✨Chapitre 20 - De danse et de destruction

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Tous les soirs après le dîner – comme si ma journée n'avait pas été assez chargée – je rejoignais Maître Gorigann et Zed dans la forêt dorée où ils m'initiaient pendant des heures au maniement de mes pouvoirs, au « respect de la nature » et au combat. Cela ressemblait plutôt à une sorte de chorégraphie qui tissait des liens entre les Gardes. Elle accomplissait un charme, un ensorcellement capable de repousser et blesser l'ennemi.

Étant une vraie quiche en danse, inutile de préciser que mes deux mentors s'escrimaient à me faire exécuter correctement les mouvements, quand ce n'était pas à me répéter les enchaînements que j'oubliais sans cesse. J'en venais presque à admirer leur ténacité : ils ne lâchaient rien ! Maître Gorigann me répétait sans cesse qu'il fallait que je danse. Avec mon corps et mon cœur, et non mon cerveau et mes membres. Ces mots mirent du temps avant de se frayer un chemin jusque dans mon cerveau. Finalement, les essais infructueux eurent raison de lui et il parvint à décoder cette phrase après de longues cogitations.

Alors je dansai ; dans la forêt dorée, au milieu des mille milliers de paillettes soufflées par les arbres magiques qui nous entouraient. Tous les soirs je dansais, suivant le fil des semaines, je dansai et les mois se succédaient, je dansai. Zed me tenait par la main et me guidait. Durant les premiers entraînements j'avais été terriblement mal à l'aise à ce contact, mais je m'étais faite une raison parce qu'il était – plus ou moins – un sorcier comme un autre et que ce n'était pas si désagréable que ça.

Ensemble nous virevoltions, tournoyions, nous esquivions, nous retrouvions en fendant l'air dans nos tenues qui accompagnaient notre danse. Parfois, Maître Gorigann se joignait à nous en fin de leçon. S'élargissait alors le subtil balai entre les capes des hommes et les volants de ma robe. Mon pouls s'accélérait, je le sentais même battre dans mes oreilles. Je transpirais, mes cheveux lâchés flottaient et me brouillait la vue, mes boucles accompagnant chacun de mes mouvements.

Dans ces moments-là, je fermais les yeux, inspirais profondément et me perdais dans la volupté de l'art. Zed, le maître et moi étions trois mais l'énergie que nous formions et qui circulait au travers de nos corps nous faisait nous sentir comme une seule entité, liés par l'intimité de ce tango de combat. Au bout d'innombrables heures de labeur, je ressentais enfin de la satisfaction, beaucoup de satisfaction.

À la nuit tombée, éclairée par les rayons argentés de la Lune je m'écroulais par terre, essoufflée, le sourire aux lèvres. Zed s'asseyait à quelques pas de moi et nous contemplions les étoiles du firmament, là, tranquilles, sans prononcer un mot. Les seuls sons audibles étaient ceux de nos cœurs qui reprenaient lentement leur pulsation de croisière, comme pour laisser durer plus longtemps ce calme qui nous enveloppait, avant de regagner encore un peu ivres nos chambres respectives pour nous endormir la tête pleine de rêves et de couleurs, d'odeurs et de sensations.

Je l'appréciai vraiment Zed. Passées les premières impressions désagréables que j'avais eues de lui, j'avais découvert un garçon attentif et ouvert quoiqu'égoïste et têtu. Mais il ne faisait que penser à lui d'abord. Car dans ce monde comme dans celui dont je venais, l'individualisme n'était que la solution la plus simple de s'adapter à la société. Et puis le sorcier connaissait mon plus grand secret : le score de mon Évaluation. Rien que pour ça, il était proche de moi. Plus qu'Ethel et Thomas. Et plus le temps passait plus je me rendais compte que ce que je ressentais pour lui était autre chose que de l'amitié. Mais pour rien au monde je ne l'aurais admis.

Un soir à la fin de l'entraînement, début avril, une fois le calme retrouvé, je me décidai à poser au maître la question qui me trottait dans la tête depuis le cours sur les astres et la magie.

— Dites Gorigann, à quel astre êtes-vous associé ?

Zed me fixa, comme si j'enfreignais toutes les règles du C.I.S.I. à la fois. Je levais les yeux au ciel devant sa tête.

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant