11 - Longs

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Point de vue de Kayden

Plus con, tu meurs...

Comme si j'avais passé des années à apprivoiser un lion sauvage, pour ensuite le jeter dans la nature.
Garder ce secret pendant cinq ans, pour ensuite le raconter au premier venu.
Mon regard ne sait où se poser, un regret immense me brûle à petit feu.
Je ne pouvais pas garder ma bouche fermée deux secondes ?
Elle n'espérait même plus de réponse au moment où j'ai décidé de tout cracher.
Mais son regard nonchalant et ses gestes indifférents m'ont forcés à faire sortir ce fardeau coincé dans ma gorge.

Elle m'a écouté en silence, mordant doucement sa lèvre inférieure. Ses yeux se sont brutalement fermés quand mon récit est arrivé à l'instant fatidique.
Raconter ce souvenir noir a été une lourde épreuve, mais le plus dur reste devoir supporter la situation étrange qui se pose entre nous deux après un tel récit.

J'appuie mes coudes sur mes genoux, observant le feu comme s'il cachait le secret de la vie.
Oui, j'évite son regard. Ce que j'y lirai ne me plaira pas.
De la pitié ? De la compassion ? Jamais, ce n'est pas Kayden Blakemore qui a besoin de ça.
Je construis le respect de mon peuple pierre après pierre, cet incident n'est qu'un tsunami qui a tout emporté sur son passage. La seule chance qui pourrait garantir que tout ne s'écroule pas une deuxième fois, c'est que ce secret reste enfermé.

Quelques minutes passent sans un son, je n'entend même plus le craquement du feu à quelques centimètres. Je me retourne pour apercevoir Hazar, toujours assise sur sa roche, à me regarder avec une puissance qui pourrait me paralyser.
Ses cheveux blonds descendent en cascade sur ses épaules, offrant la seule source de luminosité sur son corps, entièrement habillé de noir.
Pour une fois, je ne suis pas le seul à choisir les couleurs sombres.

Ses lèvres rouges s'entrouvrent lentement. Elle s'apprête visiblement à sortir une des répliques les plus clichés qu'on puisse dire dans ces situations.
"Je suis désolée", "Tu es un homme fort pour supporter ça", ou même "Nous traverserons ce problème ensemble" si elle est assez simplette pour sortir ces niaiseries alors qu'on se connaît à peine.

- Mais merde ! Souffle-t-elle en fronçant ses sourcils épais. En fait ces salauds ont...

- Je devais me taire on dirait, me plaigné-je en me frottant les yeux.

Je ne suis pas clément. Je n'ai pas envie de l'être. Elle n'a pas sorti de conneries jusque là. Mais je regrette déjà de lui avoir tout dit. Ce n'est pas sa faute, je ressentirai la même chose avec n'importe qui.
Son regard tremble dans tout l'abris. Elle passe violemment la main dans ses cheveux pour les ramener en arrière.

- Ça fait toujours du bien de parler à quelqu'un.

L'indifférence est gravée sur son visage.
Sa voix est basse et elle accompagne ses paroles d'un sourire en coin nonchalant. Sa tête se tourne vers l'entrée de l'abris.

- Je ne me sens pas mieux, répliqué-je.

Elle se retourne en m'entendant et relève son pied pour le poser sur la roche sur laquelle elle est assise. Elle appuie son menton sur son genou en me regardant.

- Tu en as parlé avec la mauvaise personne on dirait.

Un rictus se trace sur mes lèvres. Elle se lève pour marcher lentement dans le minuscule abris. Son corps est élancé, et attire les regards.
Maintenant que j'y pense, ses bras sont légèrement plus longs que la normale, et je ne me gêne pas pour le lui montrer.

- Tes bras sont longs.

- Ta langue aussi on dirait.

Elle répond du tac au tac sans me regarder, ce qui me fait lâcher un rire amusé. Elle se retourne et m'envoie une expression moqueuse tout en cachant ses mains dans les poches de sa veste.

BraveryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant