Point de vue de Hazar
J'astique fort au point de me brûler la peau. La crasse reste néanmoins collée, comme le souvenir de chaque coeur que j'ai écrasé avec ma lame, comme chaque tête que j'ai vu rouler au sol. Ces souvenirs restent collés dans une partie de mon cerveau. Ils ne sont pas dérangeants, au contraire ils m'encouragent à continuer, c'est juste que ça ne part pas.
L'éponge que j'utilise pour me décrasser ne sert plus à grand chose. Devenue rouge sang à force d'absorber le liquide vital arraché à mes ennemis, nettoyer mon corps souillé avec ça ne sera plus très pratique.
Je ne devrais pas me plaindre, au moins la majorité du sang collé à mon corps nu n'est qu'un sang inconnu. Mon propre sang est toujours bien caché dans mon épiderme.Je ne dirais pas la même chose de Kayden. Après que la bataille ne soit officiellement terminée, les égratignures assez profondes sur tout son corps me laissent penser qu'il va avoir du boulot pour tout panser. C'est le prix à payer pour combattre dans la deuxième ligne de combattants: Un acte audacieux mais qui peut nous arracher la vie comme un aigle qui attrape un poisson nageant trop près de la surface.
Je sors des douches communes et me change le plus rapidement possible. Un long souffle sort de ma gorge quand je me regarde dans la glace.
C'est la première fois que je n'ai pas à compter les morts après la bataille. D'habitude, c'est les soldats qui sont chargés de le faire. Maintenant que j'ai été promue, je n'ai plus à le faire et je m'en réjouis. Non pas que compter des morts soit une activité qui me fasse ressentir quoique ce soit, c'est juste le fait de "travailler après le travail" qui est irritant.***
Je traverse les couloirs presque déserts de la base. Tous les soldats sont occupés à nettoyer le sang, compter les morts, et d'autres "corvées" insupportables, mais nécessaires.
Après une bataille, c'est comme le sevrage d'un drogué. C'est dur, tout ce qui t'entoure te rappelle l'instant fatidique où ta vie était à deux doigts de t'échapper des mains. Mais chaque seconde passée te rappelle à quel point tu es fort. Mon souffle prend un long moment pour enfin fonctionner à une cadence normale, mes muscles se calment avec le soleil qui s'apprête à céder sa place dans le ciel.
Alors que je m'apprête à retourner dans ma chambre, je tombe nez à nez avec un homme de grande taille. Je relève la tête et, comme je le pensais, il s'agit bien de Kayden.
Quelques bandages sont visibles malgré le fait qu'il porte de nouveau un costume sombre. Il s'est visiblement soigné et a pris une douche aussi bénéfique que la mienne.Je passe devant lui en le saluant d'un rapide mouvement de tête, ce qui ne lui suffit apparemment pas.
Je l'entends m'appeler d'une voix blanche et claire.- Un problème ? Demandé-je en m'approchant de nouveau.
Il me sourit calmement en passant ses mains derrière son dos.
Il me scrute de haut en bas en prenant tout son temps, si je ne le connaissais pas son regard insistant m'aurait vite agacé.- Ça a l'air d'aller après une telle bataille, affirme-t-il en continuant de m'observer. Tu as l'air de t'en être sortie saine et sauve.
Il relève ses yeux et me regarde attentivement, ses lèvres aussi figées que deux pierres tombales.
Son costume noir le rend encore plus imposant, n'importe qui - autre que moi - se serait senti inférieur devant lui.- J'ai eu de la chance, effectivement.
Il hoche la tête en regardant autour de lui. Il est plus impénétrable qu'une tour défensive. Je ne sais presque jamais à quoi m'attendre avec un homme comme lui.

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Bravery
Science Fiction2160. Tuer est une habitude, torturer un loisir quotidien. L'Homme n'est plus humain, la compassion est noyée dans les cendres des guerres qui font rage. Bravery, un des territoires les plus puissants au monde, n'a qu'un but: Massacrer pour ga...