✨Chapitre 47 - D'un lever de soleil et d'une noyade

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Charly poussa un cri d'émerveillement en même temps que moi. La journée touchait à sa fin, nous étions crevés, mais devant nous s'étalait un lac dont on ne voyait pas le bout. La surface sombre de l'eau scintillait de mille éclats de Lune. Le reflet de l'astre dans l'étendue liquide s'étirait pour prendre des proportions intimidantes. Mais le plus impressionnant était la présence de rochers qui sortaient ici et là de l'eau. Les parties visibles, fines, lisses et énormes, s'élevaient à plusieurs mètres de la surface. Ils me faisaient penser à ces sanctuaires celtes que l'on trouve en Europe.

La beauté du paysage était brute et pure, il s'en dégageait une aura solennelle et apaisante. J'étais ébahie.

Mon regard se porta sur la Lune. Elle m'intriguait. J'avais l'impression que chaque jour, sa place dans le ciel devenait plus imposante, comme si chaque jour, elle se rapprochait un peu plus du Dashgaïh. Et depuis trois semaines que nous marchions, j'avais eu de quoi l'observer.

L'astre majestueux, maître de la nuit, dont les mystères l'enveloppaient d'une brume infranchissable, me poussait dans des contemplations infinies. Au vu de sa forme, je pensais qu'elle atteindrait le demi dans quelques jours.

Charly et moi étions sur une butte d'herbe. Nous avions surgi de la forêt quelques minutes auparavant, en suivant toujours le court de la rivière qui se jetait dans ce lac.

— On campe là ? proposai-je.

Le garçon hocha la tête sans quitter des yeux ce paysage enchanteur.

Pendant nos longues heures de marche j'avais eu le temps de méditer les révélations de mon compagnon de voyage. Charly était le frère de Mike. Quel choc. Je n'avais pas osé lui demander s'il savait pour sa mort. Il se pouvait d'ailleurs très bien qu'il ne le pensât pas mort. Et je n'avais aucune raison de lui infliger plus de peine qu'il ne devait déjà ressentir.

Après tout, il avait aussi dû être séparé de Guillaume, ce frère qui était la seule famille qu'il lui restait et qui l'avait abandonné. Je me demandais ce que Mike aurait fait s'il avait vu son frère se faire bannir. Mais encore une fois, c'était dur à imaginer parce que le pouvoir de Mike avait dû être bien supérieur à celui de Guillaume et son rapport aux autres et au C.I.S.I. avait lui aussi dû différer de celui de Guillaume. En tout cas, je l'espérais.

Je m'accroupis dans l'herbe fraîche et sortis de mon sac la carcasse d'un petit mammifère de la même espèce que celui qui nous avait suivis dès notre premier jour dans le Sauvage. Une semaine plus tôt il avait fallu se rendre à l'évidence : nous ne pouvions plus nous nourrir que de fruits fuchsia, nos réserves de noix et fruits secs épuisées. Et déjà qu'avec ce régime nous avions constamment faim, nous ne pouvions pas manger moins. Nous devions nous nourrir. Alors d'un commun accord, Charly et moi avions décidé de nous en prendre au petit gibier inoffensif que nous croisions sur notre chemin.

Lors du premier essai, en utilisant mon pouvoir, j'avais carbonisé le petit animal, le rendant – à regret – immangeable. À cause de mon échec et de l'absence d'autre cible ce jour-là, nous avions dû remettre notre repas au lendemain. Le jour suivant, de plus en plus affaiblie, la tête me tournait et je crus perdre connaissance à plusieurs reprises. Mais l'espoir de réussir et cette indescriptible force qui me poussait à mettre un pied devant l'autre, à continuer de me battre, aidant, j'avais dans un élan de lucidité, essayé de ne viser que la tête du mammifère avec mon pouvoir destructeur. Et contre toute attente, j'y étais parvenue. Quel soulagement j'avais ressenti. La salive avait instantanément envahi ma bouche, mon cerveau imaginant déjà le goût de la viande sur mes papilles gustatives.

J'avais laissé le soin à Charly de dépecer le pauvre animal et de le cuir pendant que, revigorée par ce succès, j'étais allée cueillir d'autre fruits fuchsia. C'était une chance, tout au long de notre trajet à travers la forêt, nous en avions trouvé. Lorsque j'étais revenue, le mammifère était cuit et en morceaux. Charly me souriait en me tendait une part de viande alléchante.

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant