Je travaillai dur. Durant les trois mois qui suivirent, je rattrapai du mieux que je pus ce que les autres avaient déjà appris.
Et tous les matins, Ethel, Thomas et moi traversions les couloirs grouillant d'écoliers en uniformes pour nous rendre au cours de madame Kletter. C'était lors de ce cours que je me démenais le plus puisqu'après la pause, nous enchaînions avec le cours d'astrologie. La définition même de l'inutilité. Ma confrontation avec la brutalité de ce monde – à savoir les Voleurs d'âmes – m'avait changée. Je ne comprenais plus l'intérêt d'étudier le ciel alors que je n'arrivais déjà pas à comprendre ce qui se passait au sol. Pour tout dire, je ne l'écoutais que d'une oreille, plus occupée à déchiffrer les fresques qui défilaient sur les murs.
Leurs couleurs étaient fraîches et vives, contrastées et étincelantes. Elles tapaient à l'œil et l'émerveillaient comme un balai d'oiseaux exotiques au milieu d'un champ de ruines. Le peintre avait si bien su manier son pinceau (ou tout autre sortilège) que les formes représentées paraissaient en mouvement.
Des astres personnifiés. Voilà ce que les fresques représentaient. Et je n'avais besoin de personne pour les déchiffrer : elles faisaient le récit de la création du monde sorcier par les Astres. J'observais ces peintures à chaque cours, tous les jours de chaque semaine.
La raison pour laquelle je ne m'en lassais pas était simple : lorsque votre regard était happé par cette explosion de couleurs il y avait tant de détails que vous en remarquiez toujours un nouveau qui éveillait votre curiosité. De cette manière, je ne m'ennuyais jamais en astrologie et j'en vins même, grâce aux peintures, à comprendre l'histoire de la création du Monde Sorcier.
En sircien, il avait un nom. Dashgaïh. Littéralement cela signifiait maison. Mais pour les sorciers, l'ensemble du territoire sur lequel ils pouvaient évoluer, leur planète, était considérée comme leur maison. Les humains devraient en prendre de la graine.
Dashgaïh avait été créé par les astres. Ils étaient dix divisés en deux catégories. Les astres primaires comptaient le Soleil, la Lune et le « Néant ». Je n'avais pas la moindre idée de sa représentation ni de son rôle, seulement qu'il avait permis la naissance de la Lune en s'unissant au Soleil. Bizarre. Venaient ensuite sept astres secondaires : Mercure, Vénus, Mars, Saturne, Jupiter, Uranus et Neptune.
Chaque astre avait ajouté sa touche personnelle dans la création du monde en insufflant de sa magie dans les êtres dont ils peuplèrent la terre et je pensais très sincèrement qu'ils auraient pu s'abstenir car cela nous aurait évité la situation dans laquelle je me trouvais, mais il faut croire que je n'avais pas mon mot à dire. Cela donna des sorciers avec des pouvoirs de dix racines différentes.
Le fait que je juge plus intéressant d'apprendre l'astrologie par le décryptage de dessins plutôt que par les méthodes traditionnelles ne contrariait personne sauf une : le prof. Mon approche de la pédagogie ne lui plaisait pas vraiment, pour ne pas dire qu'il l'avait en horreur et il ne manquait pas de me le faire remarquer à chaque fois qu'il avait l'occasion de surprendre mon regard perdu dans les peintures ensorcelantes.
Un jour de mars où nous étudiions les associations des astres à la magie, je scrutai avec attention pour la première fois les anneaux de Saturne : ils semblaient tourmentés, s'entremêlant les uns entre les autres dans une tempête de fumeroles grises. L'esquisse ne paraissait pas réaliste mais dégageait un charme intriguant. C'est alors que monsieur Titor me tira de ma contemplation de sa voix criarde :
— Que pouvez-vous nous dire sur la magie de Vénus et les sorciers qui la portent en eux, mademoiselle la Nouvelle ?
Même après deux mois et demi passé dans son cours, il continuait d'employer cette appellation plus que dépassée. Il était le seul. Mais de toute façon, j'étais bien incapable de répondre à son interrogation.
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Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la Lune
FantasyMay pense être une ado ordinaire. Elle pense que rêver de créatures d'ombre et de poussière est normal. Et elle ne voit pas pourquoi obtenir un score aussi élevé à l'Évaluation, lorsqu'elle atterrit par hasard dans un monde de sorciers, pourrait la...