Chapitre Un

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Je marche tranquillement dans les bois, l'arc bandé, sans faire le moindre son. Seul le bruit des centaines d'espèces autour de moi brise le silence presque total. Je ferme les yeux et sens le vent me caresser le visage avec délectation. J'inspire profondément et laisse mon ouï me guider vers la proie sur laquelle je lancerai l'une de mes flèches, en plein dans l'œil, comme à mon habitude. L'odeur de la sève et de la terre fraîche me calment immédiatement, me permettant ainsi d'améliorer ma concentration. La forêt est ma vraie maison. Mon lieu de refuge. Jamais je ne pourrais me sentir en danger en cet endroit serin.

C'est alors que j'entends un hurlement qui me perce les tympans. J'ouvre les yeux et recherche avec désespoir la provenance de ce cri à en donner froid dans le dos. Un coup de canon retentit et je ne peux m'empêcher de sursauter. Où suis-je ?, je me demande en sentant la panique monter en moi. Je me croyais au District 12, avec Gale protégeant mes arrières, mais en ce moment, j'ai bien peur que je sois seule comme jamais je ne l'ai été auparavant.

Je réalise sombrement que je me trouve encore dans ces horribles jeux de la faim. Comment ai-je pu être aussi bête et me laisser aller à la rêvasserie ? Je dois me concentrer si je ne veux pas me retrouver morte d'ici demain matin. Je ne mourrai pas avant d'être sortie de cette arène. Je ne leur donnerai certainement pas cette satisfaction. Je pointe précipitamment mon arme dans la direction d'où proviennent ces terribles mugissements qui s'approchent à une vitesse étonnante. Je sens le sol tonner sous mes pieds à chacun de leurs élans jusqu'à moi. Et je les vois enfin. Ces immenses bêtes avec des yeux bien trop humains pour être de vrais spécimens. Mon pouls se met à battre à tout rompre contre mes tempes, tandis que je me fais bondir dessus par les mutations génétiques créées par le Capitole.

J'entends un second hurlement, sans savoir à qui il peut bien appartenir, et je me réveille en sursaut, réalisant que cet affreux gémissement sortait de ma propre bouche.

Je suis toute en sueur et mon cœur palpite à vive allure dans ma poitrine affolée. Ce n'était qu'un rêve. Je continue de me répéter mentalement que tout est fini, que je n'ai plus besoin de m'inquiéter, puisque dans quelques heures, je retrouverai enfin les gens qui me sont chers. Pourtant, même avec cette pensée qui devrait me réconforter, je ne peux m'empêcher de trembler de frayeur face à toutes les horreurs qui viennent tout juste de se dérouler dans ma tête. Je ne me sens pas du tout en sécurité dans ce train, c'est loin d'être chez moi. J'ai l'étrange impression que le voyage n'est qu'un magnifique rêve et que lorsque je me réveillerai, je me retrouverai dans l'arène à encore devoir tuer jusqu'au dernier. Je crains que ce cauchemar ne cessera jamais et qu'il reviendra me hanter nuit après nuit, comme pour me punir des meurtres que j'ai fait durant mes Hunger Games. Je secoue la tête et me passe les mains dans le visage, comme si ça allait me permettre de tout oublier.

Je me lève malgré l'heure tardive, car de toute manière, je ne pourrais définitivement pas me rendormir, même avec tous les efforts inimaginables. Je me déshabille, ouvre le robinet de la douche et laisse l'eau brûlante couler sur mon corps crispé par la peur. Je ne cesse de me retourner vers la porte, comme si j'allais apercevoir ces yeux brillants encore une fois et qu'ils en finiraient une bonne fois pour toute avec moi, ou de ce qu'il en reste... Peut-être que physiquement, j'ai l'air en pleine forme - le Capitole a fait des miracles avec toutes mes blessures -, mais moralement, je me désagrège de l'intérieur. Je suis vraiment en train de m'enflammer, de me consumer.

Finalement, je porte bien mon nom : la fille du feu, car je pourrais presque sentir les cendres qui se rependent autour de moi au fur et à mesure que le feu me mange petit à petit. Parfois, je regrette de ne pas être morte dans l'arène comme tous les autres, mais c'est à ce moment que je repense à ma petite sœur Prim et que je me rappelle que c'est pour elle que je suis ici à essayer de réparer mes cicatrices au lieu de sombrer dans le sommeil éternel. Je dois oublier les derniers événements, les dernières semaines, et aimer la vie de nouveau. Je dois au moins le faire pour elle...

La Naissance d'un AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant