Il sortit de la pièce si confus qu'il en oublia sa veste à l'intérieur. Il dû y retourner sous les applaudissements sarcastiques de M. Lafargue qui n'en revenait pas. Puis, une fois seul dans le couloir il hésita: il ne pouvait pas rejoindre les étages où il avait fanfaronné quelques minutes plus tôt, pas dans cet état de décomposition ! Alors il décida de s'enfermer dans les WC. Là, il pleura comme un bébé. Là, il se vida de ses émotions pour ressortir des toilettes le torse bombé et armé d'un sourire presque crédible. Son but immédiat était de quitter le bâtiment sans se faire repérer, mais sa popularité joua contre lui:
— Eddy attends ! Raconte ! Ça a été ? questionna Georges, un membre de son équipe.
— A ton avis ? répondit Eddy comme si une réponse positive allait de soi.
— Vraiment ? Ça s'est bien passé ?
Le jeune chef de projet comprit alors que ses subordonnés s'attendaient à ce qu'il se prenne une claque dans le bureau. "Ces enculés ont comploté, c'est certain !" pensa Eddy qui luttait pour ne rien laisser paraître.
— Evidemment ! C'est qu'une impression ou t'as l'air surpris ?
— Non pas du tout j'y croyais à fond ! dit-il en lui collant une tape amicale dans le dos. Avec l'équipe on l'avait parié que ça allait bien se passer pour toi ce matin. Ah je suis content Eddy ! Faut qu'on fête ça hein ? Tiens tu sais quoi ? Laisse-moi faire: soirée strip-tease dans un endroit bien chaud, avec des magnums à la hauteur de ton génie. Oh oui on va se retourner le crâne. Il y aura des gonzesses du sol au plafond. Je passe te chercher à minuit body !
Et voilà, ce qui ne devait pas arriver arriva. Avec ce mensonge, s'il perdait son job, il serait humilié. Il fallait à tout prix qu'il réussisse à refaire l'affiche avant la fin de la soirée, ou sa vie s'effondrerait. Conscient du timing plus que serré, il slaloma entre secrétaires et collègues qui essayaient de l'aborder, il leur mit de sacrés vents mais c'était pour la bonne cause. Il emprunta même les escaliers de secours, lugubres et froids, pour éviter qu'un traître ne l'accoste. Bien sûr, il fallut qu'un technicien fasse cliqueter sa boîte à outils à cette heure-là ! Le travailleur le regarda dévaler les marches à peine éclairées, se demandant si c'était encore un de ces agoraphobes qui déviaient de la trajectoire commue. Il poussa une porte et déboula dans le hall. Là, il devait parcourir une ligne droite de vingt mètres avant d'atteindre le tourniquet de sortie, mais à découvert ; il n'y avait aucun mur derrière lequel se camoufler. Cette grande gueule d'Eddy était malheureusement du genre à passer sa première heure de boulot à draguer les jolies réceptionnistes.
— Eddy ! cria une beauté à lunettes derrière son comptoir.
— Eh l'ami ! Viens nous raconter ! appela un barbu également à son poste.
Le publicitaire regretta pour la première fois de ne pas avoir pris de distance avec les employés de la boîte comme le lui avait conseillé son supérieur. A ce moment précis, il détestait sa popularité. Il respira un grand coup et sprinta telle une star fuyant une meute de paparazzis excités. Sous les yeux ébahis de la rangée de réceptionnistes, il se jeta in extremis dans un espace de la porte tambour. Agacé par la lenteur du tourniquet, il poussa la porte en verre devant lui pour l'accélérer. Contre toute attente, le système se bloqua. Il était bêtement pris au piège comme Obi-Wan Kenobi lors du combat contre Dark Maul. Les passants qui marchaient sur le trottoir s'amusèrent de le voir se débattre dans sa cage, tandis qu'à l'intérieur de l'agence, la confusion régnait toujours. C'était un moment très embarrassant pour Eddy. Soudain, à l'extérieur, juste sous son nez, il assista à un événement tout à fait étrange. Un homme mal rasé qui portait des vêtements de basse qualité, tentait de rentrer dans le bâtiment, mais le vigil ne le laissait pas faire. A travers sa prison de verre, il entendit leur conversation pour le moins musclée.
— Espèce de gorille débile, laisse-moi rencontrer le patron, j'ai une proposition à lui faire ! s'écria l'homme chétif qui désirait entrer.
— Répète pour voir ? s'indigna l'imposant gardien.
— J'ai une proposition à faire à ton chef, provoqua l'importun.
— Non, l'autre partie de ta phrase ! s'énerva-t-il.— Espèce de gorille débile ?
Le vigile se rapprocha de l'impertinent pour le propulser violemment au sol.
— Allez casse-toi clodo, déguerpis ou je t'envoie la police !
Enfin, la porte tambour se débloqua et Eddy pu achever sa sortie ratée, comme si de rien n'était. Mais à peine eût-il un pied dans la rue, que l'homme survolté se précipita sur lui. Son odeur lui donna des maux de ventre.
— Monsieur vous travaillez ici ? Vous êtes dans la pub ? Je dois vous parler c'est urgent ! se révolta le puant, conscient qu'il n'avait que quelques secondes avant de se reprendre une raclée. Mais Eddy avait d'autres chats à fouetter:
— Lâche-moi sale con ! Sécurité !
Le vigile tira sur le bras du jeune hystérique, mais ce dernier se dégagea. Il eut tout juste le temps de glisser une feuille pliée en quatre dans la poche d'Eddy, avant de se faire éjecter comme une pastèque d'une falaise.Dé{�}���6
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Tomber de bas ( Terminė)
AdventurePeter et Théophile ont touché le fond. Le genre de trou ténébreux qu'on ne remonte pas avec une échelle, mais bien en utilisant son cerveau. Un brin de courage peut aider, mais est-ce suffisant ? Il va falloir se salir... Terminé, pas de modifs en v...