— Welcome to the Lush Royal Hostel! Please let me your luggages, I handle this, déclara un majordome à leur arrivée.
Lisa dû traduire les consignes à son compagnon qui ne lâchait pas ses bagages. L'anglais ! En choisissant la Floride comme lieu de repos, il avait oublié ce léger détail. "Il ne risque pas de dragouiller les jolies filles du coin avec ce niveau de merde", pensa Lisa, amusée. Ils suivirent en silence le majordome qui ouvrit la marche. "C'est fou cette capacité qu'ont les reporters de maquiller la réalité !" se navra Peter. Dans l'émission, la piscine semblait faire trois fois la taille de cette ridicule pataugeoire. Il se demandait comment il allait pouvoir s'entraîner là-dedans. La nature autour aussi était décevante. A la TV, on se serait cru dans une jungle ! Là, Peter avait l'impression de rentrer chez Jardiland. Le petit pont en bois sur lequel ils passèrent, couina sur son passage. Des mites avaient bouffé les planches extérieures. La vue contreplongée du caméraman avait rendu royaux tous les palmiers du jardin du Lush. Dans la réalité, Lisa avait les feuilles qui lui arrivaient au menton. Le bâtiment par contre était assez récent et beau. Le couple fut conduit jusqu'à sa chambre, la 106, au premier étage. Peter s'était attendu à avoir le cœur qui palpite en découvrant la décoration de sa location. Habituellement, rien qu'à la vue d'un bon matelas, il sautait de joie. Là, il lâcha sa valise et inspecta les bibelots, plus minutieusement encore qu'un enquêteur sur le lieu du crime.
— Mouai, il reste de la poussière sur le haut de l'étagère.
— Tu deviens vraiment chiant Peter, déclara Lisa en soupirant profondément. Plus le temps passe et plus les petits plaisirs t'indiffèrent ! Tu viens de la rue pourtant non ? Réalises-tu la chance que tu as de te retrouver aux Etats-Unis ? Tu viens de payer deux semaines dans un quatre étoiles avec vue sur la mer comme si tu l'avais toujours fait ! Plus rien ne t'excite dans la vie ? Qu'est-ce qu'il te faut de plus pour être heureux ? Je désespère !
— La chance n'a rien à voir dans tout ça ! gronda Peter, méconnaissable lorsqu'on lui faisait ce genre de critique. Tout ce que tu vois autour de toi, cet écran plat, la salle de bain avec les jets massant, le balcon exposé côté sud... tout, tout est là parce que je l'ai mérité ! Tu penses probablement que le voisin à la 105 peut râler de droit parce qu'il est né une cuillère en or dans la bouche ? Ma cuillère à moi, elle était en bois et il y avait du moisi dessus ! A partir de là, je bougonne si je veux, point, fin du débat. Maintenant, si tu veux savoir pourquoi je suis en colère, suis-moi, je vais te montrer, rajouta-t-il en la trainant sur le balcon. Regarde au-dessus ! Compte les étages !
Elle retira ses cheveux roux de devant ses yeux, et imita la visière d'une casquette avec ses mains. Le soleil tapait fort, Lisa aurait préféré se reposer du voyage plutôt que d'admirer les balconnières de l'hôtel. Elle annonça 9, sans grande conviction.
— 11 balcons. Il y a tellement de balcons au-dessus de nos têtes que tu n'arrives même pas à tous les voir ! Et ça moi, ça m'insupporte ! expliqua Peter, comme s'il parlait de la fiscalité en France.
— Je ne vois pas où est le problème.
— Le problème ? Le problème, c'est que le jacuzzi et le champagne à volonté se trouvent tout en haut, dans la suite royale ! Nous, nous n'avons pas tout ça, la baignoire est ridicule !
Peter s'affala dans le lit et ferma les yeux. Il songea à se taire, Lisa méritait de se détendre. Travailler dans le milieu de la restauration, même dans le luxe, ça épuise. De toute façon, elle ne se trouvait pas sur la même longueur d'onde que lui. Sa compagne se contentait d'une chambre banale, lui s'imaginait sur les yachts géants de l'émission. Malheureusement, il commençait à se rendre compte que les privilégiés de ce monde nageaient dans des piscines remplies de billets. La sienne à Paris – qu'il partageait avec tout l'immeuble – ne contenait que de l'eau, du chlore, des poils.
Son amour s'allongea à côté de lui sans dire un mot, puis s'endormit aussitôt. Ne voulant pas la réveiller, Peter prit sur lui et laissa l'écran de la télévision noir. Il observa la pièce à la recherche d'une occupation pas trop prise de tête, et tomba sur la brochure du Lush Royal. Il jura contre les photographes qui embellissaient de mieux en mieux la réalité quand la piscine fit son apparition dans le bouquin. Elle était grande et majestueuse, rien à voir avec le pédiluve sous sa fenêtre. Peter tourna les pages et lu un paragraphe sur les animations proposées. Le concert de James machin chose ne l'intéressait pas. En revanche, la réception chic du soir l'inspirait davantage. "Voici l'occasion de rencontrer du beau monde. Avec de la chance, il y aura le propriétaire d'un bateau !", imagina-t-il, flottant sur un nuage d'espoir.
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Tomber de bas ( Terminė)
AdventurePeter et Théophile ont touché le fond. Le genre de trou ténébreux qu'on ne remonte pas avec une échelle, mais bien en utilisant son cerveau. Un brin de courage peut aider, mais est-ce suffisant ? Il va falloir se salir... Terminé, pas de modifs en v...