ? fit mine de ne pas comprendre Enza.

— Vous les humiliez, et ce jusqu'à ce qu'elles n'en puissent plus, haussa le ton Alex.

— Très bien ! On s'en va ! articula avec difficulté Tessie.

— Parfait, dis-je en souriant.

Soulagée de les voir partir, je poussais un soupir et contemplais la vue que nous offrait le tramway. Le paysage me donnait envie de croire que jamais je ne me lasserai de voir les quais de Bordeaux. Les minutes fusèrent et bientôt le trajet toucha à sa fin. Après quelques minutes de marche, nous arrivâmes enfin à destination, c'est-à-dire au Lycée Vespucci. La sonnerie venait tout juste de retentir et sachant qu'Alex était en Terminale S et que Clarisse était en Terminale L, cela signifiait donc que nos chemins allaient se séparer ici.

Nous faisions alors, avec tristesse, un câlin groupé et ceci sous le regard de l'un des garçons les plus populaires du lycée. Autrement dit sous celui de Zacchary Euton.

Tu te souviens du jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant