Frénésie

Chapitre 1

- Un mariage arrangé ?!

Le coeur battant la chamade, je dévisage l'homme qui se tient en face de moi. Ce dernier affiche un air contrit avant de hocher lentement de la tête. Mes forces me lâchant d'un coup, je manque de m'effondrer sur le sol mais mon ami Shawn me saisit le bras avant de me tirer contre lui. De ses bras, il m'encercle tout en me tenant fermement contre son torse pour pas que je tombe. Je m'accroche désespérément à sa chemise en laissant des larmes couler sans que je puisse les contrôler. Elles viennent s'échouer lentement sur le tissu blanc et mon maquillage risque de ne pas tenir bon longtemps.

Shawn ne dit rien. Il ne râle pas pour sa chemise froissée entre mes poings et tachée par mes sanglots. Il ne fait aucun commentaire, se contentant de me laisser le temps d'encaisser ce qu'il venait de m'avouer.

- Comment ? j'émets d'une petite voix avant de renifler.

La joue contre sa poitrine, les battements de son coeur me parviennent et j'essaie de me concentrer un maximum sur ce son familier. Des doigts passent à travers ma chevelure châtaine jusqu'à trouver refuge dans mon dos où ils caressent dans de doux va et vient ma peau nue.

- Au début de la soirée, je les ai entendu parler ... soupire-t-il en continuant à tracer des lignes sur mon dos.

- Comment peuvent-ils me faire ça ? je sanglote en me serrant d'avantage contre lui, ma soirée virant à la catastrophe.

- Le mieux c'est que tu leur demandes, me conseille Shawn avant de déposer un baiser sur mon front.

Je relève la tête tandis qu'il se décale juste pour pouvoir plonger son regard dans le mien. Quelques instants, je me perds dans ses yeux azurs en cherchant désespérément à oublier ces deux mots qui sonnent comme la pire des traitrises à mes oreilles. J'inspire un bon coup, l'odeur de mon ami emplissant mes narines et apaisant à peine ma douleur bien trop immense. Si ce que Shawn dit est vrai, je les hais pour me demander cela.

- Je veux rentrer, je murmure doucement, la tête baissée vers mes pieds.

- Tu veux retourner à la fête ? me demande-t-il, la tête inclinée sur le côté pour pouvoir voir mon visage, les sourcils froncés.

- Je veux retourner dans ma chambre. S'il te plait ...

~~~

Sous les draps de mon lit, mes pensées vagabondent. Malgré mes efforts constants pour les tourner vers quelque chose de plus agréable, elles reviennent désespérément aux deux mots : « mariage arrangé ». À chaque fois, ils me font le même effet. Munis de leur signification dévastatrice, ils me poignardent dans le dos à de multiples reprises jusqu'à ce que je me retrouve à terre. Je tente de comprendre la raison de cette trahison des plus affreuses, néanmoins je ne parviens pas à déterminer ce que j'ai fait d'assez affreux pour que mes parents me punissent ainsi.

Je veux bien avouer que les fois où j'ai fait le mur sont nombreuses, presque aussi nombreuses que le nombre de fois où je me suis soulée à leurs fêtes pour les mettre dans l'embarras. C'était immature, je veux bien l'avouer. Presque autant que la fois où je me suis battue avec Betty Jenner, la salope de mon lycée (appelons une salope, une salope) car elle avait invité mon ancien petit ami au bal de fin d'année.
Ce sont quelques unes de mes bêtises de ma crise de rébellion, mais aucune n'est à la hauteur de ce qu'ils veulent me faire endurer.

Je n'ai jamais été une grande romantique, du genre de celles qui croient à l'amour avec un grand "a". Pourtant, le mariage arrangé ou le mariage de convenance est une des choses les plus atroces qu'on puisse demander à ses enfants. Leur demander d'épouser quelqu'un qu'ils ne connaissent pas, et si ça se trouvent, qu'ils n'apprécient pas, et les enchainer ainsi à cette même personne jusqu'à la fin de leur vie.

Hier soir, Shawn est parvenu à me monter dans ma chambre sans attirer l'attention des invités, et surtout celle de mes parents. Après m'avoir bordé et m'avoir déposé un énième baiser sur le front, il m'a laissé dans ma chambre et m'a averti quelques minutes plus tard que mes parents sont au courant que je suis "malade". En y repensant, ce n'est pas un véritable mensonge, ils m'ont rendu malade. Les symptômes ? Un mal de crâne, des yeux rouges à force d'avoir pleuré, des sueurs froides et un coeur brisé.

Quelqu'un toque pour la centième fois à la porte, cette dernière que je me suis empressée de fermer ce matin à mon réveil. Je n'ai dormi qu'une petite heure, mais je n'ai pas pu faire plus, bien trop chamboulée.

- Ma puce ? Tu comptes sortir au moins dans la journée ? m'interroge ma mère de l'autre côté du mur avant de soupirer lorsqu'aucune réponse ne lui parvient. Je peux savoir au moins ce qu'on t'a fait ?

Une nouvelle fois, je me contente de garder le silence et passe la couverture sur ma tête pour ne pas à voir son ombre sous la porte de ma chambre. Je refuse de l'imaginer avec sa mine contrite, toquant tristement à la porte. Rien que sa voix tremblante me fait regretter de garder cela pour moi au lieu de tout leur reprocher de vive voix. Cependant, je suis extrêmement égoïste ce matin et je me replonge dans mes sombres pensées.

Qui est-il, l'homme avec qui je vais devoir vivre le reste de ma vie ? Est-il au courant ? Est-il aussi triste que moi ? Ou bien souhaite-t-il ce mariage ?

Des questions qui pour l'instant demeureront sans réponse.