Chapitre 37

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Millicent

Après avoir appelé mes parents pour leur annoncer la bonne nouvelle, je me rendis en compagnie de tous mes amis à mon domicile. Friand des barbecues, mon père avait tenu à en faire un ce midi pour fêter l'obtention de mon baccalauréat ainsi que celle des autres. Je me trouvais, à cet instant précis, dans mon jardin aux côtés de Zac, Clarisse, Alex, Matthias et Blaise. Mon frère, fier de moi, était venu nous rejoindre avec sa copine Cerise accompagné d'un cadeau soigneusement emballé.

— De la part de toute la famille, souligna-t-il.

— Merci, dis-je en rougissant.

Une fois le cadeau ouvert, je sentis des picotements provenir de mes yeux tellement j'étais touchée par leur tendre attention. J'avais entre les mains un bon pour une séance de soins de deux heures au spa de Luna, la mère de Zac. La formule comprenait un passage au jacuzzi, une relaxation et un massage relaxant du corps aux huiles parfumées. Sans attendre bien longtemps, je demandais à mes parents et à mon frère de venir vers moi pour que je puisse les enlacer. Grâce à eux, une séance de rêve m'attendait. Je l'avais bien mérité.

***

Rien ne pouvait gâcher cette fête qui avait si bien commencé... rien sauf peut-être un scandale provoqué par les sautes d'humeur de Clarisse. Après avoir enfilé des sandales et une salopette-short, je m'étais servie tranquillement un verre citronnade maison, sans me douter que l'atmosphère qui régnait dans le jardin n'était plus joyeuse. Alors que je m'apprêtais à sortir de la cuisine pour retourner dans le jardin, j'entendis Clarisse dire haut et fort à Alexandre : « Tu peux tirer un trait sur notre amitié de longue date ! ». Cette phrase avait beau être adressée à mon meilleur ami, elle me toucha tout de même en plein cœur.

En une fraction de seconde, des morceaux de verre s'étaient éparpillés de part et d'autre sur le carrelage de la cuisine. Anéantie comme jamais, je voyais à présent flou à cause des larmes qui venaient remplir mes yeux... Et si ma mère n'avait pas réagi pour me dire : « Millie, ne bouge pas ! », je me serais très certainement enfoncé un morceau de verre dans l'un de mes orteils. Baisser la tête pour constater les dégâts me fit instantanément pleurer. Ma mère, bientôt suivie par mon frère, accourut vers moi pour m'aider à remettre en ordre une partie de la cuisine. Zac vint ensuite dans le but de me consoler.

***

Après avoir remercié ma mère, Valentin et Zac pour leur aide et leur soutien, je me dirigeais vers mes deux meilleurs amis sous le regard de tout le monde. D'ailleurs, Alex reprit sa conversation avec Clarisse comme si de rien n'était pour répondre à sa phrase dure comme de la pierre.

— Tu n'as pas le droit de me dire ça... et surtout, tu ne peux pas me demander de faire une chose pareille ! répliqua Alex, blessé.

Clarisse rit amèrement puis avant qu'elle n'eût ouvert la bouche, je décidais de me joindre à eux, car j'estimais avoir moi aussi mon mot à dire.

— Écoute Clarisse... C'est de la folie ce que tu viens de demander à Alex. Tu ne peux pas réagir ainsi. Ce n'est tout bonnement pas possible !

— Tu as fini ? m'interrompit Clarisse.

— Non, je commence ! Écoute, ça va peut-être te sembler bizarre, voire carrément incompréhensible, mais il faut que tu saches que depuis que nous avons appris, Alex et moi, les conséquences irréversibles de ton accident que nous sommes détruits de l'intérieur. Oui Clarisse, ne me regarde pas avec cet air qui signifie « tu ne sais pas de quoi tu parles », car même si nous ne sommes pas à ta place, ce n'est pas la faute d'Alex si aujourd'hui tu te retrouves paralysée. En t'emmenant faire du cheval, il souhaitait ton bonheur et seulement ton bonheur. Oui, en voulant te faire plaisir, il a finalement commis la pire erreur de sa vie, et puis merde ! Ce n'est pas parce que tu as perdu l'usage de tes jambes que tu dois tirer un trait sur ta carrière de nageuse, car oui Clarisse, ta vie continue. Tu ne peux pas en vouloir à Alex d'avoir voulu ton bonheur, et ce pour le restant de tes jours.

— Waouh. Je devrai sans doute pleurer après ce long monologue et m'excuser auprès d'Alex, mais désolé de te décevoir Millie, mais je ne le ferai pas. Non. Tu sais pourquoi ? La réponse à cette question est claire. Je lui en veux d'avoir pour ainsi dire gâché ma vie. Ah et justement à ce propos, je préfèrerais mourir que de continuer à vivre en étant paralysée. Bien, maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je vais partir histoire de vous laisser profiter de ce « barbecue party ».

Tandis qu'Alex pleurait en silence, de mon côté je ne pleurais plus, mais j'avais mal à l'intérieur même très mal, car Clarisse venait d'avouer tout haut sa peur. La voir dans un tel état m'amenait à penser que peut-être elle n'arriverait jamais à s'en remettre, tellement sa souffrance était immense.

***

La fête s'était à peu près bien déroulée, après le départ de Clarisse, mais comme je me faisais du souci pour elle, j'avais foncé chez elle le soir-même. Elle m'accueillit dans sa chambre, le regard vide. Sa housse de couette préférée couvrait son lit double. Des moutons, des nuages fermant les yeux et des arcs-en-ciel se mêlaient au tissu de couleur bleu. Je voulus m'asseoir quand je vis ma meilleure amie fouiller devant moi dans son meuble rustique.

— Qu'est-ce que tu cherches ?

Lorsqu'elle se tourna vers moi, je vis l'arme de son père au creux de ses mains. Je la dévisageais, et à peine avais-je ouvert ma bouche pour tenter de la dissuader que je vis Clarisse appuyer sur la gâchette en pleine poitrine en me regardant droit dans les yeux.

— NON ! hurlai-je en me réveillant dans mon lit en sueur.

Mon réveil affichait 10 : 00. Il fallait que je voie Clarisse. J'avais un mauvais pressentiment, c'est pourquoi je sortis illico presto de mon lit pour me ruer dans la salle de bains.

***

Une bonne demi-heure plus tard, je sonnais chez la famille Guérin. Non, sans surprise, ce ne fut pas Clarisse qui venait m'ouvrir la porte, mais sa mère. En voyant ses yeux rougis, l'inquiétude qui régnait en moi grandissait.

— Bonjour.

— Bonjour, Millie. Qu'est-ce qui t'amène ?

— Je passais voir Clarisse.

Je la vis soupirer fortement avant de me répondre.

— Écoute Millie, je ne voudrais pas paraître désobligeante, mais je ne peux pas t'inviter à entrer.

— Euh... Puis-je savoir pourquoi ?

— Pourquoi ? Tu n'as juste pas choisi le bon moment pour venir, voilà pourquoi ! Maintenant, si tu veux bien m'excuser, je vais fermer la porte et...

La mère de Clarisse fut interrompue par un bruit lourd suivi d'un cri au son grave. Sans réfléchir une seule seconde, je forçais le passage en poussant légèrement la mère de Clarisse pour pouvoir entrer. Je l'entendais hurler mon prénom, mais au lieu de revenir sur mes pas je décidais de trouver Clarisse. En me concentrant sur le bruit, je m'aperçus qu'il provenait de sa chambre... Et celle-ci se situait au bout du couloir à compter de ma position. Je courais alors, le souffle coupé, pour y trouver le père de Clarisse en train de supplier d'arrêter je ne sais quoi à Clarisse. Ma meilleure amie était en pleurs. Non, mon cauchemar n'avait pas été prémonitoire, mais la scène qui se déroulait sous mes yeux fut tout de même terrible, car je voyais Clarisse jeter violemment ses coupes et médailles qu'elle avait remportées lors de ses diverses compétitions. Son père essayait en vain de la raisonner et de limiter les dégâts en ramassant les prix de sa fille ou d'en sauver certains pour qu'elle ne s'en morde pas les doigts ultérieurement. Quand je réalisais que la plus grosse coupe qu'elle avait gagnée était cassée en deux, mon cœur ne ressemblait plus à rien. Je compris à cet instant précis que Clarisse était complètement brisée de l'intérieur et ça, ça faisait très mal. 

Tu te souviens du jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant