Chapitre 22

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Zacchary

Millie allait bientôt découvrir ma maison. Bon, elle avait déjà eu l'occasion de venir ici lors de ma soirée « karaoké », mais cette fois-ci, c'était différent. Elle la verrait sous un autre angle.

En suivant le regard de Millie qui s'attardait à l'entrée de la maison, j'eus un pincement au cœur. Ma maman avait gardé une photo de famille. Celle que nous formions autrefois. Cette photo reflétait le bonheur vécu lors de cette journée. Je venais d'avoir dix ans et pour le dessert, mes parents avaient commandé un gâteau personnalisé aux trois chocolats. On me voyait rire, debout dans la cuisine, au milieu de mon père et ma mère avec un stade chocolaté dans les mains. À ce moment précis, tout allait bien. Dire que quelques années plus tard, une engueulade de trop les amena à se séparer.

Ma mère avait hérité de la maison après le décès de mes grands-parents. Le cœur lourd, mon père savait qu'une seule solution s'offrait à lui. Le temps de trouver un nouveau logement, il était resté dans notre maison, puis très rapidement, je l'avais vu fermer ses valises. À cette époque-là, je lui en voulais de partir. Il m'abandonnait.

— Ne pars pas, papa, lui avais-je dit le jour de son départ.

Avec un sourire forcé, il m'avait dit de ne pas m'inquiéter parce que ce n'était qu'un au revoir, puis il m'avait embrassé sur la joue avant de partir. Je me rappelais avoir pleuré sans retenue, en me demandant comment la suite allait se dérouler. Heureusement pour moi, il n'était pas parti bien loin et j'avais pu rester vivre à Bordeaux et garder mes copains. Aujourd'hui, je comprenais leur choix. Ils étaient plus heureux l'un sans l'autre. Un bruit me fit soudain sortir de mes pensées.

— C'était quoi, ça ? s'inquiéta Millie.

Génial ! Il ne manquait plus que ça ! Avions-nous affaire à des cambrioleurs ? Oh non, je crois que la vérité était bien pire que ça... Du moins, à mes yeux.

Je posai un index sur mes lèvres pour lui faire signe à Millie de se taire et pris l'une de ses mains tout en avançant.

Avec son plain-pied, je ne pouvais qu'adorer ma maison. La pièce principale mêlait sérénité et plénitude par son dégradé de rose framboise et gris sur les murs. L'entrée donnait sur un salon, composé de deux canapés blancs en cuir, juxtaposé à la salle à manger. À leur gauche se tenait une cuisine américaine. Une porte venait séparer cet espace. Suivi de près par Millie, je l'ouvris.

Nous longions alors un mur qui menait d'abord à la salle de bain, puis aux deux uniques chambres de la maison. Lorsque nous arrivions à leur hauteur, nous nous y arrêtâmes pour laisser un silence plus que pesant englober le couloir. Quand je tournais la tête vers la gauche, je me retrouvais face à la chambre de ma mère... Et lorsque je me dirigeais vers la droite, je me rapprochais de la mienne. En réalité, seules les toilettes les séparaient. Ce fut avec difficulté que je lâchais la main de Millie, afin de pouvoir mieux me coller contre la porte de chambre de ma mère.

Entendre les ébats amoureux provenir de la pièce me donnait envie de vomir. Ce fut sans réfléchir une seule seconde que je me redressais vivement, sous le regard amusé de Millie, qui à l'évidence avait tout entendu, pour l'attirer illico presto dehors.

***

— Tu es tout pâle, ça va ? s'inquiéta Millie en me caressant doucement la joue gauche.

— Oui, oui... Ça va.

— Tu es sûr ? Tu ne m'as pas l'air convaincu.

— Bon d'accord, tu as gagné ! T'est-il déjà arrivé d'entendre les ébats de tes parents ?

Ne s'attendant sans doute pas à une question pareille de ma part, je vis Millie s'esclaffer. En m'entendant grogner, elle reprit très rapidement son sérieux, avant de finalement me répondre.

— Oui... Mais juste une fois, et pour tout te dire, ce n'était pas fait exprès.

— Je m'en doute.

— Non, ce que je sous-entends par-là, c'est qu'à l'époque, j'étais censée dormir bien longtemps, à ce moment-là.

— Seulement... l'encourageai-je à poursuivre.

— Seulement voilà, je discutais avec un ami par SMS à cette heure tardive... Quand soudain, j'ai entendu ma mère pousser un : « Ah ! » similaire à un soupir de soulagement. J'ai ensuite bêtement dit : « Maman ? » Je n'ai plus rien entendu après ça.

— Je vois... mais imaginer Charles nu avec...

— Cela t'a traumatisé, se moqua de moi Millie.

— Eh ! Tu n'as pas le droit de te moquer de moi. Pas après ça !

Je croisai les bras, en fronçant les sourcils.

— Zacchary, excuse-moi, mais tu verrais ta tête, tu es trop choupinou.

— C'est vrai ?

— Oui.

— Redis-le-moi, s'il te plait.

— Tu es trop choupinou.

Millie sourit en déposant un baiser sur mes lèvres, que je lui rendis par la suite.

***

On disait toujours que le temps nous filait entre les doigts... Et c'était justement ce qu'il nous était arrivé, à Millie et moi, ce soir-là. Nous avions réussi à faire abstraction de la réalité qui nous entourait en passant presque deux heures à nous entraîner sur le tango. Il fallait que ma mère crie « Le dîner est prêt ! » pour que nous puissions revenir sur Terre.

***

Ma mère et Millie s'entendaient à merveille. Ce dîner avait aussi permis à Millie de faire la connaissance de Charles, le nouveau copain de ma mère. Il était évident que je ne pouvais pas mieux me porter. Ma petite amie semblait plaire à ma mère !

En sortant de table, ma mère me chuchota une phrase à l'oreille.

— Elle est très mignonne !

— Maman, tu n'es pas du tout discrète. Millie se tient juste à mes côtés, marmonnai-je.

— Je m'en fiche. Elle saura ce que je pense d'elle directement, au moins, rétorqua ma mère en souriant.

— Eh bien, merci, intervint Millie en rougissant.

— Oh, je t'en prie.

***

Avant de laisser partir Millie, je l'emmenais dans ma chambre pour lui montrer mes dessins, mais aussi pour lui parler des études supérieures. Millie trouvait tous mes dessins fabuleux... Et en particulier, celui du schtroumpf, que je lui offris, sans la moindre hésitation. Quant à nos projets, ils différaient. Elle souhaitait entrer dans une faculté de Droit, alors que de mon côté, je voulais m'inscrire dans une école de Design.

***

Une fois que j'eus fermé la porte d'entrée après le départ de Millie, je demandais une chose à ma mère.

— Maman, la prochaine fois que j'inviterai Millie à la maison, pourrai-je l'inviter à dormir ?

— Non, Zacchary, je te conseille d'aller doucement avec elle.

— Mais enfin, on a dix-sept ans !

— C'est pour ton bien que je refuse.

— Si tu fais allusion à Romane, je te remercie de te soucier de moi, mais j'aimerais essayer d'avancer et ce avec Millie.

— On verra. C'est encore moi qui décide dans cette maison.

— Très bien, répondis-je d'un ton ferme.

Elle ne voulait pas que je souffre à nouveau, comme ça avait été le cas deux ans auparavant.

Tu te souviens du jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant