✨Chapitre 18 - D'une porte et d'une convalescence

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Feuille d'Automne s'occupa de moi pendant longtemps. Je n'étais éveillée que de temps à autres. Parfois je tombais dans un sommeil agité, peuplé de créatures informes et hurlantes. Mais dans mon rêve, ce qu'elles hurlaient avait un sens. Elles hurlaient un nom. Malheureusement, à chaque fois que j'essayais de m'en souvenir à mon réveil, il m'échappait, était introuvable.

Feuille d'Automne chantait, aussi. Des mélodies douces, parfois mélancoliques dans une tonalité que je n'avais jamais entendue et qui éveillaient en moi tout un imaginaire. De la tristesse, des séparations. Une ivresse, des consolations. 

La pièce était parfumée d'odeurs épicées. Douces, elles se répandaient partout, m'apaisaient. La guérisseuse m'expliquait tout ce qu'elle me faisait et me répétait qu'elle était persuadée que je l'entendais. Son monologue ne s'interrompait que lorsque je plongeais dans les limbes de l'inconscience. Ou peut-être qu'il ne s'arrêtait jamais, je ne savais pas. J'aurais aimé lui dire qu'elle avait raison, je ne pouvais pas.

Le matin venu, la journée se déroulait lentement, en prenant son temps. Paresse. La chape de plomb  qui m'oppressait s'allégeait, heure après heure, jour après jour. Mes membres se libéraient de ce poids peu à peu, les uns après les autres. Mais je n'allais pas mieux.

Dans l'après-midi du troisième jour, Feuille d'Automne m'apprit qu'Ethel et Thomas avaient pris de mes nouvelles pendant mon sommeil. Je souris.

La sorcière me donnait breuvage sur breuvage, gardait ma tête au frais à l'aide de linges humides et mon corps au chaud sous de grosses couvertures sans toutefois cesser son bavardage qui ressemblait parfois à des récitations en sircien.

Elle descendait d'une lignée millénaire de guérisseurs. Sa mère et sa grand-mère lui avaient passée tout le savoir qu'elle détenait à présent. Elle était en accord avec la nature et grâce à la sagesse de la sorcellerie ancestrale, elle la comprenait. Son pouvoir lui permettait prédire des évènements à l'avance et d'être au courant de ce qui se passait dans d'autres contrées ou même tout proche d'elle sans y être. C'est ainsi qu'elle avait su pour les Voleurs d'âmes et pour « Heïna ».

Je ne pouvais m'empêcher d'être déçue, Zed n'était pas repassé. Et mon état s'améliorait lentement. Chaque jour, je faisais des crises terrifiantes. Elles commençaient toujours de la même manière : je commençais par gémir, j'avais chaud, puis j'hurlais, des images terrifiantes agressant mes pensées. Comme si quelque chose essayait d'entrer dans ma tête. D'avoir accès à mon esprit. Mais je résistais. Et ça faisait mal.

Ma voix était revenue. Mes paupières aussi avaient retrouvées leur fonction, m'offrant ainsi un monde d'aveugle. Je ne voyais rien. Je sentais leur mouvement mais les seules images qui s'aventuraient devant mes pupilles étaient d'insoutenables flashs de lumières entremêlés de silhouettes tellement terrifiantes qu'elles me glaçaient le sang et lorsque je croisais leurs yeux mon cœur s'arrêtait de battre. Je n'étais même pas sûre que mes paupières s'ouvraient vraiment, peut-être n'était-ce qu'une énième illusion. Trois secondes suffisaient à faire cesser tout mouvement interne. Mon corps mourait. Puis le mouvement reprenait son activité.

Parfois, dans des instants de lucidité, je me demandais dans quelle folie j'avais sombré. Ce n'était pas une réaction humaine. Je sentais mon corps vivre. Puis je ne sentais plus rien. Dans ces moments-là, la guérisseuse prononçait des paroles aux consonances lugubres d'une voix étonnement douce. Au bout d'un laps de temps indéterminé, les sons m'apaisaient et je replongeais dans une béatitude à demi-consciente. J'avais l'impression que quelque chose avait été ébranlé en moi, quelque chose s'était brisé, ou avait été réveillé, ou peut-être avait tout simplement été traumatisé. En tout cas, je ne rêvais plus des créatures de mes anciens cauchemars, les Voleurs d'âmes. C'était déjà ça.

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant