Chapitre 2

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Emmitouflée sous mes draps, la chaleur y est réconfortante et j'en profite toute la matinée en laissant mariner mes parents de l'autre côté de la porte. Un grondement se fait néanmoins entendre, puis un second, et je dépose ma main sur mon ventre qui s'est subitement réveillé. L'air maussade, je jette un coup d'oeil à mon réveil qui indique d'une lueur bleuâtre midi. Décidément, je ne peux pas rester plus longtemps dans mon lit, l'appétit va être la raison de ma descente aux enfers. Après avoir ruminé toute la nuit et toute la matinée sur le « mariage arrangé » en y cherchant une solution, j'ai aussi désespérément cherché à trouver un moyen d'en parler à mes parents, sans succès ...

D'entre mes lèvres s'échappe un long soupir tandis que je me glisse sur le rebord du matelas pour enfiler mes chaussons. La tête basse, les bras croisés sur ma poitrine, vêtue d'une simple nuisette noire m'arrivant mi-cuisse, je me glisse hors de ma chambre en surveillant les immenses couloirs. Personne à l'horizon. Au ralenti, je referme la porte derrière moi en faisant le moins de bruit possible et me dirige vers les escaliers d'un pas hâté pour éviter de croiser quiconque. L'avantage de résider au second étage est que je suis seule car les autres chambres sont libres pour les inviter et que mes parents se trouvent au troisième où est placé aussi leur bureau et même une salle de conférence, particulièrement utilisée par mon père ou lors des réunions associatives de ma mère.

Sur la pointe des pieds, je dévale les marches en marbre tout en me tenant à la rambarde jusqu'à atteindre le rez-de-chaussé. Jetant des coups d'oeil de droite à gauche, je m'engage dans un petit couloir pour ne pas passer par la salle de bal où les domestiques s'affairent à nettoyer les vestiges de la fête. À grandes enjambées, je le franchis en un rien de temps avant d'atteindre enfin l'immense pièce qu'on nomme ici "cuisine".

Les seules personnes que je distingue sont les cuisiniers. Pas de parents dans les parages. Un léger sourire causé par la satisfaction d'avoir atteint mon but apparait sur mon visage. Je m'avance vers un de nos employés à qui j'offre mon plus beau sourire.

- Mademoiselle Maia, ravi que vous nous rendiez enfin visite ! s'étonne-t-il non sans me rendre mon sourire.

D'un geste de la main, il m'invite à m'asseoir sur le tabouret près du ilot central. Je croise mes mains sur la surface lisse et inhabitée d'objets de cuisine, un exploit face au reste de la pièce.

- Je suis contente de te voir aussi Pedro, je lui avoue.

- Tes parents t'ont vu ce matin ? Ils s'inquiètent pour toi, de ce que j'ai appris.

Pedro, un phénomène. Il n'y en a pas deux comme lui. Depuis que je suis arrivée dans cette maison, il a toujours été là. L'homme au ventre légèrement arrondi et aux origines italiennes a toujours été adorable avec moi, un amour. Enfant, il m'a laissé me goinfrer de glace en été et, lorsqu'il en avait le temps, se goinfrait avec moi. Lors de mes crises de rébellion, il était un des rares qui parvenait à me faire entendre raison, ou dans tout les cas, à calmer ma colère. Le nombre de fois où il m'a aidé à dessouler et m'a couvert malgré les risques est inimaginable.

- Non ... et je compte bien retourner au plus vite dans ma chambre ! Tu peux me faire quelque chose à manger ? je lui demande avec un air innocent.

Lentement, il secoue la tête en signe de désapprobation avant de relever le regard vers moi. Son fameux sourire bienveillant de retour, Pedro me regarde longuement avant d'interroger sa voisine qui passait près de lui.

- Sandra, fait chauffer de l'eau. On va rapidement préparer la spécialité du chef, déclare-t-il.

Alors que la jeune femme glousse, le cuisinier me lance un clin d'oeil qui me fait sourire un peu plus.

FrénésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant