✨Chapitre 21 - D'une toile et de voleurs

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— Yo Ethel, Thomas, c'est le 26 avril aujourd'hui ! m'exclamai-je.

Mes amis levèrent le nez de leurs livres d'astronomie. Nous étions en étude, il n'y avait pas un bruit mais je me sentais d'humeur bruyante.

— Ce qui veut dire ? chuchota Ethel.

— Le jour de mon anniversaire. C'est mon anniversaire, j'ai quinze ans.

— Comme moi ! Bienvenue au club !

— T'es à la moitié de la trentaine, sourit Thomas, t'as survécu tout ce temps, tu tiens le bon bout.

— Sadique, grommelai-je en retour.

Ethel explosa de rire. Les surveillants nous intimèrent de nous taire d'un regard. Et soudain Ethel chuchota :

— Il faut que je vous dise un truc... Cette semaine j'ai traîné avec un gars... Je crois que je l'aime bien. Mais je peux pas vous dire comment il s'appelle.

— Et pourquoi ça ? demanda Thomas, en haussant un sourcil, amusé.

— Imagine qu'il se passe rien, ce serait de la salive gâchée et ça vous donnerait des faux espoirs.

Je levai les yeux au ciel.

— Ma cocotte tu vas tout nous dire, qu'il se passe « quelque chose » ou pas. C'est ce qu'on appelle le gossip. Et c'est très bon pour la santé.

Mais Ethel ne m'en dit pas plus. Elle s'excusa et nous promit de nous tenir au courant si les choses devenaient « sérieuses ». Avec elle, ça voulait tout dire. Mais je ne m'en formalisai pas et Thomas non plus. Elle avait le droit d'avoir sa vie privée, son espace, ses aventures. Après tout, je ne lui racontais pas tous mes entraînements de Garde avec Zed et Maître Gorigann.

Malgré la bonne humeur de mes amis et la mienne, ma gorge se noua quand même. J'aurais dû être chez moi, avec ma famille, Amy et quelques amis. J'aurais dû souffler mes bougies et manger une tarte au citron meringué. J'aurais dû boire de la limonade – ou du cidre, après tout, quinze ans ça se fête – et ouvrir des cadeaux. J'aurais dû rire et tous les remercier. Au lieu de quoi, ce 26 avril n'était que cours, fatigue et anxiété. Joyeux, je vous le promets. Parce que j'étais toujours la même May. Et le soir, quand plus personne ne me tenait occupée, les souvenirs refaisant surface, je pleurai.

Fin mai, j'avais des courbatures de partout et mon visage arborait des cernes au comble de la classe. Mais finalement ils s'accordaient bien avec mon humeur instable. Tout ce travail, tous ces apprentissages étaient éreintants.

La pensée qui m'avait traversée en arpentant ces souterrains austères pour la première fois ne m'avait pas quittée : je voulais m'évader. Je me consolais en me disant que plus j'en apprendrais, plus il serait facile d'orchestrer ma fuite.

Je ne me voyais pas grandir au C.I.S.I. – et encore moins y vieillir. Ce n'était pas une vie, surtout si les Transferts étaient mis en marge de cette société. Il est vrai que je n'avais encore aucune idée de la manière dont je survivrais à l'extérieur mais même les mises en gardes de Zed ne gommaient pas ma certitude : je m'évaderais.

J'avais déjà évoqué le sujet avec Ethel et Thomas mais la première avait réfutée l'idée immédiatement tandis que le second avait froncé les sourcils, soucieux des idées qui me traversaient l'esprit. Je leur avais dit de laisser tomber.

Je tentais à ce moment de me concentrer sur l'exercice que madame Kletter nous demandait d'effectuer : tisser une toile protectrice, un bouclier en fait. Il fallait toujours qu'ils trouvent des noms compliqués pour des choses simples. Mais mes paroles s'embrouillèrent et je le ratai encore une fois. Je soupirai et regardai les autres autour de moi.

Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant