Chapitre 26

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Le lendemain, ce sont des ronflements, qui m'ont gardé éveillé quasiment la nuit entière, qui me tirent une fois de plus de mon sommeil. À bout de nerfs, je saisis l'oreiller se trouvant sous ma tête et frappe ma compagne de lit. Celle ci grogne sous la couette et, malgré le manque de sommeil évident, je ris en la voyant ainsi. Elle s'est relevée de façon soudaine et, les cheveux en pétards, me foudroie du regard.

- Tu sais, j'étais contente de t'avoir ici. Enfin une fille ! Mais si tu me réveilles comme ça, tu vas finir sur le canapé au rez-de-chaussée, me menace-t-elle de bon matin.

Je ne peux que continuer de rire en voyant la touffe qu'elle porte sur la tête et son air convenant absolument pas avec ses paroles. Je tente de reprendre mon sérieux tandis que Maria s'offusque un peu plus. Je déclare alors d'un ton moqueur :

- De un, tu es dans ma chambre et c'est moi qui devrais te dégager. De deux, moi aussi j'étais contente de t'avoir ici jusqu'à ce que je découvre que tu ronfles comme mon grand-père ! Un calvaire !

Ses sourcils se rejoignent presque et sa mine se fait boudeuse. Elle croise ses petits bras sur sa poitrine pendant que son regard noir me tue une centaine de fois dans sa tête.

- Ton grand-père, t'es sérieuse ?

- Je suis désolée mais c'est la catha ...

Pendant un temps, on se regarde jusqu'à ce qu'un sourire se dessine malgré nous sur nos visages puis nous éclatons de rire. Ensuite nous nous levons après avoir vaguement discuté et nous sortons de la chambre, toujours dans la bonne humeur, pour aller prendre le petit-déjeuner en-dessous.

Sur la table, tout est sorti et nous nous installons à nos places, l'une à côté de l'autre. Le seul restant est Tyler et je me sens mal à l'aise en sa présence depuis hier soir. Je ne sais pas quoi lui dire. Enfaite, je pense que je ne dois rien lui dire.

- Ils sont où les autres ? lui demande Maria en se servant un grand bol de céréales.

- Dave est parti tôt ce matin. Asher et Fred avaient un truc à régler à propos de la prochaine vente. Ben dort encore.

Maria hoche de la tête et je n'ose pas demander de quoi est constituée cette fameuse vente. Moins j'en sais, mieux c'est.
Tout en essayant de ne pas me faire de film, je me sers à mon tour un bol puis un verre de jus. Mes yeux curieux vagabondent entre le récipient et Tyler qui observe son téléphone tout en avalant de temps à autres une gorgée de son café. Depuis notre arrivée, il ne nous a pas accordé le moindre regard. Dans un sens, je suis triste pour lui. L'histoire avec sa soeur est terrible et je ne peux pas vraiment imaginer ce qu'il ressent, mais si Shawn ou Nathan mourraient d'une manière aussi affreuse ... Je voudrais probablement anéantir tout le monde. J'espère d'ailleurs que Nathan va bien. Mes messages restent sans réponse. En revanche, mes parents, eux à qui je ne souhaite pas parler, poursuivent leurs appels incessants et n'ont toujours pas obtenu de réponse.

- Tu vas être ravie Maia !

Je sors de mes pensées et me tourne vers mon amie qui affiche un sourire malicieux. Méfiante, je la dévisage quelques instants et demande :

- Pourquoi ?

- Tu vas avoir ton premier entrainement à la salle de tir et je vais être ta prof, déclare-t-elle en enfouissant une fournée de céréales dans sa bouche.

- Génial ... je murmure.

L'idée d'apprendre à tirer ne me plait pas. Elle ne me plait pas du tout enfaite. Je ne veux pas enlever de vies. Au contraire, je devais à la base aider des associations de charité pour aider des personnes ... Comme ma mère. Je soupire tout en mangeant un peu moi aussi et sens alors un regard sur moi. Je relève la tête et me tourne vers Tyler. L'espace d'un instant, nos regards se croisent avant qu'il ne se lève sans rien dire et s'en aille. Maria regarde la scène mais ne dit rien, se contentant de replonger dans son bol de céréales.

~~~

Je ferme un oeil, me concentre, les bras tendus, et tire. Le projectile fuse à une vitesse folle sur la cible avant de se loger dans le ventre. Un grognement s'échappe de ma gorge, agacée de ne pas y arriver.

- C'est pas si mal, tente Maria en posant une main sur mon épaule.

- Tu parles, c'est mon meilleur tire ...

- Continue, ça viendra, me conseille-t-elle avant de retourner un peu plus loin pour tirer à son tour.

Après avoir pris une grande inspiration, je me place de manière à mettre toutes les chances de mon côté. Mes bras viennent se tendre devant moi, mes mains tenant aussi bien que possible l'arme à feu. Je respire lentement tout en fermant à nouveau un oeil et tire. Au dernier instant, sous la puissance de l'arme, je ferme les yeux et lorsque je les ouvre à nouveau, la balle a traversé la hanche.

- Putain ...

- Tu n'es pas bien positionnée.

Je m'apprête à me retourner seulement deux mains chaudes se posent sur mes hanches. Pendant un instant, je savoure l'odeur familière et rassurante qui se trouve autour de moi. Mon débardeur se soulève légèrement et quelques centimètres de ma peau sont en contact direct avec sa main. À ce toucher, pourtant si anodin, je frémis avant que mes joues s'empourprent.

Sans faire la moindre remarque désagréable, il décale mes hanches à peine d'un ou deux centimètres puis s'éloigne pour mon plus grand malheur.

- Essaie maintenant, m'ordonne-t-il d'une voix rauque, près de mon oreille.

Je tente de faire abstraction de cette créature malsaine qui joue avec mes nerfs. Une inspiration prise, un oeil fermé, la cible fixée, j'appuie sur la détente. Cette fois, mes yeux ne se ferment pas. Tout ça me parait évident, je reste concentrée. Mes yeux ne quittent pas la balle tandis qu'elle se lance droit sur la cible avant d'atteindre le coeur, on pouvait pas faire mieux. Je prends quelques instants à comprendre avant de me retourner vivement vers Asher. Ce dernier affiche un sourire malicieux.

- J'ai enfin réussi ! je chantonne en regardant Asher puis la cible, tour à tour.

- C'est pas mal pour une débutante. Continue comme ça, conclut-il avec le sourire avant de se tourner vers les escaliers et de remonter à l'étage d'au-dessus.

Encore une fois, j'observe l'image qui est la preuve même de ma réussite. Je suis fière de moi, prise d'une profonde envie de sauter partout, de frénésie.
Maria s'avance vers moi avec un sourire qui annonce que je dois mieux m'enfuir à cet instant même. Cependant, elle ne m'en laisse pas l'occasion.

- Quoi ? je fais en ne supportant plus le regard qu'elle me porte.

- Il te plait, glousse-t-elle.

- Qui ? je lâche innocemment.

- Ash !

- Arrête tes conneries ! je lance aussitôt.

- Tu crois que je n'ai pas vu votre petite scène pathétique ? Fais le croire à cet idiot, mais avec moi ça ne marche pas !

Je soupire avant de lui lancer une oeillade lassée, puis décide d'opter pour la carte de la sourde-muette et me concentre à nouveau sur la cible, l'arme à la main.

Je n'aime pas Asher Henderson.

FrénésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant