Chapitre 35

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Millicent

Quelques minutes seulement après que j'eus raccroché, Zacchary éteignit le four. Tant pis, le gâteau au chocolat allait attendre. Clarisse était beaucoup plus précieuse que lui. Par chance, à l'instant même où nous enfilions nos manteaux, Luna, la maman de Zacchary franchit le palier. Voyant nos airs atterrés, elle nous demanda des explications. Incapable de sortir le moindre son de ma bouche, Zac lui résuma les faits.

— Mon Dieu ! s'écria-t-elle en apprenant la nouvelle.

Sans hésiter une seule seconde, elle ouvrit de nouveau la porte d'entrée et insista pour nous conduire au centre hospitalier universitaire.

***

Arrivés à destination, Luna nous informa qu'elle rentrait à son domicile pour s'occuper du gâteau, et que s'il y avait quoi que ce soit qu'elle puisse faire pour nous aider, qu'il suffisait de lui téléphoner. Nous la remercions du fond du cœur avant d'entrer dans l'enceinte de l'hôpital pour rejoindre les parents de Clarisse et Alexandre.

***

« Une heure plus tard »

Un silence tendu emplit le couloir. Personne n'osait parler par peur de craquer. Je tremblais, et la tête baissée, des larmes silencieuses coulaient sur mes joues. Je n'en pouvais plus d'attendre et priai pour que rien de grave ne soit arrivé à Clarisse, quand soudain un monsieur d'une quarantaine d'années s'approcha de nous. Ses cheveux bruns bouclés et ses yeux bleus lui donnaient un certain charisme, malgré sa mine fatiguée.

— Bonjour ! Je suis le docteur Guillemin.

Le médecin serra la main des parents de Clarisse. Son regard croisa ensuite le mien.

Après une seconde qui me semblait interminable, le docteur Guillemin ouvrit de nouveau la bouche.

— Il faut que vous sachiez que la situation est grave, nous annonça-t-il.

— Grave, comment ? réagit Sebastian, le visage blême.

— Je vais commencer par vous annoncer la bonne nouvelle. Clarisse n'est pas tétraplégique. Les conséquences ne sont pas aussi catastrophiques.

— S'il vous plaît. Ne tournez pas autour du pot, et dîtes-nous clairement ce que notre fille a. répliqua Carole.

— En tombant de son cheval, votre fille a subi un traumatisme crânien.

— Des radios ont été faites, je suppose. intervint Alex en se raclant la gorge.

— Oui, et le verdict est sans appel.

Sur ces dernières paroles, je serrais de toutes mes forces la main gauche de mon petit ami. Je n'étais pas sûre de vouloir connaître la suite. Clarisse, ma Clarisse... Qu'allait-il t'arriver ?

Le médecin marqua un temps d'arrêt avant de poursuivre.

— Clarisse souffre d'une astasie-abasie. En dehors de la marche et de la station debout, tout fonctionne.

Je ne voulais pas croire ce que je venais d'entendre. Pour être certaine du verdict, je posais LA question... Même si cela était au-dessus de mes forces.

— Mais enfin, qu'est-ce que cela signifie ? demandai-je d'une voix enrouée.

Au fond de moi, je connaissais la réponse, mais je voulais l'entendre nous le dire... Afin de rendre la chose plus réelle.

— Ça veut malheureusement dire que Clarisse ne pourra plus jamais marcher de sa vie. me répondit d'un ton neutre, le médecin.

À la suite de cette annonce qui fit froid dans le dos, un silence de plomb régna... Enfin jusqu'à ce que le médecin reprenne la parole.

— Ce n'est pas possible ! s'énerva Sebastian en s'agrippant aux bras de Carole.

À cet instant précis, je voulais crier jusqu'à l'épuisement, mais me trouvant dans le couloir d'un hôpital, il m'était tout bonnement impossible de le faire. Sans réfléchir bien longtemps, je retirais mes doigts entrelacés à ceux de Zac pour courir le plus vite vers la sortie de l'hôpital. Ce dernier me suivit de près, tout comme Alex, frappé, lui aussi, cruellement par la nouvelle que nous venions d'apprendre.

Lorsque les portes automatiques coulissantes s'ouvrirent, nous sortîmes immédiatement... Et ce fut avec soulagement que je pus hurler jusqu'à m'en couper le souffle, sous le regard triste de mon meilleur ami et de mon copain.

— NOOOOOON ! NOOOOOOOOOON ! Pas Clarisse.

Les larmes aux yeux, Alex tentait de me maintenir par les bras, pour essayer de me calmer. Il eut du mal à me stabiliser, car je me débattais comme ce n'était pas permis. Je frappais son torse, tout en pleurant, puis au bout d'un moment, alors que je sentais mes forces m'abandonner, je me tournais complètement vers lui. Il profita de cet instant de répit pour venir m'enlacer. Instant qui ne dura que quelques secondes, car après cela, je continuais de pleurer toutes les larmes de mon corps. Ce n'était seulement lorsque je réussissais à me calmer un peu que je me jetais sur Zacchary, peiné lui aussi.

Mon meilleur ami, lui, avait le devant de son t-shirt tout trempé... Mais dans des circonstances pareilles, je m'en contrefichais,

— Putain ! lâchai-je dans les bras de mon petit ami.

Sans même m'en apercevoir, les parents de ma meilleure amie nous avaient rejoints.

— Le docteur Guillemin nous attend devant la porte de sa chambre pour lui annoncer vous savez quoi. articula faiblement Carole.

Comment Clarisse allait prendre cette terrible nouvelle ?

Je hochais maladroitement la tête, puis sans que je ne m'y attende, Sebastian me tira pour faire un câlin groupé. Nous étions alors, là, tous les cinq à s'enlacer, pour se donner du courage.

Heureusement que je n'étais pas le genre de fille qui se maquillait tous les jours pour se rendre plus belle, car sinon ma tête ne ressemblerait à rien. Avec toutes les larmes que j'avais versées, je n'osais même pas imaginer ce que cela donnait... Mais quelle importance cela pouvait avoir ?

***

En approchant de la chambre de Clarisse, je sentais un nœud se former au creux de mon estomac. Au cours de ma vie, je pensais avoir déjà stressé, mais quand le père de Clarisse appuya sur la poignée de porte de la chambre de Clarisse, toutes mes illusions s'envolèrent. Ne faisant pas partie de la famille de Clarisse, nous devions attendre pour la voir. Le docteur Guillemin avait fermé derrière lui et je luttai pour ne pas pleurer à nouveau. Je tremblais dans les bras de Zac, l'oreille droite collée contre le mur et j'entendis malgré moi des bribes de la conversation.

Pour elle, nous prenions sur nous en la voyant.

— ... Ma chérie ? demanda Carole

— ... je ne sens plus mes jambes.

— NON, NON ! VOUS DITES N'IMPORTE QUOI ! VOUS ALLEZ VOIR, JE VAIS ME LEVER ET TOUT IRA BIEN. s'énerva Clarisse.

— ... paralysée, dit Carole.

— NON ! NON ! ÇA NE PEUT PAS ARRIVER, HEIN ? JE CAUCHEMARDE, IL N'Y A PAS D'AUTRE OPTION POSSIBLE.

Je perçus les pleurs de Clarisse. Je fermai mes yeux, les joues ruisselantes de larmes. Un silence s'installa, puis un rire amer troubla ce calme.

— Je ne veux pas ! Vous m'entendez ? JE NE VEUX PAS ! Autant mourir si cela signifie que je ne peux plus nager comme avant. fit Clarisse.

Je nichai ma tête au creux du cou de Zacchary, le cœur brisé en mille morceaux.

Tu te souviens du jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant