✨Chapitre 9 - D'un songe et de portraits

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Le lendemain, c'est Ethel qui me tira hors du lit.

— Bien dormi, miss la Garde du Palais ? On s'habitue vite au réveil matinal, t'en fais pas.

— À part le même cauchemar qui me hante toutes les nuits, ça peut aller... ronchonnai-je.

Nous nous habillâmes et je lui empruntai sa brosse à cheveux pour tenter de ressembler à quelque chose. Je ne faisais plus très souvent ce geste dans ma vie d'avant, mais que je l'avais jugé utile ici. Autant faire bonne impression tout de suite.

Dans le dortoir, tous s'affairaient déjà. Je reçus quelques bonjours timides tandis que nous nous rendions au réfectoire.

Je bâillai et me frottai les yeux, aussi fatiguée que si je n'avais pas dormi. Être poursuivie par les créatures chauves-souris aux ombres démoniaques me donnait toujours l'impression de craindre pour ma vie. Ça m'avait épuisée.

Le réfectoire était bruyant et sa lumière vive m'agressait les yeux. J'ai déjà dit que je n'étais pas du matin, n'est-ce pas ? Curieuse et anxieuse tout à la fois, j'observai les gens autour de moi. Ethel m'interrogea du regard.

— Toujours aussi bizarres, ces sorciers, bougonnai-je en reportant mon attention sur notre table.

Des sortes de fruits aux couleurs et textures pas très appétissantes se mêlaient à des ragoûts fumants qui dégageaient des odeurs de racines et de terre. Je fronçai le nez. Finalement, peut-être que le mythe de la sorcière préparant sa potion dégoûtante dans son chaudron était bien fondé...

— Il faut que je t'avoue un truc, lança soudain Ethel, alors que nous savourions toutes deux dans un silence religieux nos tartines à la confiture de myrtilles.

Heureusement que le goût de la baie était là pour atténuer celui du pain, aussi infecte que la veille.

— Ça va te paraître bizarre hein, mais de toute façon, tout le monde a toujours trouvé que j'étais bizarre alors peu importe. En fait, voilà, je communique avec les arbres. Ou plutôt, ils communiquent avec moi.

Elle esquissa un demi-sourire, le regard perdu dans les fruits multicolores qui égaillaient notre table.

— Tu m'intrigues drôlement à sortir un truc pareil... remarquai-je.

— Pourtant je t'assure, ce sont de vraies pipelettes ! Si tu savais tout ce qu'ils ont à me dire... Dans mes rêves. Je les entends dans mon sommeil. Sous forme de songes. Ça fait partie de ma magie, de mon pouvoir. Et avant que tu n'arrives, ils m'ont parlé de toi.

En moins d'une seconde, la bouchée que je venais de prendre attrapa un ticket express ma bouche–la table. C'est du beau, May. Et où est passée ton éducation ? Mais mon cerveau était bien trop occupé par les dernières paroles d'Ethel. À la regarder, on aurait dit qu'elle avait soudain dix ans de plus. Je frissonnai. Cette fille était un mystère à elle toute seule.

— Comment ? m'exclamai-je. C'est flippant.

Elle sourit en secouant la tête.

— Mais dis-moi tout, qu'est-ce qu'ils t'ont dit sur moi ? C'était où ? Quand ?

— Eh bien... commença-t-elle, les yeux fuyant de moi au sol et du sol à moi, confuse. Tu... Je ne sais pas, je n'ai pas tout compris, ça ne fait pas assez longtemps que je manie cet aspect de mon pouvoir. C'était comme une énigme et tu y étais liée. Comme si... comme si tu en étais la clé. J'ai ressenti quelque chose de puissant, il était beau ce songe...

— Super, frémis-je.

Je pensai à mon score. Incroyablement élevé. Anormalement élevé.

— Et j'étais où ? déglutis-je, en essuyant mes mains moites sur ma jupe.

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant